PARTIE I :
La situation générale des Allemands et
des Alsaciens-
Lorrains résidant dans les Vosges en
1911-1914
D'après le recensement national de 1911, si la
population française augmente peu depuis la guerre de 1870 (de 36
à 39 millions), la présence étrangère ne progresse
guère plus53. Au tout début du XXe siècle, les
recensements généraux de population étrangère dans
le département des Vosges font apparaître une
prépondérance des Alsaciens-Lorrains, devant les Italiens et les
Allemands54. Par exemple, dans l'arrondissement de Mirecourt, on
compte en 1900, 292 Alsaciens-Lorrains et 80 Allemands sur un total de 642
étrangers. Le fait marquant c'est la part majoritaire des femmes dans
ces contingents : 119 femmes pour 66 hommes et 107 enfants pour les
Alsaciens-Lorrains et 47 femmes pour 20 hommes et 13 enfants en ce qui concerne
les Allemands. Ils sont presque tous arrivés dans le département
depuis 1871, notamment des Alsaciens qui n'ont pu opter dans les délais
après 1872 et les nouveaux nés des décennies suivantes qui
avaient de la famille en France.
L'immigration alsacienne et allemande se tasse dans le
département à partir de 1905 environ, au moment où les
crises internationales se multiplient et les relations franco-allemandes se
détériorent.
Recensements des Allemands et des Alsaciens-Lorrains dans
les Vosges entre 1907 et 191255 :
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1/7/1907
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1/1/1908
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1/7/ 1910
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1/7/1912
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Catégorie globale Allemands
+ Alsaciens-Lorrains (AL)
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5247
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5724
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6050
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Spécifiques Allemands
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659
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Spécifiques AL
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4371
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Total Allemands + AL
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5247
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5030
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5724
|
6050
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Total étrangers
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10 000
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9063
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10 309
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12 170
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Au moment du relevé numérique au 1er juillet
1907, les Alsaciens-Lorrains sont comptabilisés avec les Allemands
« purs » dans la catégorie d'ensemble « Allemands ».
Cette classification prévaut à nouveau en 1909 et jusqu'à
1916 ; les recensements de 1908 sont à ce titre très
précieux. Les Alsaciens-Lorrains alors inscrits comme résidant
dans le département constituent la première nationalité,
avec encore près de la moitié de tout le contingent
étranger.
53 J. Ponty, op. cit., « Le recensement de 1911
», p. 87.
54 A.D.V., 4 M 402, recensement général,
1900.
55 A.D.V., 4 M 403, Relevé numérique des
étrangers, 01/01/1908 / 4 M 414, Etrangers par nationalité,
Alsaciens-
Lorrains, 1908 / 4 M 414, op. cit., 01/01/1910 / 4 M 414, op.
cit., 01/01/1910 / 4 M 403, relevé numérique, 01/01/1912.
Les Italiens sont deuxièmes (2687), les Allemands
viennent ensuite. Les Alsaciens-Lorrains comme les Allemands se trouvent alors
en grande majorité dans les arrondissements d'Epinal et de
Saint-Dié (respectivement 1692 et 1526 Alsaciens-Lorrains, 255 et 231
Allemands), celui de Remiremont à un degré moindre. Hommes,
femmes et enfants sont à peu près équitablement
représentés : 1550 hommes, 1437 femmes et 1384 enfants pour les
Alsaciens-Lorrains et 250 hommes, 223 femmes et 186 enfants pour les Allemands.
L'arrondissement de Neufchâteau est le moins important en termes de
population étrangère.
Durant les années 1908 et 1909, la catégorie
globalisée des « Allemands » gagne environ 1000
représentants. Ils sont encore leaders devant les Italiens et les
Suisses, avec 2330 hommes, 1721 femmes et 1673 enfants56. Si
l'arrondissement de Remiremont est celui qui compte le plus d'étrangers
inscrits, il est toujours derrière Epinal et Saint-Dié en ce qui
concerne les Allemands. Sur demande du septième Corps d'armée, en
vue de l'étude de l'évacuation à la mobilisation des
étrangers des places fortes, la préfecture des Vosges met
à disposition en juin des états numériques des
étrangers présents dans les communes comprises dans
l'intérieur du périmètre de la défense de la place
d'Epinal57. Il y est parfois spécifié parmi les
Allemands le nombre de ceux qui sont originaires d'Alsace-Lorraine, dans la
colonne « observations ». Pour la totalité de ces communes
1510 Allemands sont présents (sur 2226 étrangers), la grande
majorité à Epinal même (1165) et Golbey (620), et les
quatre septièmes des 1510 sont originaires d'Alsace-Lorraine.
Sur le plan géographique, en l'espace d'une
génération, la répartition des habitants s'est
profondément modifiée dans le département des
Vosges58. En 1872, plus de 70 % des Vosgiens étaient des
ruraux. Avec l'extinction des forges, la fermeture de nombreux ateliers ruraux,
la crise agricole, les campagnes se sont vidées. L'essor urbain est
néanmoins très modeste : Epinal et Saint-Dié compte entre
15 000 et 30 000 habitants et le militaire limite les autres
activités.
Le nombre global des étrangers dans les Vosges
s'élève à 12 170 en 1912 et n'augmentera pas jusqu'en
1920. La population allemande conserve encore une longueur d'avance sur les
Italiens (4455 sujets), même si elle est touchée par 399
départs ou décès. Ce contingent allemand est
composé de 2423 hommes, 2005 femmes et 1622 enfants et est
représenté pour presque la moitié dans l'arrondissement de
Saint-Dié (2526) et quelques 1400 sujets dans l'arrondissement
d'Epinal59. Quelle est alors leur situation professionnelle ? Dans
quelles conditions vivent-ils ? Peut-on considérer qu'ils sont
pleinement intégrés ?
56 A.D.V., 4 M 403, Relevé numérique des
étrangers au 1/7/1910.
57 A.D.V., 4 M 402, Etat de la préfectures des
Vosges présentant, par nationalité, sans distinction d'âge
ni de sexe, le nombre des étrangers qui habitent les communes du
périmètre de la défense de la place d'Epinal, juin
1910.
58 F. Roth, op. cit., chapitre 11, « Une nouvelle
répartition des habitants », pp. 183-210.
59 ADV, 8 M 189, situation professionnelle dans le
département des Vosges, rapports, 1912.
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