CHAPITRE V : Résultats provisoires.
Ce chapitre s'articule autour des résultats
provisoires, c'est-à-dire ce que l'analyse de notre corpus nous a permis
d'appréhender et d'obtenir. Les résultats provisoires se
résument en ces éléments ci :
Le sens de l'honneur chez Hamlet et
Othello.
Notre travail de recherche nous a permis de
déceler quelques traits du comportement de Hamlet et de Othello. Il est
évident que notre travail ne se veut pas le répertoire de tout ce
qui caractérise les personnages ci- dessus. Il exposera ce qui est plus
perceptible chez ceux-ci.
Hamlet et Othello sont deux personnages importants dans le
jeu de Shakespeare. Leurs comportements, ou leur agissement ne peuvent passer
sous silence. En effet, ces deux personnages attachent assez de prix au sens de
l'honneur. Pour eux, rien n'est plus que l'honneur d'une personne. Lorsque cet
honneur venait à être bafoué, il faudra alors le
rétablir. Mieux, en présentant ces personnages, Shakespeare nous
apprend plus sur ce qui pourrait être l'honneur pour ces personnages de
la haute classe. L'un est fils du défunt roi du Danemark, donc un
prince, l'autre est général de l'armée. Or un prince sans
honneur n'a pas sa raison d'être, tout comme un général qui
ne peut laver un affront, n'a le droit de diriger une armée. Par
exemple, pour honorer la mémoire de son père lâchement
assassiné, Hamlet n'a pas hésité à mettre sa vie en
danger à fin de démasquer l'assassin. C'est dans cette même
logique que, Hamlet à chaque fois qu'il en avait l'occasion ne cessait
de faire raisonner sa mère quant à son rapide remariage avec
l'assassin de son ex-mari. Pour manifester son désarroi et son
humiliation, Hamlet laissait éclater sa colère contre sa
mère. Comme à son habitude il se faisait beaucoup de commentaire
sur l'inconduite de sa mère. Les lignes ci-dessous sont un exemple parmi
tant d'autres.
But two months dead! Not so much, not two.
Must I remember? Why, she would hang on him.
As if increase appetite had grown.
By what it fed on, and yet, within a month,
Let me not think on't. Frailty, thy name is woman...
She married. O most wicked speed, to post.11
Tout comme Hamlet, Othello devait diriger la guerre contre les
turcs à Chypre. Préférant l'honneur (même dans le
danger) aux délices voluptueux auxquelles les nouveaux mariés
consacrent généralement leur temps, Othello consentit de mener la
guerre contre ceux-ci. A peine marié à Desdemonda, Othello devait
quitter la ville pour Chypre. Cet acte plein de sens montre à quel point
Othello tenait à garder son honneur, celui d'un général.
Outre l'honneur nous remarquons la
neurasthénie chez Hamlet.
La neurasthénie chez Hamlet.
La neurasthénie selon le Dictionnaire Universel
est une disposition générale à la tristesse, et à
la mélancolie12. Elle se traduit par une dépression un
abattement, voire une morosité de la personne en proie à cet
état. Plusieurs faits sont à la base de la situation
neurasthénique de Hamlet. D'abord, la mort brutale de son père,
suivie du remariage rapide de sa mère. Ces deux actes déclenchent
l'assaut des questions pernicieuses à la paix de l'âme de Hamlet.
Puis vint la révélation du fantôme, qui déclenche la
suite de réponses corrosives.
A partir de cet instant, tout est différent pour le
jeune prince. Le monde change de couleur, la vie de signification, l'amour est
dépouillée de sa spiritualité, la femme de son prestige,
l'état de sa stabilité. Par cette absurde irruption du mal, le
monde est réduit à l'absurde, de la douleur à l'amertume,
de la raison à la folie, puis de la
11 Peter Alexander, William Shakespeare, The
complete works. London, 1951, p1032.
12 Dictionnaire universel. Hachette edicep,
4eme edition, 2002, p826.
tristesse à la morosité. Hamlet apparaît
comme un héros-victime, à qui la vie n'a réservé
que frustration et désillusion. Les trahisons de ses amis,
Ophélie, Rosencrantz, Guildestern, et même de Laërte ne font
que assombrir davantage un tableau déjà lugubre. Face à un
tel monde, rien n'est plus simple pour Hamlet, tout pose question. De son
état d'abattement, et de grande tristesse, Hamlet ne sait à quoi
donné de la primauté. Il est envahi par l'indécision. Le
dilemme auquel il se bute est de savoir, non pas quel choix il doit faire. Mais
au contraire s'il va le faire. Il n'arrive à aucune décision, et
projette l'image d'un individu indécis, inactif passif le romantique
incapable d'agir et un peu pleurnichard. A la limite le bavard
invétéré qui se complait dans des paroles. Jean Louis
Barrault avait raison, lorsqu'il affirmait en d'autres termes
que : « Hamlet est le héros de l'hésitation
supérieure »13.
