Conclusion :
Comme d'autres catégories d'immigrés, les
Alsaciens et Allemands présents dans les Vosges se sont rendus
disponibles et utiles à l'aide de leur patrie d'origine ou d'adoption :
en servant le drapeau dans le combat ou en contribuant à la bonne marche
de la machine industrielle à l'arrière, de manière
volontaire (réfugiés) ou non (prisonniers de guerre). Les
autorités ont favorisé ce phénomène qui a eu un
écho relativement défavorable au sein de la population
autochtone.
428 H. Mauran, op. cit., pp. 464-466.
429 A.D.V., 4 M 401, circulaire du ministre de la guerre,
16/04/1917.
430 R. Schor, op. cit., pp. 30-44.
PARTIE IV :
La fin de la guerre et l'après-guerre
(1918-1920) :
un arrêt des contraintes ?
Chapitre 1 : La dernière phase de la
guerre ou l'arrêt des mesures de contraintes (1917-1918).
En 1918, la ville d'Epinal compte neuf Allemands, dont trois
hommes, deux ouvriers d'usine et un charretier, et six femmes, deux
couturières et une manoeuvre, une ménagère, une
couturière et une repasseuse431. Dans l'arrondissement de
Remiremont sont recensés cinq Allemands, dont deux débitants et
un tailleur d'habits d'origine alsacienne-lorraine et dans celui de
Neufchâteau trois Allemands. Dans tout le département, sept
Allemands, quatre hommes et trois femmes, sont en permis de séjour en
raison de la présence de leurs enfants sous nos drapeaux, engagés
pour la durée de la guerre dans des régiments d'infanterie ou
d'artillerie432. Par ailleurs un certain nombre de religieuses
austro-allemandes sont en résidence à Vagney et Zainvillers, 13
exactement, dont 10 venues de l'orphelinat de Thann, congrégation de
Saint-Sauveur, évacuées avec élèves par
l'Autorité militaire en février 1915433.
La fin de la guerre correspond plus particulièrement
à la disparition de toute discrimination à l'égard des
Alsaciens-Lorrains. Naturalisés ou non, ils sont alors
véritablement considérés comme des
Français434. En 1918, les Alsaciens-Lorrains en
résidence dans le département des Vosges sont au nombre de 7500
dont la plupart y étaient fixés avant les
hostilités435. Les autres, soit environ 3000, ont
été évacués d'Alsace par les troupes
françaises et placés à demeure, en presque
totalité, dans l'arrondissement de Remiremont436. Quant aux
Alsaciens-Lorrains qui habitaient les Vosges avant la guerre, ils ont
continué, grâce aux permis de séjour qui leur ont
été délivrés, à exercer leurs professions,
commerces ou industries et leur situation antérieure n'a pas
été modifiée. Les deux sociétés de secours
aux Alsaciens-Lorrains qui existaient avant les hostilités, à
Epinal et à Saint-Dié, ont cessé de fonctionner et aucune
association de ce genre ne s'est créée depuis.
431 A.D.V., 4 M 495, relevé nominatif des Allemands dans
les Vosges, 1918.
432 A.D.V., 4 M 495, liste des étrangers de
nationalité allemande en permis de séjour en raison de la
présence de leurs fils sous les drapeaux, 1918.
433 A.D.V., 4 M 495, correspondance ministre de
l'Intérieur - préfet vosgien, 29/1/1918.
434 J. Ponty, op. cit., pp. 91-122.
435 A.D.V., 4 M 428, recensement par nationalités,
Alsaciens-Lorrains (1918).
436 Ibid.
I - La réglementation à l'égard des
réfugiés vers la fin de 1917.
Les Alsaciens évacués dans l'arrondissement de
Remiremont reçoivent presque tous les allocations journalières au
titre de réfugiés : le nombre des allocations principales
accordées est de 1457 ; celui des majorations d'enfants de 1122. En
outre, environ 200 familles alsaciennes résidant dans le
département bénéficient des dispositions de la loi du 5
août 1914 comme ayant des membres mobilisés dans l'armée
française. L'administration départementale n'a pas eu à
prescrire l'envoi d'enfants alsaciens dans les colonies d'enfants. Cependant,
comme on l'a vu, l'orphelinat alsacien de Thann a été
transféré à Vagney et à Zainvillers où il
fonctionne avec son personnel religieux, sous la surveillance de
l'autorité militaire (144 religieuses à Zainvillers et 61
à Vagney). Une subvention mensuelle de 500 F est mandatée, au nom
de l'officier gestionnaire, sur les crédits
délégués par le ministre de l'Intérieur pour
l'entretien des réfugiés437.
