DEUXIEME PARTIE :
LA LIBERALISATION DE L'ECONOMIE IVOIRIENNE ET LA MISE
EN PLACE DE LA NOUVELLE LOI COOPERATIVE DE 1997
CHAPITRE IV:
LES CAUSES DE LA LIBERALISATION DE L'ECONOMIE
La libéralisation de l'économie ivoirienne
marque la fin du monopole de l'Etat et le début de la modification de
ses rapports avec les acteurs économiques. C'est dans ce contexte qu'est
mise en place la nouvelle loi coopérative. A l'observation, deux grandes
raisons fondent la libéralisation de l'économie ivoirienne et le
désengagement de l'Etat des activités économiques. La
première est relative aux contradictions ou insuffisances structurelles
du modèle ivoirien de développement lui-même. C'est la
cause lointaine. En effet, le choix de l'ouverture, de l'exportation des
matières premières agricoles et de l'exploitation des ressources
naturelles a permis à la Côte d'Ivoire d'avoir une forte
croissance économique pendant les quinze premières années
de l'indépendance. Toutefois, au début de la décennie
1980, l'économie ivoirienne est frappée par la crise et elle
stagne.
En fait, le modèle économique et social ivoirien
est apparu fragile à cause de sa grande dépendance
vis-à-vis de l'extérieur, de la faible mobilisation des
ressources et des capacités humaines locales et de l'absence d'une
véritable bourgeoisie d'entreprenariat. La dépendance se
décline en trois principaux points : la suprématie de la
main-d'oeuvre étrangère, l'influence négative ou le poids
des accords de coopération avec l'ancien pays colonisateur, les
énormes avantages fiscaux et privilèges accordés aux
entreprises étrangères. La faible participation de la
main-d'oeuvre, des capitaux publics et privés nationaux dans le
processus de développement du pays a aggravé le monopole du
capital étranger. Les accords de coopération avec l'ancienne
puissance coloniale ont entraîné une faible diversification des
partenaires économiques extérieures et freiné la naissance
d'une économie nationale dynamique. Par ailleurs, les gouvernants
ivoiriens n'ont pas eu souvent recours aux ressources ou compétences
locales dans le processus de développement. Dans l'ensemble, les
politiques économiques ont plutôt contribué à leur
érosion. Au niveau du secteur agricole par exemple, les matériaux
de modernisation de l'agriculture sont importés mais les
capacités scientifiques et technologiques des nationaux ne sont pas
exploitées. De nouveaux modes de production et d'organisation ont
été définis et imposés aux populations locales.
L'instauration d'un « nouvel ordre social » s'est aussi
traduite par la substitution de nouvelles formes de coopératives aux
institutions communautaires endogènes. Ainsi, le modèle ivoirien
du développement se caractérise par une tendance très
accentuée au transfert des technologies, des idéologies et des
valeurs extérieures doublé de tentatives de destruction des
institutions de référence et d'accomplissement propre aux
sociétés ivoiriennes. Or les acteurs locaux du
développement ont toujours eu du mal à se les approprier.
La seconde cause de la libéralisation est la crise
économique des années 1980. Elle est marquée par la chute
des prix des principales cultures industrielles et d'exportation (par exemple,
près de 40% entre 1979 et 1986). Ce qui a comme conséquences la
baisse de la productivité, la dégradation du taux
d'épargne intérieur et du taux d'investissement, la
paupérisation de la population. La crise a entraîné la
reformulation des politiques économiques à travers les programmes
d'ajustement structurel (PAS) inspirés par les institutions
financières internationales (Banque Mondiale, FMI). Ces programmes se
traduisent par l'imposition de mesures de restrictions budgétaires, de
privatisations des entreprises publiques, de réduction des salaires dans
le secteur public et privé et de réduction des dépenses de
l'Etat. Sous cet angle, ils consacrent la disparition progressive de
l'Etat-Providence et l'instauration d'une économie libérale. Au
niveau de la production et de la commercialisation des produits agricoles, les
bailleurs de fonds exigent et obtiennent le retrait de l'Etat. Ainsi, la Caisse
de Stabilisation et de Soutien des Prix des Produits Agricoles (CSSPA ou
CAISTAB) sera dissoute. Ce nouvel environnement économique aura des
implications sur l'économie des produits d'exportation et sur celle des
produits vivriers ainsi que sur l'action coopérative au niveau de
ces deux secteurs.
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