CHAPITRE I : LES ACTIONS PREVENTIVES
18. Les organes étatiques (section 1)
sont accompagnés des organes non étatiques (section 2) pour
éviter l'enrichissement illicite.
Il faudrait comprendre que cela est une conséquence des
articles 5 et 6 de la convention des Nations Unies contre la corruption.
L'article 5 alinéa 1 vise la participation de la société
pour un reflet de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance. L'alinéa 2
du même article interpelle chaque Etat à prévenir
efficacement l'enrichissement illicite. L'article 6 quant à lui invite
les Etats parti à créer un ou plusieurs organes pour
prévenir l'enrichissement illicite.
SECTION 1 : LA PREVENTION PAR LES ORGANES
ETATIQUES
19. En rappelant que l'enrichissement est
assimilé à la corruption 33, nous dirons que la
Commission Nationale Anticorruption (CONAC) a une fonction
générale en matière de lutte contre la corruption(II).
Mais il serait judicieux de voir le rôle spécial de la Commission
de Déclaration des Biens et Avoirs (CDBA) dans la lutte
contre l'enrichissement illicite(I). Nous devons alors rappeler que la
commission de l'Union Africaine 34 et celle des Nations Unies
35 ont prévu de tels organes pour permettre aux nations
d'éradiquer le phénomène de corruption en
générale et d'enrichissement illicite en particulier.
Paragraphe 1 : La déclaration des biens
20. Elle est l'oeuvre de la Commission de
déclaration des biens et avoirs qui reçoivent les
déclarations des biens des assujetties (A) selon des modalités
bien précises(B).
A. Les personnes concernées et les biens
à déclarer
21. La loi prévoit des personnes
concernées par la déclaration des biens (1). Ces biens
étant précisés par ladite loi (2).
1. les personnes concernées
22. Il s'agit de la Commission de la
déclaration des biens et avoirs qui reçoit les déclaration
des personnes assujetties.
a. la Commission de déclaration des biens et
avoirs (CDBA)
23. Nous signalons que la déclaration
des biens et avoirs est prévus dans la loi constitutionnelle du 18
janvier 1996 en son article 66. La loi no 003/2006 du 25 avril 2006
relative à la déclaration des biens et avoirs a prévu la
Commission et atténuerait un peu les propos d'un auteur selon lequel
l'article 66 de la constitution a adopté « au bout des
lèvres, sans vraiment y croire ni être déterminé
à la rendre effective »36.
24. Les membres de la Commission sont
nommés pour un mandat de cinq(05) ans renouvelable éventuellement
une fois. Le Président de le République nomme le Président
de la Commission et désigne deux personnalités chez les membres.
Le parlement désigne deux membres, c'est-à-dire un membre pour le
Président de l'Assemblée Nationale et un membre pour le
Président de Sénat. Mais la non mise en place du Sénat ne
devait pas poser des problèmes puisque l'Assemblée Nationale
comblerait ce vide 37. Un Inspecteur d'Etat du Contrôle
Supérieur de l'Etat, deux représentants de la Cour Suprême
dont un membre de la Chambre des Comptes et un représentant de la
Chambre des Notaires complètent la Commission. Les membres de la
Commission prêtent serment devant la Cour Suprême avant leur
entré en fonction. Cette Commission informe le Président de la
république du déroulement des activités et adresse chaque
année un rapport d'activités selon l'article 14 de la loi du
25 avril 2006. La Commission a donc pour rôle de
recevoir les déclarations des assujettis.
b. les personnes assujetties
25. Elles sont énumérées
à l'article 2 de la loi et on verrait ici une véritable
volonté des pouvoirs publics à défendre la chose publique,
puisque les personnes assujetties engageraient leurs responsabilités en
cas de constatation d'irrégularités dans la déclaration.
Ils sont en quelque sorte les comptables de la gestion des biens publics
38. Le fait de déclarer avant et après
l'entrée en fonction dissuaderait les éventuelles tentatives
d'enrichissement illicite.
Parlant des assujettis proprement dit, il s'agit du
Président de la République, du Premier Ministre, de tous les
membres du gouvernement et assimilés, les Présidents et membres
du bureau de l'Assemblée Nationale et du Sénat, des
députés et sénateurs, les détenteurs de mandat
électif, les secrétaires généraux des entreprises
publiques et parapubliques, les magistrats, les personnels de l'Etat
intervenant dans les opérations de finances publiques...
On pourrait dire que la déclaration des biens en droit
camerounais concernerait donc surtout les biens de l'Etat à l'exception
peut-être des biens des sociétés privées. Les
dirigeants de ces sociétés pourraient s'enrichir illicitement sur
le dos des actionnaires et des travailleurs sans en répondre de leurs
actes. Nous ne pouvons oublier que la formalité de l'infraction aurait
été consacrée, alors les dirigeants de ces
sociétés pourraient échapper à la justice si leurs
actes n'ont causé aucun dommage à leurs structures. A moins que
l'Etat n'y injecte ses fonds.