Beaucoup d'entre les évacués, ouvriers d'usine,
sont employés par les industriels de la région. Quelques familles
ont trouvé à louer des fermes qu'elles exploitent pour leur
propre compte. Il y a donc trop peu d'Alsaciens employés à la
culture pour qu'il soit possible d'établir une moyenne de
salaires438. Les quelques isolés qui sont placés comme
garçons de ferme ou journaliers agricoles sont nourris et logés
par le patron, qui leur verse en outre un salaire variant de 15 à 60
francs par mois, suivant l'âge, les aptitudes et les usages locaux.
Enfin, le ministère de l'Intérieur fait procéder à
la confection des fiches individuelles. Dans toutes les mairies, une
enquête individuelle est prescrite439. La mise au point de ce
travail demandera, par suite, un certain délai. Beaucoup d'informations
sont réclamées pour cette enquête : nom et prénoms
de chaque Alsacien-Lorrain, date et lieu de naissance, lieu résidence
avant la guerre, résidence actuelle, profession, degré
d'instruction, aptitudes, nombre d'enfants et localité de retour. Des
listes nominatives existent également par commune en vue de
l'établissement des fiches, mais beaucoup sont frappées de la
mention « néant ». Le cas de nombreux Alsaciens-Lorrains est
évoqué à Thaon en 1918 ou dans l'arrondissement de
Remiremont440.
Le général commandant en chef prescrit, par
lettre du 11 octobre, l'application de mesures en faveur de la circulation des
Alsaciens évacués. Ils sont répartis dans trois
catégories avec des contraintes spécifiques. Les Alsaciens
d'origine nettement française seront dotés de la carte
d'identité qui les assimilera entièrement aux Français en
matière de circulation et de séjour (carte chamois). Les
Alsaciens d'origine douteuse seront quant à eux dotés d'une carte
blanche de même modèle que l'ancienne, mais avec un
périmètre de circulation plus étendu. Enfin les
Alsaciens
437 A.D.V., 4 M 428, recensement par nationalités,
Alsaciens-Lorrains (1918).
438 Ibid.
439 Ibid.
440 Ibid.
d'origine allemande seront dotés du carnet
d'étranger comme tous les étrangers dans la zone des
armées, avec un périmètre de circulation qui sera en
principe celui actuellement porté sur la carte blanche dont ils sont
titulaires. Le périmètre concédé aux Alsaciens
titulaires d'une carte blanche est, pour ceux domiciliés en zone non
réservée, la partie non réservée des
arrondissements de Remiremont-Epinal-Lure-Montbéliard, et pour ceux
domiciliés en zone réservée, le canton et les cantons
limitrophes441.
Par ailleurs, le préfet Linarès rappelle en
novembre que, par application des circulaires télégraphiques des
20 et 31 octobre 1917, il ne doit être en aucun cas répondu
directement aux demandes de renseignements concernant les Alsaciens-Lorrains ou
leurs biens formulées par la Croix Rouge de Francfort. Elles doivent lui
être retournées sous timbre « Contrôle et
Comptabilité » avec des éléments de
réponse442.
Le Garde des Sceaux décide fin 1917 que les
Alsaciens-Lorrains pourront être appelés à
bénéficier des lois d'assistance jusqu'à présent
réservées à ceux qui justifient la qualité de
Français sous la double condition qu'ils soient d'origine
française et qu'ils aient été l'objet de bons
renseignements au point de vue national443. Il s'agit des lois du 15
juillet 1893 sur l'assistance médicale gratuite, du 14 juillet 1905 sur
l'assistance aux vieillards, infirmes et incurables, les lois des 15 juin et 30
juillet 1913 sur l'assistance aux femmes en couches, et enfin, la loi du 14
juillet 1913 sur l'assistance aux familles nombreuses444. En somme,
seuls les Alsaciens-Lorrains ayant la carte tricolore ou le permis de
séjour peuvent en être bénéficiaires ; les
Alsaciens-Lorrains internés dans les dépôts ne peuvent
être admis à en réclamer l'application à leur
profit.