Sans nul doute, la rêverie et le pessimisme d'Hamlet ont
fait de lui un être étranger, à la limite « un
fou de raison ».
Il est bon de faire remarquer que, tout se passe dans la
conscience du jeune prince. Tous les événements qui sont
l'armature de la pièce, se réduisent à la
représentation symbolique d'une agitation intérieure que nulle
action ne résoudra, que nulle décision n'apaisera.
En définitive, un tel bouleversement traduit la nature
de l'homme confronté aux problèmes moraux et métaphysiques
grâce auxquels il se définit. En d'autres termes, ce
bouleversement pose le problème de l'identité même de
l'existence de l'homme, pour ne pas dire de « l'être et du
néant ».
Au vu de ce qui précède, nous constatons que la
mélancolie de Hamlet traduit une dissolution de son identité, et
par conséquent cette dissolution pose la problématique sartrienne
de l'être et du néant. A quelques degrés près, l'on
pourrait se résumer pour dire que, la tragédie de Hamlet
apparaît comme la quintessence d'une instabilité morale et
métaphysique que, l'on peut associer à l'expérience de la
vie, de sa vie.
Finalement, l'attitude de Hamlet qui donne parfois une
apparence de folie, n'a pas pour seul effet de déranger ses proches.
Elle lui donne également la liberté d'enfreindre les
règles de la bienséance, d'obéissance à la cour,
sans encourir de
13Jean Louis Barrault,
www.onlineshakespeare-com.
punition immédiate. Dans son état actuel, la vie
de Hamlet ressemble à celle d'un homme qui n'hésite pas à
affronter sa propre imperfection, et à réfuter les apparences
idéalisées. Outre la neurasthénie, nous constatons la
jalousie morbide chez Othello.
La jalousie morbide chez Othello.
La recherche de la vérité surtout lorsqu'elle
devient obsessionnelle et exclusive, peut aveugler et conduire l'homme à
commettre des actes regrettables. Parti d'un fait banal (un mouchoir que lui
aurait donné sa mère), Othello accuse sa Desdemonda, de retrouver
sur Cassio le dit mouchoir. Aussi, grâce aux arguments avancés par
Iago, Othello est de plus convaincu de d'infidélité sa
Desdemonda. Ce qui perd le général Othello, est d'accorder plus
d'importance à des riens de bonne femme, qu'au regard de sa bien
aimée. Le prétexte d'infidélité avait suffi au
général pour remettre en cause toute l'amour de la belle
Desdemonda.
La vue que Othello avait de son épouse changea du seul
fait de Iago, son ami circonstanciel. Celui-ci avait su semer la graine de la
jalousie dans la tête de Othello. Par des manières astucieuses et
adroites, Iago a dominé Othello, l'a influencé d'une
manière si dangereuse que la vie de son épouse et celle de Cassio
ne sont plus sures. Exaspéré et surmonté avec peine et
jalousie, Othello sous la poussette de Iago avait décidé de
l'assassinat de son épouse.
Ce crime passionnel provoqué par une jalousie
obsessionnelle et déraisonnée, traduit le profond malaise d'une
personne en proie au désarroi, qui se sent trahi par sa bien
aimée. La jalousie peut conduire l'homme à avoir des
comportements bizarres, voire agressifs envers l'objet du désir. Ce type
de dérive peut amener le sujet à se transformer en pervers ou
à un stade moins avancé en pauvre homme.
Toutefois, ce drame de la jalousie laisse apparaître le
sombre tableau de la lutte entre l'homme et son destin, ses tentations et
contradictions.
Outre les éléments qui caractérisent
Hamlet et Othello, il importe pour nous de souligner quelques traits des autres
les personnages.
L'infamie dans Hamlet et
Othello.
L'infamie recouvre l'idée d'action vile,
méprisable, sans noblesse et surtout abominable. Une personne
infâme est une personne qui mène des actions avilissantes,
honteuses et basses. L'infamie est un thème récurrent tant dans
Hamlet que dans Othello. Pour nous faire comprendre les
manifestations de ce comportement, Shakespeare nous présente deux
personnages aux multiples facettes.
Iago et Claudius apparaissent comme étant les
maîtres du jeu, qui par leur génie, réussissent à
manipuler tous les autres caractères. Ceux-ci créent le
désordre, et feignent d'en être très
préoccupés. L'influence de ces deux
« monstres », s'étend sur les personnages dans leur
entourage, et même au-delà. Iago est par excellence celui qui a
les commandes de la vie d'Othello, de Cassio, et de Desdemonda. Il fait et
défait ceux-ci. Iago est par conséquent le catalyseur des
perceptions changeantes d'Othello, des observations et des vues de son
épouse.