A cette liste non exhaustive, a été
ajouté l'ordonnateur de derniers publics au sein d'une association ou de
tout organisme privé bénéficiaire de derniers publics,
à titre de dons ou de subventions. Ce qui exprime une incitation
à défendre la fortune publique. On penser que les dirigeants des
sociétés sont concernés dès lors que les fonds de
l'Etat sont mis à la disposition de ces sociétés.
Si la commission reçoit les déclarations des
assujettis, c'est pour s'intéresser aux biens acquis par ces
personnes.
2. Le régime des biens
26. «L'obligation de déclaration de biens
et avoirs concerne l'ensemble du patrimoine » selon
l'alinéa 1er de l'article 3 de la loi. Cette règle
générale (a) comporte néanmoins des exceptions (b).
a. les biens à déclarer
27. L'alinéa 2 de l'article 3
précise que la déclaration des biens porte sur les biens meubles
et immeubles, corporels ou incorporels se trouvant à l'intérieur
ou à l'extérieur du pays appartenant à la personne
assujettie. C'est en ce sens que la Convention des Nations Unies en son article
2-a et même la convention de l'Union Africaine en son
article 1er s'inscrivent.
La loi camerounaise devient encore intéressante
puisqu'elle concerne également les biens du conjoint de l'assujetti,
ceux de leurs descendants majeurs qui, sans revenus pourraient obtenir des
biens de leurs parents ; ce qui permettrait à ceux-ci de
s'évader en quelque sorte. On déclarera aussi tout avantage que
l'assujetti et ses descendants sus évoquent ainsi que les avantages des
descendants, tout comme les intérêts détenus par eux dans
une société privée. Ceux qui s'enrichissaient illicitement
et auraient voulu se cacher derrière la propriété de leurs
conjoints, de leurs ascendants ou descendants sont prévenus. D'autant
plus que la déclaration vise des biens d'une certaine valeur et
négligerait donc d'autres. Pour ce qui est des dons, leur
déclaration est exigée pour le bon fonctionnement des services
publics. La législation des USA irait plus loin puisqu'elle exige de
tout assujetti à la déclaration des biens de déclarer tout
don à partir de 100 dollars. Ce qui amène à ne pas
justifier sa fortune par des dons qui seraient dues à une influence du
poste occupé 39. C'est en ce sens que certaines fonctions
seraient incompatibles avec les dons des usagers. L'article 169 du code des
douanes au Cameroun aborderait dans le même sens. Il interdit à
tout agent de douanes de recevoir des dons des usagers. Ceci permettrait
l'exercice harmonieux du service public.
c. les exceptions
28. L'article 3 alinéas 4 dispose de
façon laconique : « Ne sont pas soumis à la
déclaration des biens et avoirs, les articles ménagers et les
effets personnels ». A priori, ce serait très facile
d'écarter lesdits biens de la déclaration, mais on se trouverait
en présence d'énormes difficultés.
29. Primo, la loi ne dit pas ce qu'elle
entend par « article ménagers » ou
par « effets personnels ». « Les interprètes
malins » de la loi peuvent donc trouver une issue pour faire
prévaloir la non déclaration des biens. Le législateur
aurait dû préciser ce qu'il entend par ces biens, par exemple tel
ou tel objet.
Secundo, un assujetti peut faire fondre son patrimoine sur les
articles « articles ménagers »
ou « effets
personnels » pour faire prévaloir une
déclaration en bonne et due forme. Mais tous ces obstacles peuvent
être contournés par une étude casuistique dans la
déclaration. Il faudrait ajouter que seule une volonté politique
avérée pourrait éviter des désagrégement,
des mécontents et permettre la prévalence du droit.
Les assujettis tenus de déclarer leurs biens et avoirs
auprès de la commission chargée de recevoir ces
déclarations font face à tout un arsenal de règles qui
fixent les modalités des déclarations.
B. Les modalités de
déclaration
30. La déclaration des biens se fait
dans les délais précisés par la loi (1). Ce qui nous
amène à s'interroger sur le sort desdites déclarations
(2).
1. Les délais de déclaration
31. Les personnes assujettis disposent de
délai pour déclarer leurs biens (a), la déclaration
pouvant d'ailleurs être complétée après le
dépôt.
a- La déclaration principale
32. Les responsables ou personnes
visées pour déclarer les biens doivent auprès de la
commission de la commission « dans les quatre vingt dix
(90) jours qui suivent leurs élection ou nomination et soixante (60)
jours au plus tard dès la fin d'exercice de leur mandat ou
fonction » (article4). Cette
déclaration des biens et avoirs établie sur l'honneur et dans les
prescriptions légales pourrait être considérée comme
prévue dans un « délai
raisonnable ».
Mais nous pourrons penser que 90 jours suivant la nomination
ou l'élection et 60jours suivant l'exercice du mandat sont des
délais longs en ce sens que l'assujetti aurait peut être
déjà eu le temps de dilapider soigneusement ses biens. Ce
d'autant plus que ces biens sont sensés appartenir à l'assujetti
et le devoir de déclarer devrait automatique parce que l'on en est
propriétaire, par conséquent, au courant quotidien de
l'évolution de ces biens.