En ce qui concerne les lois du 27 juin 1904 sur le service des
enfants assistés et du 20 juin 1904 relative à l'éducation
des pupilles difficiles ou vicieux, elles ont à la fois le
caractère de lois d'assistance en même temps que de lois de police
et de sûreté ; elles sont dès lors applicables aux enfants
français, alsaciens-lorrains et même étrangers. Il en va de
même des lois du 24 juillet 1889 sur la protection des enfants
maltraités ou moralement abandonnés et du 19 avril 1898 pour la
répression des violences, voies de fait, actes de cruauté et
attentats commis envers les enfants. Par rapport à la loi du 30 juin
1838 sur les aliénés, l'assimilation des étrangers aux
nationaux est obligatoire, tant en raison même de leur maladie, que des
mesures spéciales qu'il convient de prendre pour la
sécurité publique. Il en résulte que les
Alsaciens-Lorrains devenus aliénés sur le territoire
français, doivent être traités dans les asiles au
même titre que les indigents français sans domicile de secours
à la charge de l'Etat (article 101 de la loi de Finances du
13/7/1911)445.
441 A.D.V., 4 M 533, correspondance du général de
division Boissoudy commandant la VIIe Armée, 27/10/1917.
442 A.D.V., 4 M 431, télégramme ministre de
l'intérieur - préfet, novembre 1917. Des administrations
préfectorales ainsi que des oeuvres d'assistance et oeuvres de guerre
sont parfois saisies pour des demandes.
443 A.D.V., 4 M 533, correspondance ministre de
l'intérieur- préfets France, 14/12/1917.
444 Ibid.
445 Ibid.
Il appartient par ailleurs aux commissions administratives de
décider l'inscription sur les listes des indigents, des
Alsaciens-Lorrains, se trouvant dans les conditions pour être admis au
secours en argent ou en nature donnés par les bureaux de bienfaisance.
En tous cas, le fait qu'ils sont Alsaciens-Lorrains ne saurait être au
regard de la législation un obstacle à leur inscription sur la
liste des indigents à secourir. Enfin extension est faite aux Alsaciens
de la loi française du 14 juillet 1913 sur l'assistance aux familles
nombreuses446.
Fin décembre le président du Conseil et ministre
de la Guerre prie les maires des communes où se trouvent des Alsaciens,
d'adresser aux préfets des extraits de tous les actes de mariage
concernant des personnes nées en Alsace-Lorraine depuis la
déclaration de guerre447. Le préfet transmet en
retour, au chef de la Mission militaire administrative en Alsace, à
Massevaux (Alsace), 40 extraits de mariage, dont 12 ont été
contractés à Remiremont en 1915, 1916 et 1917448.
446 A.D.V., 4 M 533, op. cit.
447 A.D.V., 4 M 533, demande du président du Conseil,
27/12/1917.
448 Ibid.
II - Quel sort pour les Allemands et les Alsaciens
à la fin de la guerre ?
Pendant la dernière phase de la guerre, la plupart des
Allemands et Alsaciens paraissent soucieux de ménager l'avenir,
désireux pour la plupart de pouvoir rentrer en Alsace, quelle que soit
l'issue de la guerre. Leur action est donc dictée par les
événements du front. Début 1918, bien que les appellations
de « Boches » diminuent449, une certaine effervescence
règne au sein de ces populations dans les Vosges. A Ventron est
signalée l'attitude suspecte de quelques Alsaciens450. A
Epinal, quatre cas d'Allemands ou d'Alsaciens-Lorrains en situation
irrégulière sont évoqués, dont Marie-Madeleine
Muller, d'origine alsacienne mais de nationalité allemande (badoise) par
son mariage, sans permis de séjour et avec trois enfants alsaciens
titulaires de cartes chamois. Maria Mazerand, infirmière dans
l'hôpital militarisé Saint-Maurice d'Epinal, a reçu une
carte d'Alsacien-Lorrain (carte blanche, sans photo, à
périmètre de circulation limité) et sera maintenue au sein
des Hospices civils d'Epinal451. On constate également une
multiplication des évasions de prisonniers de guerre allemands ou
alsaciens-lorrains. Le 2 février 1918, pour le seul camp de prisonniers
de guerre de Rasery Xertigny, pas moins de huit prisonniers
s'évadent452. Enfin, après examen de chaque cas
particulier, le préfet Linarès suggère en février
qu'il y a intérêt à ne pas donner suite aux demandes de
rapatriement formulées par les Alsaciens453.
