CHAPITRE V :
LES IMPLICATIONS DE LA LIBERALISATION DE L'ECONOMIE
IVOIRIENNE ET DU DESENGAGEMENT DE L'ETAT
Si donc l'Etat s'est désengagé progressivement
de l'économie nationale et a favorisé de ce fait sa
libéralisation, les répercussions ne sont pas identiques d'un
secteur d'activités à un autre. Dans le secteur des produits
d'exportation, les mutations institutionnelles sont plus importantes. La
disparition de la CAISTAB en est l'élément majeur. Elle consacre
l'abandon de la politique de stabilisation des prix des produits agricoles et
limite l'emprise directe de l'Etat sur les producteurs et les organisations
coopératives. Cette nouvelle donne économique suscite
l'apparition de nouveaux acteurs qui tentent de légitimer leurs actions
en s'adossant à l'idée sacro-sainte de la défense des
intérêts des producteurs. Les acteurs locaux concentrent leurs
actions sur la création d'organismes et de coopératives qui,
semble t-ils, ont pour objectifs d'aider les producteurs à
maîtriser la commercialisation de leurs produits et à profiter des
retombées de la libéralisation. Dans cette perspective, il y a
une effervescence au niveau de l'action coopérative. Mais les
organisations coopératives sont traversées par de nombreux
conflits liés le plus souvent à la lutte pour la captation des
financements. Ces conflits d'intérêt ou de positionnement rendent
inefficaces leurs actions. Aujourd'hui, les coopératives ne sont pas
encore des filets de sécurité efficaces pour les producteurs
qu'elles sont sensées aider. En outre, en s'appuyant sur leurs
capacités financières, les multinationales tentent d'avoir le
contrôle du marché ivoirien du café et du cacao et de
s'assurer une position de monopole. Somme toute, malgré le nouveau
contexte, le secteur des produits d'exportation reste dominé par la
persistance des enjeux économiques qui affaiblissent les organisations
coopératives et rendent vulnérables les producteurs.
Dans le secteur des produits vivriers, il n'y a pas eu de
véritables mutations institutionnelles. Néanmoins, il y a des
évolutions significatives. Le nouvel environnement économique
semble créer un nouvel élan de dynamisme dans ce secteur. Les
femmes qui en sont les principales actrices font une apparition plus
significative dans le nouveau système coopératif. Sans être
sous le contrôle effectif des pouvoirs publics, elles profitent, tout de
même, de la sensibilisation sur la nouvelle loi coopérative et
créent de plus en plus de coopératives aussi bien dans les zones
de production que dans les centres urbains. Ce dynamisme de l'économie
des produits vivriers se construit autour de quelques femmes leaders. En avril
2003, la Fédération Nationale des Coopératives de Vivriers
de Côte d'Ivoire (FENACOVICI) dirigée par Irié Lou Colette,
comptait, à elle seule, plus de 252 coopératives regroupant
environ un million de membres. Ainsi, même si les coopératives des
produits d'exportation occupent toujours une position
hégémonique, l'évolution rapide du nombre de
coopératives féminines est une situation nouvelle dans le
système coopératif ivoirien au regard des disparités
sectorielles qui ont existé jusque là. Au reste, la crise
économique aidant, les activités économiques des
coopératives féminines acquièrent plus de reconnaissance
sociale. La production, la distribution ou la commercialisation des produits
vivriers qu'organisent ces coopératives ont des répercussions
positives sur les politiques alimentaires et sociales. Elles favorisent un
approvisionnement régulier des agglomérations urbaines. De plus,
avec les nombreux licenciements et les pertes d'emplois dus à la crise
économique, beaucoup de ménages dépendent des
activités marchandes des femmes. Mais les pouvoirs publics
considère la nouvelle loi coopérative comme un cadre
institutionnel à même de moderniser les coopératives
féminines et de leur donner plus d'efficacité.
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