Nous aurions peut être proposé une durée
de trente (30) jours maximum selon le début et le même
délai à la fin d'exercice. Surtout que le législateur
camerounais a prévu une déclaration complémentaire.
b. La déclaration
complémentaire.
33. L'article 5 de la loi du 25 août
2006 dispose : « en tant que de besoin, la
déclaration des biens et avoirs peut être complétés
dans les trente (30) jours suivant son
dépôt ».Le législateur permet donc
ici aux assujettis de se rattraper dans les déclarations.
Considérant le délai de 90 jours et de 60 jours, on se retrouvera
à respectivement cent vingt (120) jours et quatre vingt dix (90) jours.
Ce qui représente alors une longueur insupportable pour des personnes,
une nation qui voudrait combattre l'enrichissement illicite. Nous inviterons
donc le législateur camerounais à revoir des délais.
Il n'en demeure pas moins que la pratique administrative
camerounaise pourrait justifier ces délais car les dirigeants
après leur déchéance bénéficient de trois
mois des avantages qu'ils avaient. Ensuite la durée pour obtenir le
titre foncier est de six mois. Ces exemples pourraient militer en faveur de ces
délais mais sont légers ; on dirait que l'objectifs du
législateur est de plaire à la communauté internationale
que d lutter effectivement contre l'enrichissement illicite.
Les déclarations reçues dans les délais
sus évoquées ont certainement une destination précise et
un but déterminé. Leur sort ne serait donc pas à
négliger.
2. Le sort des déclarations.
34. Les déclarations sont
confidentielles (a) et cette situation est confortée par
l'inviolabilité des locaux de la commission (b).
a. La confidentialité des
déclarations
35. Article 7 alinéa 3 de l'article
insiste sur le serment des membres de la commission avant leur entrée en
fonction : « je jure de remplir mes devoirs avec
objectivité et intégrité, et de garder le secret de toutes
informations dont j'ai connaissance dans l'exercice de mes fonctions
». La confidentialité des déclarations
pourrait donc faire face à une application entre deux hypothèses.
Surtout avec la non publication ou divulgation prévue à l'article
11 alinéa 2.
La première qui consiste à éviter de
rendre convenablement la justice. Ainsi, les populations devraient
connaître à peu près les avoirs de leurs gouvernants et
cela pourrait permettre de démontrer que la classe dirigeante serait de
moins en moins impliquée dans les actions qui compromettre le
développement comme on le lui a reproché depuis
l'indépendance.
La seconde se placerait dans un souci de protection des
assujettis car c'est une expérience que celui qui occupe une place de
choix est considéré comme un ennemi de la société.
Le Doyen Josserand nous le démontrait déjà dans la
première moitié du 20e siècle 41.
Nous pourrons penser que le principe de bonne gouvernance
devrait combiner un savant dosage et une digne symbiose des deux (2)
idées pour parvenir a un résultat fiable dans l'optique de
l'adage « il ne suffit pas que la justice soit rendue, il faut
que chacun se rende compte qu'il l'a été ».
Le cas récent du Nigeria en est une illustration des
deux hypothèses : le nouveau Président élu a
publiquement déclaré ses avoirs. Ce qui a provoqué des
félicitations et une excitation joyeuse du peuple qui a senti un
engagement solennel à combattre l'enrichissement illicite. Le Vice
président refuse d'en faire autant parce qu'ayant déclaré
ses avoirs auprès du Bureau de Code de Conduite, la loi prévoyant
la faculté de la publicité. Ce qui provoqua le
mécontentement des électeurs. Le législateur camerounais
aurait opté pour la protection des biens des assujettis, ce d'autant
plus que les locaux de la Commission sont inviolables.
b. L'inviolabilité des locaux de la
Commission.
36. L'article 11 alinéa 1 de la loi du
25 août 2006 de façon laconique : «les
locaux de la commission sont inviolables dans le cadre de l'exercice de ses
missions». Cela peut représenter une garantie que la
Commission exercera ses fonctions en toute tranquillité, dans le calme.
Tout assujetti ne pourrait donc violer cette disposition, ni une tierce
personne pour connaître à tout prix la déclaration d'un
assujetti. Encore que la confidentialité des déclarations et des
échanges sus évoquée en est le corollaire.
La Commission sera donc sereine dans l'exercice de ses
missions. C'est peut-être une garantie assurée par le
législateur pour permettre le bon déroulement des missions de la
Commission, une latitude d'indépendance.
37. En somme, nous pouvons rejoindre Bertrand
de SPEVILLE pour qu'il faille une volonté politique 42. Bien
plus, la nomination du chef de la Commission ne serait moins entachée
d'abus si le législateur intervenait soit pour la désignation,
soit pour l'approbation 43. C'est ce que ne semble pas respecter la
Commission Nationale anti-corruption.
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