En mars 1918, le président du Conseil, ministre de la
Guerre, décide que tout AlsacienLorrain d'origine française
autorisé à quitter l'Alsace, serait uniformément muni,
avant son départ, par les soins de l'Administration d'Alsace, d'une
pièce d'identité signée par l'Administration du Cercle de
sa résidence. Les Alsaciens-Lorrains qui sont porteurs de cette
autorisation pourront recevoir les permis de séjour qui remplacent pour
eux la carte d'identité prévue par la circulaire du 2 avril 1917.
Les modifications à apporter devront être faites à l'encre
rouge pour l'attribution d'une carte d'identité d'Alsacien-Lorrain
« d'origine française »454.
D'ores-et-déjà, la plupart des Alsaciens ont
reçu leur nouvelle carte d'identité ou de circulation ; une
dizaine d'auxiliaires des secrétaires de mairie ont pris place, 4 sont
déjà installés à Plombières, Val d'Ajol,
Ventron et Saulxures, avec un traitement de 50 F par mois, à compter du
1er décembre 1917, date de leur entrée en fonction ; les dossiers
d'allocations ont fait l'objet de révisions individuelles et des
allocations supplémentaires et des secours de loyer ont
été décrétées pour certains. Enfin, le grand
quartier général met à disposition un certain nombre de
brochures de propagande « L'Alsacien évacué »
destinées à faire mieux connaître, soit par les membres du
corps enseignant, soit autrement, la situation réelle des Alsaciens
évacués.
449 A.D.V., 8 M 191, op. cit.
450 A.D.V., 8 M 191, hostilité envers les Alsaciens,
enquêtes (1918).
451 A.D.V., 4 M 480, étrangers en situation
irrégulière (1918).
452 A.D.V., 8 M 12, lettre du général Wirbel,
commandant la 21e Région, 02/02/1918.
453 A.D.V., 4 M 533, correspondance préfet vosgien -
ministère de l'Intérieur, 22/02/1918.
Malgré tout, une nouvelle agitation se développe
dans les milieux alsaciens des Vosges en mai 1918, lorsque l'offensive de
Champagne semble devoir apporter la victoire à
l'Allemagne455. Cette nouvelle volonté de rapatriement est
renforcée par la nouvelle de la signature de l'accord franco-allemand
sur l'échange des prisonniers et internés civils (accords de
Berne). « Les civils se réclamant de la nationalité
allemande qui ont été internés à une époque
quelconque depuis le début des hostilités et autorisés par
la suite à résider librement en France peuvent, dans certaines
conditions, être autorisées à quitter le territoire
français »456. Les civils internés ressortissants
de l'Allemagne peuvent être autorisés à quitter la France ;
la mesure s'étend à ceux qui, en liberté, ont
été internés dans un dépôt pendant au moins
deux mois. L'intéressé doit simplement adresser avant le 1er
septembre 1918 une requête écrite au préfet de son
département de résidence ou à la Légation suisse
à Paris457.
Les internés allemands présents dans les
dépôts sont en principe rapatriables d'emblée : ils seront
conduits à la frontière dans les conditions exigées par la
défense nationale. Ceux qui sont détachés dans le cadre
d'un travail seront réintégrés dans des
dépôts préalablement vidés, où ils
accompliront une « quarantaine ». Les internés et des
évacués alsaciens-lorrains en France sont devenus l'enjeu central
des négociations. Jusqu'aux accords de Berne, le gouvernement
français affirme les considérer comme ses propres nationaux, ce
qui motive son refus de principe de les rapatrier en Allemagne. Le gouvernement
allemand les tient au contraire comme sujets allemands et n'a de cesse de
vouloir faire reconnaître leur droit au rapatriement458.
Toujours est-il qu'un certain nombre d'évacués
alsaciens de l'arrondissement de Remiremont, y travaillant ou non, se
réclament alors de la nationalité allemande, afin d'obtenir leur
rapatriement. Leur requête doit comporter toute une série de
renseignements à fournir sur l'identité, domicile, internement,
lieu où ils désirent se rendre. Selon les cas ils demandent
à quitter la France, veulent établir leur résidence
définitive à l'endroit de leur permission temporaire en Alsace ou
encore s'installer dans d'autres endroits de leur choix459. L'espoir
que fait naître chez certains les premiers succès de l'offensive
Ludendorff s'exprime par le refus de mettre en culture le jardin attenant
à leur logis, comme à Saint-Nabord. Ce n'est qu'après
l'arrêt de la ruée allemande qu'ils ensemencent leur jardin,
négligeant cependant de faire leur provision de bois pour l'hiver
suivant460.
