5.2. Les
stratégies d'achat et de vente
L'objectif des différents acteurs du marché des
noix de cajou est la maximisation du profit. Les acteurs cherchent à
minimiser les charges tout en maximisant leurs recettes. Pour atteindre cet
objectif cinq stratégies sont mises en oeuvre sur le terrain. Ainsi on
a le préfinancement des producteurs avant la campagne par les acheteurs,
l'avance sur la commercialisation aux producteurs en période de
campagne, l'avance de fonds aux collecteurs locaux par les grossistes, l'achat
des noix par les collecteurs pendant la pré campagne en attendant une
demande potentielle et l'achat des noix dans le pays voisin de l'Ouest.
Ø La première stratégie est celle du
préfinancement des producteurs par les acheteurs. La campagne de
commercialisation des noix de cajou est officiellement lancée
en Mars de chaque année au Bénin. Mais bien avant
l'ouverture de cette campagne, un grand nombre de producteurs ne disposant pas
de ressources financières ont recours à des
préfinancements sous forme de crédit auprès de certains
acheteurs qui à leur tour obtiennent leur préfinancement de la
part de certaines institutions financières.
Les résultats des enquêtes ont montré que
13,5% des producteurs bénéficient de ces crédits informels
pour entretenir leurs plantations d'anacarde ou pour répondre à
des besoins pressants de santé, de scolarisation, d'alimentations, de
cérémonies etc. La plupart de ces crédits avec
intérêt sont octroyés entre les mois d'Août et
d'Octobre et varient entre 10.000 et 50.000 FCFA. Cet état de choses
entraîne une grande variabilité des prix d'achat proposés
aux producteurs en début de campagne.
Les grossistes locaux profitent de ces crédits
informels pour acheter moins chers bien en dessous du prix plancher du
Gouvernement. Ainsi les premières ventes, et par conséquent les
remboursements en nature de crédit, se font sur la base de 10.000F
à 15.000F le sac de 100 kg. Lorsque ces premiers prix ne conviennent pas
aux producteurs, ils s'engagent à rembourser le crédit en
espèces avant la fin du premier mois de la campagne avec un taux
d'intérêt de 20%. Tout ceci oblige les paysans à brader
leurs produits tandis que les acheteurs rentabilisent leur crédit.
Toutefois, certains producteurs ayant
bénéficié de ce type de crédit ne respectent pas
parfois leur engagement. Ceci est dû pour la plus part aux aléas
climatiques, aux feux de brousse et à d'autres règlements
d'urgence. Cette situation rend de nos jours les grossistes plus
réticents à s'engager dans le système de crédit
informel. C'est autant dire qu'ils sont sujets à de nombreux risques
tout en cherchant à réaliser des bénéfices
substantiels.
Ø Une deuxième stratégie est celle de
l'avance sur la commercialisation. Cette stratégie est
développée par les collecteurs qui préfinancent les
producteurs afin de garantir le produit. Ainsi, les producteurs qui se trouvent
dans un besoin pressant d'argent pour résoudre les besoins ponctuels
(cérémonies, spectacles, alcool etc..) obtiennent un
crédit avec intérêt de l'ordre de 2000F à 5000F
pour un délai de trois jours au plus. Le remboursement se fait en tenant
compte du prix en cours le jour de l'octroi du crédit. L'étude a
révélé que 10,3% des producteurs ont recours à ce
type de crédit. Cette stratégie semble à priori être
meilleure à la première car elle réduit les risques. De ce
fait, elle est plus favorable aux producteurs qui vendent alors à court
terme leur produit mais suivant le prix du marché.
Ø Une troisième stratégie est celle qui
concerne la relation entre les grossistes et les courtiers. En effet, les
grossistes confient les fonds pour la collecte avec la première tranche
de leur commission aux courtiers qui à leur tour passent de village en
village pour chercher la marchandise avec des sacs et des bascules en main.
Après l'achat, les courtiers donnent un délai (souvent deux
semaines) afin que les grossistes viennent retirer la marchandise. Plus de 90 %
des courtiers reçoivent les fonds de commandes des grossistes et signent
plusieurs contrats à la fois.
Dans ce système d'arrangement d'achat /Vente qui
fonctionne sous forme de commandes faites aux fournisseurs par les clients, on
distingue les intermédiaires que l'on appelle en anglais
"brokers". Ce sont des individus qui ne prennent pas le risque
car ils utilisent l'argent des commandes d'autres personnes pour constituer
leurs propres capitaux. Ceci est dû au fait que la plupart des individus
sont en quête de sources alternatives de revenus ou de moyens d'existence
durable, cette activité leur donne ainsi l'opportunité d'avoir un
capital pour subsister.
Dans certains cas, aucun investissement n'est fait à
l'avance. Les grossistes viennent directement dans les villages, s'annoncent et
commencent par faire des achats.
Ø La quatrième stratégie de vente et
d'achat consiste à investir une certaine somme pour l'achat du produit
en comptant sur une demande potentielle ultérieure des grossistes. Ces
catégories d'acteurs sont souvent désignés sous le terme
de" marchands middle men" en anglais. Sur le terrain seulement
39,4 % des collecteurs ont recours aux crédits formels des structures
financières locales et prennent le risque.
Ø la cinquième strategie est
développée par certains grossistes et courtiers qui
achètent des noix dans les pays frontaliers du Bénin, notamment
le Togo. Ces noix qui sont de petite taille et très moins chères
sont ensuite mélangées à celles achetées chez les
producteurs béninois. Pour avoir le maximum de produits, chaque acteur
accroît sa potentialité et son aptitude à répondre
efficacement à la demande du patron pour lequel il travaille. De ce fait
on assiste à une concurrence qui donne lieu à une variation
graduelle du prix. Tout ceci incite les producteurs à vite livrer leurs
produits.
De tout ce qui précède, les paysans, et
même les collecteurs, ont des besoins élevés de capital
pour résoudre ces problèmes. Ces besoins de capital et
l'impossibilité pour eux de les obtenir de façon formelle et
à des coûts réduits les poussent à s'engager dans
des transactions qui loin de les relever ou de permettre l'évolution de
leur activité, les rendent encore dépendants et donc les
maintiennent dans le cercle de la pauvreté. Il serait donc souhaitable
de mettre sur pied des structures d'appuis financiers aux producteurs afin de
les rendre moins dépendant des acheteurs des noix de cajou.
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