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Immigration volontaire ou forcée des allemands et des alsaciens-lorrains dans les Vosges (1911-1920)

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par Clément Thiriau
Université Nancy II - Master 2 d'histoire contemporaine 2007
  

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Chapitre 1 : Les prémices et les premiers moments du conflit

Depuis 1871, la frontière franco-allemande passe sur la ligne bleue des montagnes vosgiennes. Toutes les villes accueillent des garnisons. Epinal, siège d'un corps d'armée, abrite 15 000 hommes et est intégrée dans le système de défense de la frontière de l'Est mis au point par le général Seré de Rivière : il comporte le contrôle de la haute vallée de la Moselle par des forts à Arches, Remiremont, Rupt, Le Thillot, Epinal et au ballon de Servance. Construits à partir de 1876, ils sont renforcés jusqu'en 1914. En 1914, Epinal commande 16 forts, 85 batteries armées de 700 pièces d'artillerie et peut équiper 70 000 soldats. Chaque ville reçoit des troupes en garnison. Désormais, la vie militaire avec ses défilés rythme la vie des cités, exalte un patriotisme revanchard renforcé par la présence des Alsaciens émigrés.

Dès le 3 août 1914, les troupes françaises passent le col de Saales et débouchent dans la vallée de la Bruche, mais la contre-attaque allemande se développe en direction de Nancy et de Saint-Dié pour prendre à revers les troupes de la Marne après l'échec français à Morhange. Leur objectif est la trouée de Charmes. Après de violents combats, Saint-Dié est occupée le 27 août mais les Allemands sont arrêtés au col de la Chipotte, au col des Journaux et échouent devant Charmes. La contre-offensive française libère les territoires occupés et s'arrête à 10 km au nord de Saint-Dié. Le front se stabilise du col de Sainte-Marie au col de la Chapelotte.

L'accélération des événements à l'été 1914 et le début de la Première guerre mondiale engendrent un renforcement des contrôles et un durcissement des mesures à l'égard des ressortissants de puissances « ennemies », Allemands et Alsaciens des Vosges étant concernés au premier chef.

198 H. Mauran, op. cit., p. 411.

I - Mesures prises à l'aube de la guerre par la République.

La République française prend dès le 1er août 1914 des dispositions concernant les étrangers, par l'intermédiaire des ministres de la Guerre et de l'Intérieur199. Le contenu reprend les dispositions prévues depuis le début de 1913 à l'égard des ressortissants ennemis, et depuis le 22 août 1913 dans le cas particulier des Alsaciens-Mosellans, qui bénéficient depuis lors d'un traitement de faveur.

Tous les étrangers, sans distinction de nationalité, peuvent quitter la France avant la fin du premier jour de la mobilisation (24e heure du 2 août 1914), par voie ferrée ou par voie de mer. Des trains sont mis à disposition mais, réservés en priorité aux militaires, ils sont vite bondés et bien peu d'étrangers peuvent partir en 24 heures. Dès le 2 août, ils doivent donc se présenter au commissaire de police ou au maire de leur résidence pour faire connaître leur nationalité200 et y faire constater leur situation. A l'exception des sujets des pays ennemis, ils ne sont pas inquiétés, ils sont autorisés à conserver leur domicile, et reçoivent un permis de séjour ; mais on exige d'eux un passeport délivré par un préfet201. Les ressortissants des puissances ennemies ont la faculté soit de quitter la France, soit de se retirer hors des zones militaires.

Ainsi dans les jours qui précédèrent l'entrée en guerre (du 1er au 3 août), de nombreux Allemands et Austro-Hongrois, pressentant l'issue de la crise internationale, regagnent précipitamment leur pays202. On dispose pour les Vosges d'une liste nominative des sujets austroallemands résidant habituellement dans le département et ayant quitté leur résidence dans le courant de juillet et les premiers jours d'août 1914. Elle fait apparaître pour la commune d'Epinal un résultat de 541 personnes, presque toutes de nationalité allemande et d'origine alsacienne, dont peu d'enfants, beaucoup de personnes seules, hommes et femmes. La direction qu'ils empruntent est souvent inconnue ou hors du département (Mâcon, Châlons sur Saône, Nancy) voire du pays (Allemagne, Suisse). Pour la commune de Saint-Dié sont recensées 54 personnes, presque tous Allemands, en majorité originaires d'Alsace-Lorraine, beaucoup d'hommes et de familles, qui généralement retournent en l'Alsace. Quelques Allemands par ville sont signalés dans le reste du département, surtout à Thaon, partis en Alsace, Allemagne ou évacués sur Châlons203.

Quant aux Allemands et Austro-Hongrois qui désirent rester en France, ils doivent être évacués, sans distinction d'âge ou de sexe, de la zone comprise dans le périmètre du camp

199 J. Ponty, op. cit., pp. 91-122.

200 J. Dupaquier, Histoire de la population française, PUF, 1988, Tome 4 (1914-nos jours), p. 65.

201 J. Ponty, op. cit.

202 R. Schor, op. cit., pp. 30-44.

203 A.D.V., 4 M 495, Recensement étrangers de nationalités ennemies (1915).

retranché204. Il en est ainsi des sujets résidant dans le département des Vosges, zone de front dès 1914, le 21e corps d'armée (créé en 1913, chef-lieu Epinal) couvrant, avec les 6e (Châlons), et 20e (Nancy) la frontière de l'Est. Entre le 5e et le 16e jour, ils seront transportés par voie ferrée sur des points de refuge provisoire situés dans l'ouest de la France, où seront prévus leur logement et leur nourriture, et où on leur donnera du travail s'il y a lieu. Ils pourront ultérieurement demander leur transport vers une frontière neutre, ou se rendre dans un lieu de séjour de leur choix, dans les conditions prévues pour les étrangers résidant à l'intérieur du territoire portés à leur connaissance dans les points de refuge.

Concernant les Alsaciens-Lorrains non naturalisés Français, sont laissées libres sans conditions les familles établies depuis longtemps dans le pays et dont on connaît parfaitement les origines et les sentiments français et les familles dont un membre au moins contracte un engagement à la Légion étrangère avant la fin du 2e jour de la mobilisation205. En revanche, toute famille d'Alsaciens-Lorrains dont un des membres quitte la France pour répondre à l'ordre de mobilisation allemand sera considérée comme allemande. Sur ce plan, on ne fait toutefois qu'appliquer au pied de la lettre la circulaire établie par l'Etat-major dès février 1913206.

Enfin, aux épouses de sujets ennemis, nées Françaises, l'administration propose le divorce afin de leur permettre de recouvrer leur nationalité d'origine. En cas de refus, elles seront incarcérées ou suivies par la police.

A la fin du XIXe siècle, le carnet B avait pour objectif d'étouffer dans l'oeuf tout mouvement antimilitariste et toute campagne en cas de mobilisation. Au moment où s'engage la guerre francoallemande, comment s'organise la mobilisation des ressortissants allemands et alsaciens en août 1914 ?

204 J. Ponty, op. cit., pp. 91-122.

205 Ibid.

206 H. Mauran, op. cit., p. 441.

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