454 A.D.V., 4 M 401, correspondances du ministre de
l'intérieur, 09/03 et 13/06/1918.
455 R. Martin, op. cit., pp. 62-65.
456 A.D.V., 4 M 514, rapatriements d'étrangers de
nationalités ennemies, 1918.
457 H. Mauran, op. cit., pp. 749-751.
458 Ibid.
459 A.D.V., 4 M 514, rapatriements d'étrangers de
nationalités ennemies, 1918.
460 R. Martin, op. cit.
L'administration ne reste pas inactive face à cette
agitation et utilise trois moyens. Tout d'abord elle organise le renforcement
du contrôle de la correspondance des évacués alsaciens.
Dans les communes des Vosges ayant reçu des évacués, les
receveurs des P.T.T. doivent faire une liasse de la correspondance
adressée de civils à civils et l'adresse à Epinal,
où un officier de la commission du contrôle postal recherche la
correspondance susceptible d'être saisie par la commission de
contrôle de Lure461. D'autre part on utilise la mise en
résidence surveillée des plus germanophiles parmi les
évacués. Les instigateurs de l'agitation sont ainsi
dispersés respectivement à Bordeaux, Courbevoie, Viviers,
Aurillac, où ils demeurent sous surveillance. Enfin et surtout le
développement de la propagande française auprès des
Alsaciens est prépondérant462.
Cette propagande repose sur la distribution
systématique, par l'intermédiaire des instituteurs, du «
Kreigsberichte », journal édité à Dannemarie (Alsace
du Sud) par l'administration militaire française, mais aussi par la
projection de films destinés spécialement aux
évacués alsaciens ; quelques titres de ces films illustrent leur
caractère de propagande : « En Alsace libérée »,
« Les Français en Alsace », « La fête de
l'indépendance américaine à Masevaux ». Le
général de division de Boissoudy, commandant la VIIe
Armée, estime nécessaire en janvier 1918 de continuer les
soirées cinéma, pour les quelques localités du
département où résident des Alsaciens non
réfugiés et non encore visités463.
La propagande consiste en outre à la scolarisation
systématique des enfants dans des « classes alsaciennes ». Ces
classes ont été ouvertes à la rentrée d'octobre
1915, à la demande du général de Boissoudy. Elles sont
confiées à des maîtres connaissant quelque peu la langue
allemande464. Une statistique fournie par l'Inspecteur
d'Académie des Vosges, le 2 novembre 1915, recensait 482 enfants
d'âge scolaire dans l'arrondissement de Remiremont, dont 109 pour la
seule commune du Val-d'Ajol. Leur apprentissage du français est rapide.
Les élèves alsaciens de 3 classes qui fonctionnent dans le
département ont été fusionnés avec les
élèves des écoles communales. C'est une mesure qui
paraît devoir donner de bons résultats : il importe que les
enfants non alsaciens considèrent comme des Français, les enfants
alsaciens465.
Les événements militaires perturbent, notamment
en août 1918, mais n'annulent pas l'application des accords de Berne. Au
mois de juin, deux catégories posent encore problème : les
ex-légionnaires d'origine allemande et les dénaturalisés.
Au moment de la déclaration de guerre,
461 R. Martin, op. cit., pp. 62-65.
462 Ibid.
463 A.D.V., 4 M 533, correspondance général de
division de Boissoudy commandant la VIIe Armée - Préfet vosgien,
09/01/1918.
464 R. Martin, op. cit.
465 A.D.V., 4 M 533, correspondance ministre de
l'intérieur - préfet vosgien, 03/11/1917.
en août 1914, les dénaturalisés
n'étaient pas des civils allemands : les accords de Berne ne leur sont
donc pas applicables.
Le sous-secrétaire d'Etat de la Justice militaire
indique dans une circulaire du 20 octobre 1918 qu'il a décidé que
« les Alsaciens-Lorrains condamnés par les Conseils de Guerre
seraient incarcérés au pénitencier militaire d'Albertville
pour y subir leur peine. »466
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