CHAPITRE
III :
L'EFFICACITE DES ORGANISATIONS COOPERATIVES EN
QUESTION
Globalement, l'expérience des coopératives n'a
pas été très satisfaisante en Côte d'Ivoire. En
raison des enjeux économiques qui l'entourent, le secteur des produits
d'exportation est le secteur d'activités où apparaissent, de
façon prononcée, les insuffisances du système
coopératif ivoirien. Plus qu'une adaptation aux mutations
socio-économiques, les nombreuses réformes et ajustements faits
par l'Etat sont symptomatiques des contradictions et des échecs dans le
fonctionnement des coopératives. L'analphabétisme des acteurs
locaux et la mauvaise gestion sont généralement utilisés
comme arguments pour expliquer l'inefficacité de ces organisations. Tout
se passe comme si les acteurs locaux constituaient la seule partie prenante
dans le champ du système coopératif.
En réalité, il faut mettre en cause
l'antagonisme des traditions coopératives et l'usage stratégique
des coopératives par des acteurs (Etat, leaders politiques, leaders
d'opinion, dirigeants de coopératives, populations locales, etc.) aux
logiques d'action différentes. L'antagonisme des traditions
coopératives se lie dans la difficile conciliation entre un mode
d'organisation de type bureaucratique (faisant du jeu démocratique son
credo dans le fonctionnement des coopératives) et celui des populations
locales qui tient compte du statut ou de la position sociale des individus pour
créer une vie collective harmonieuse. Au reste, la diffusion par les
organismes de développement des règles d'organisation et de
fonctionnement de la coopérative de type bureaucratique s'est
avérée le plus souvent inopérante. Les
singularités socioculturelles ont souvent été un obstacle
à un apprentissage collectif et à la mise en pratique de ces
règles. En outre, les coopératives n'ont pas été
que des instruments de soutien à l'activité économique.
Il y a une ambiguïté dans les rapports entre les
coopératives et les pouvoirs publics. Dans le secteur des produits
d'exportation où elles se sont le plus développées, les
coopératives ont régulièrement servi d'instrument de
contrôle social et de mobilisation politique, surtout avant la
libéralisation du « marché politique » et le
désengagement de l'Etat de l'économie. Le caractère
économiquement stratégique des produits d'exportation a
contribué aussi à l'accentuation des stratégies de
récupération des coopératives et leur affaiblissement. En
revanche, le développement plus ou moins marginal des
coopératives féminines et leur flexibilité leur ont permis
de se départir de la mainmise de l'Etat, des conflits de
récupération ou de positionnement. A cela, on peut ajouter le peu
d'enjeu que représentaient ces coopératives aux yeux des pouvoirs
publics. Le développement des activités économiques des
femmes dans des formes de socialités primaires a renforcé
l'autonomie de leurs organisations. Il apparaît de ce fait comme une
réponse à la faillite quasi récurrente des
coopératives.
Conclusion partielle
L'analyse des politiques économiques de la Côte
d'Ivoire permet de saisir l'évolution du système
coopératif ivoirien, la position des coopératives
féminines et le rapport de l'Etat à celles-ci. Les politiques de
développement se caractérisent elles-mêmes par de grandes
disparités entre productions d'exportation et productions
vivrières. Ces inégalités sectorielles sont perceptibles
dans la différence au niveau des investissements et dans
l'inégale valorisation de chaque secteur d'activités et de ses
acteurs. Le développement des coopératives est
lui-même le reflet de ces disparités. En effet, si les
coopératives ont soutenu la croissance économique, force est de
constater que les initiatives féminines dans ce domaine ont
été très marginales. Les coopératives
féminines sont d'apparition récente et ont suscité peu
d'intérêt de la part de l'Etat. Or l'évolution du
système coopératif ivoirien laisse apparaître beaucoup plus
de contradictions et de faillites en ce qui concerne les coopératives
des produits de rente. L'antagonisme des traditions coopératives, les
enjeux économiques au niveau des produits d'exportation, la
récupération des coopératives à des fins politiques
(mobilisation, positionnement social ou politique) ont rendu inefficaces
beaucoup d'organisations coopératives. Organisées principalement
autour des socialités primaires (ethnie, parenté, religion,
réseaux de relations, solidarité) reproduisant partiellement des
formes traditionnelles de vie collective, les coopératives
féminines ont, quant à elles, su échapper aux
stratégies de récupération et s'adapter aux mutations
économiques. Mais aujourd'hui, les pouvoirs publics inscrivent la
nouvelle loi coopérative dans une optique de correction des faiblesses
des organisations coopératives. Cette réforme intègre la
politique de restructuration et de libéralisation de l'économie
nationale. Elle est supposée offrir un environnement plus favorable au
renforcement de la compétitivité et de la viabilité des
coopératives en général, et des coopératives
féminines, en particulier.
|