II - 1917 : naissance des cartes d'identité
d'étranger et surveillance.
Concernant spécifiquement les Vosges, le ministre de
l'Intérieur réclame début 1917 une surveillance accrue des
travailleurs étrangers ressortissants des puissances ennemies
(AustroAllemands, Bulgares, Turcs)328. Le préfet constate le
1er mars qu'un certain nombre d'étrangers résident dans le
département sans permis de séjour parce qu'ils auraient
contracté ou tenté de contracter un engagement à la
Légion étrangère, cet engagement n'ayant pas
été accepté, ou une réforme n°2 étant
intervenue329. Les maires et commissaires de police vosgiens
invitent tous les étrangers réformés n°2 et les
anciens candidats à l'engagement, refusés ou ajournés,
à leur remettre les pièces (livrets, certificats, fiches,
bulletins) délivrés par l'Autorité militaire. Ils doivent
en vérifier l'authenticité et la portée, en vue de la
délivrance, par l'Armée, du carnet prescrit par
l'arrêté du Général en chef, en date du 1er janvier
1916. Les Austro-Allemands anciens légionnaires ne doivent
bénéficier de cette faveur que s'ils ont servi un an au moins
dans la Légion et s'ils ont de bons certificats
militaires330.
Le 2 avril est institué un décret important
« portant création d'une carte d'identité à l'usage
des étrangers ». La simple déclaration de résidence
prévue par le décret du 2 octobre 1888 n'a plus de raison
d'être puisque, pour obtenir une carte d'identité
d'étranger, il faut fournir à peu près les mêmes
renseignements. Ce décret creuse un fossé entre Français
et étrangers qui, seuls, sont obligés de détenir une carte
d'identité. La réforme a trois objectifs : assurer
l'identité de tous les étrangers et non plus seulement des
nomades, contrôler leurs déplacements, permettre au « service
central » nouvellement créé au ministère de
l'Intérieur de les dénombrer en tenant compte des entrées,
des décès, des sorties. Mais la procédure va
s'avérer laborieuse331.
En exécution d'un arrangement conclu avec l'Allemagne
et relatif à des rapatriements réciproques d'enfants, le
Gouvernement français décide que les enfants allemands ou
alsacienslorrains se trouvant actuellement en France libre ou en Alsace
réoccupée, et qui sont réclamés par leurs parents
restés en Allemagne ou en Alsace-Lorraine annexée, seraient
renvoyés en Allemagne, par la Suisse, dans les plus brefs
délais332.
328 A.D.V., 4 M 401, correspondance ministre de
l'intérieur - préfets, 23/02/1917.
329 A.D.V., 4 M 401, correspondance du préfet des Vosges
à l'intention des maires et commissaires de police vosgiens,
01/03/1917.
330 A.D.V., 4 M 401, correspondance préfet des Vosges -
maires et commissaires de police vosgiens, 01/03/1917, par rapport à la
mesure préfectorale du 1er mars 1917 sur la délivrance du carnet
d'étranger aux anciens candidats à l'engagement, refusés
ou ajournés,
331 H. Mauran, op. cit. Sur 140 000 personnes qui sollicitent une
carte d'identité, seuls 6 000 dossiers seront traités avant avril
1918, avec 500 refus suivis d'internement. Le chiffre de 140 000 ne constitue
en rien une statistique de la présence étrangère en France
en 1917-1918. S'en trouvent dispensés, de facto, les prisonniers civils.
De plus, un second décret pris dans la foulée crée une
sous-catégorie, celle des « travailleurs étrangers »,
avec un autre type de carte d'identité.
332 A.D.V., 4 M 514, circulaire du ministre de
l'intérieur, 07/06/1917.
Recensements et permis de séjour des Allemands dans
les Vosges au 1er juillet 1917333 :
|
Recensements
|
Permis de séjour
|
Arrondissement Epinal
|
18
|
2
|
Arrondissement Mirecourt
|
18
|
0
|
Arrondissement Saint-Dié
|
5
|
0
|
Arrondissement Remiremont
|
5
|
2
|
Arrondissement Neufchâteau
|
5
|
0
|
Départs et décès
|
3
|
-
|
Total
|
48
|
4
|
Au 1er juillet 1917, se trouvent dans les Vosges 48 Allemands.
Mais seuls 4 d'entre eux possèdent un permis de séjour ou carte
tricolore (Thaon). Par exemple, Lucie Marie Laroche, épouse Arnold,
née le 30 juillet 1888 à Lure, repasseuse, de nationalité
allemande par le mariage, est dépourvue de carnet. Son mari Oscar Henri
Arnold, né en Saxe en 1882, Allemand, peintre en bâtiments, a
été évacué au début des hostilités et
interné dans un camp de concentration du département de la
Manche. Au contraire, à Bruyères, Anna Wolf, Allemande, a obtenu
un carnet d'étranger (née en 1863)334. Au cours du
même mois, le préfet signale que 39 Austro-Allemands au total sont
autorisés à résider dans son département, dont 17
Allemands. Parmi eux, sept ont des parents dans armée française
(3 hommes, 2 femmes, 2 enfants), cinq sont des femmes de nationalité
allemande et d'origine française et 5 personnes font partie de
catégories spéciales et maintenus par décisions de
l'autorité militaire335.
En août 1917 sont déclarés 606
assurés (retraites ouvrières et paysannes) parmi les Alsaciens
actuellement évacués dans le département, dont 525
inscrits « Alsaciens » et 81 « Allemands ». Concernant les
Allemands, Cornimont en compte 45 et Bussang 23336.
Pour 1917 un individu allemand est condamné pour
infraction de la loi sur le séjour des étrangers et à
l'arrêté du Général en chef du 1er janvier 1916 :
Charles Friess. Cet Allemand, né Badois, qui s'était
dissimulé sous une nationalité suisse, dut payer 100 F
d'amende337.
333 A.D.V., 4 M 403, recensement semestriel des étrangers,
01/07/1917 / 4 M 495, recensements des étrangers par arrondissements,
1917.
334 A.D.V., 4 M 495, recensements des étrangers par
arrondissements, 1917.
335 A.D.V., 4 M 495, télégramme préfet des
Vosges - ministre de l'intérieur, juillet 1917.
336 A.D.V., 8 M 191, surveillance des sujets alsaciens,
13/08/1917.
337 A.D.V., 4 M 480, étrangers en situation
irrégulière, 1917.
|