CHAPITRE V I:
LA NOUVELLE LOI COOPERATIVE : POUR UNE ADAPTATION
ET UNE PLUS GRANDE COMPETITIVITE DES COOPERATIVES FEMININES DANS UNE ECONOMIE
LIBERALISEE
La nouvelle loi coopérative se caractérise au
plan institutionnel par des mutations aussi bien dans les règles
liées à la constitution des coopératives que dans les
règles relatives à leur fonctionnement. Elle s'applique à
tous les secteurs d'activités. Inscrite dans la logique de
l'économie libéralisée, la nouvelle loi coopérative
accorde plus d'initiatives aux acteurs locaux et réduit l'implication de
l'Etat dans l'organisation et le fonctionnement des coopératives. Elle
ne se distingue pas fondamentalement des anciennes lois, mais contient quelques
innovations significatives. Désormais, les coopératives peuvent
se constituer directement après une étude de faisabilité
devenue, selon les nouvelles dispositions, un préalable. L'étape
transitoire qui est celle du Groupement à Vocation Coopérative
(GVC) et qui était en vigueur depuis la loi d'août 1966, est, de
ce fait, supprimée. En outre, dans leurs activités, les
coopératives sont exonérées de l'impôt sur le
bénéfice. Au niveau de l'organisation et du fonctionnement
interne, les Commissaires aux comptes doivent être choisis en dehors des
membres des coopératives. De plus, le niveau d'études
apparaît de plus en plus comme un critère pertinent dans le choix
du Directeur ou du Gérant d'une coopérative. C'est un argument
clef que mobilisent régulièrement les structures de
développement et leurs agents. Ainsi, en principe, le niveau requis pour
un Directeur ou un Gérant d'une coopérative est le BAC+2 ou le
BAC+4 dans les domaines des sciences économiques, des sciences de
gestion ou de la comptabilité. En fait, les pouvoirs publics
considèrent que l'analphabétisme des
coopératrices/coopérateurs est, dans une large mesure, la cause
principale de la mauvaise gestion et de la faillite des coopératives.
Par conséquent, en misant sur le capital culturel, ils pensent faire
face à cette situation et avoir des organisations coopératives
plus stables et plus dynamiques.
On sait qu'une économie libéralisée
exige une compétition plus accrue entre les acteurs économiques.
Cette compétition est la conséquence du jeu de la
concurrence ; jeu dont le mécanisme doit être
maîtrisé par les acteurs économiques pour pouvoir ajuster
leurs actions au fonctionnement du marché. Dans cette perspective, par
le rehaussement du niveau d'études des Directeurs ou Gérants,
l'Etat entend leur donner plus de ressources. Au fond, l'objectif visé
par l'Etat, c'est d'avoir des coopératives non seulement
« bien » organisées mais surtout
compétitives, viables et efficaces économiquement. Les
coopératives féminines opérant dans la distribution et la
commercialisation des produits vivriers sont particulièrement
concernées. Car cette activité est dominée par des femmes
illettrées et pour beaucoup, le commerce des produits vivriers reste
inorganisé. Il faut de ce point de vue le restructurer et le moderniser.
Et aux yeux des pouvoirs publics, cela passe par une appropriation collective
et par la mise en pratique effective des nouvelles règles
coopératives par les commerçantes de produits vivriers.
Conclusion partielle
Les contradictions du modèle ivoirien du
développement et la crise économique ont entraîné la
libéralisation et réduit la mainmise de l'Etat sur
l'économie. Cette situation a donné une nouvelle configuration au
champ économique. Elle eu des conséquences qui sont ressenties de
façon différente lorsqu'on passe du secteur des produits
d'exportation à celui des produits vivriers. Dans le premier cas, les
enjeux, les luttes et les conflits autour des retombées de la
libéralisation persistent malgré l'apparition de nouveaux acteurs
non étatiques et la définition d'un nouveau cadre d'organisation
de l'économie des produits d'exportation. L'espoir suscité par la
cession des activités de production et de commercialisation aux acteurs
locaux ne s'est pas traduit par une cohérence au niveau de l'action
coopérative. L'effervescence dans la création des organisations
coopératives est noyée dans le jeu des enjeux économiques
et dans la lutte pour la captation des mannes de financement. A
l'opposé, dans le secteur des produits vivriers, il n'y a pas de
véritables bouleversements au plan institutionnel. Mais les femmes dont
le rôle est passé sous silence dans l'évolution des
coopératives tentent de se réorganiser. Elles s'approprient les
opportunités de la nouvelle donne économique et multiplient les
initiatives de regroupement. Ces initiatives de regroupement doivent cependant
se mettre en place selon la nouvelle loi coopérative qui, dans le
contexte économique actuel, vise à apporter des correctifs au
mode d'organisation et de fonctionnement de leurs coopératives. Dans
cette perspective, comment les règles qu'elle véhicule sont
vécues par les commerçantes de produits vivriers ? Se
sont-elles substituées aux règles et conventions sociales qui
régissaient le mode d'organisation des commerçantes ?
Pourquoi ? Répondent-elles aux besoins réels des
commerçantes dans l'exercice de leur activité ?
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