Par ses manières astucieuses et adroites, Iago a
dominé Othello, l'a influencé si dangereusement que, maintenant
la vie de Desdemonda et de Cassio sont en danger. La graine de doute
semée dans l'esprit d'Othello par Iago, a germé. L'attitude et le
comportement d'Othello s'aggravent pendant que Iago imagine de plus en plus de
mensonges. Poursuivant sa logique de vengeance, Iago pousse graduellement
Othello au point de non retour.
Quant au roi Claudius, il a commis le fratricide et
régicide, et a enfoncé la reine avec la sorcellerie de son
esprit. Claudius, en d'autres termes, représente le plus mauvais de la
nature humaine, en convoitise, avarice, corruption, et excès. Lui et sa
cour corrompue se dorent dans les plaisirs de la chair.
Après avoir tué le père, Claudius
entreprend l'assassinat du fils, crime qu'il refuse de commettre avec ses
propres mains, dans l'intérêt peut être de Gertrude. Il
prétend aimer celle-ci, pourtant il ne l'empêche pas de boire le
poison destiné à son fils. Ces deux actes, non seulement
révèlent le caractère ambigu de Claudius, mais aussi
prouvent que celui-ci est un bandit meurtrier à facettes multiples.
Iago et Claudius sont des personnages qui ne peuvent pas
s'abstenir de se livrer à des désirs malsains, car ils en tirent
du plaisir. Un tel comportement les rend comparables à satan. Nous
sommes d'avis avec R. William qui affirme que : « Iago est
un non- croyant, et le dénégateur de toutes les choses, chants
religieux, qui reconnaît seulement Dieu comme Satan, pour le
défier »14.
La faiblesse de la femme à travers Gertrude et
Desdemonda.
La femme en général s'identifie par un certain
nombre de caractère parmi lesquels, nous avons la faiblesse d'esprit ou
du caractère. Cette faiblesse et les comportements qui l'accompagnent,
est perceptible chez Gertrude et Desdemonda. Ces deux êtres font preuve
d'une faiblesse d'esprit notoire, et d'une inconstance sans pareille.
Gertrude et Desdemonda font partie des personnages
féminins shakespeariens qui ont posé beaucoup d'interrogations
quant à leur rôle dans les prises de décision. En effet ces
deux personnages peuvent être définis par leur désir
extrême pour la station et l'affection, aussi bien que par leur tendance
à employer les hommes pour accomplir leur souhait intense.
Le commentaire que l'on pourrait fait sur elles, et des femmes
en général se trouve dans cette condamnation de
Shakespeare : « fraility, thy name is
woman »15.
Autrement dit, femme est synonyme de faiblesse. Elles
succombent à tout et ne peuvent indiquer ou donner leur opinion, quant
il le faut, au moment qu'il le faut.
Un tel commentaire est indicatif de l'état d'esprit de
ces êtres malléables, qui à n'en point douter sont
moralement frêles. Dans leur jeu, Gertrude et Desdemonda n'exhibent
jamais leur capacité de penser en critique à leur situation.
Plutôt elles se complaisent dans des choix apparemment surs.
14Robertson, William .T, Othello : une
étude critique. Edinburgh: William Blackwood et fils, p269.
15Alexander, op.ci, p1032.
Sans même se soucier du danger que pourrait courir son
fils, Gertrude fit tout le récit de sa rencontre avec son fils à
Claudius. C'est pourquoi, le jeune prince ne cessait de s'interroger sur le
comportement aussi bizarre qu'étrange de sa mère.
Il est connu de tous que, les enfants doivent
considérer avec compassion les fautes des parents. Mais dans le cas d'un
grand crime, le fils a le droit de parler même à sa mère,
avec quelque sévérité, si cela a pour but de la ramener
dans le droit chemin. C'est ce que fait Hamlet qui, emploie des termes
émouvants pour représenter à sa mère le
caractère odieux de sa conduite. L'inconduite de Gertrude qui avait
juré sa foi à son premier mari, en était assez pour douter
de tous les serments féminins. Au delà, toutes vertus
féminines ne sont que pure hypocrisie.
Desdemonda n'était pas bien meilleure que Gertrude. La
seule différence entre elles, était que, la première
citée avait en face d'elle son fils, et la seconde un ami pour qui, elle
devait intercéder auprès de son mari.
Dans la forme, la cause que défendait Desdemonda
était noble. Cependant, du fait de son manque d'esprit critique,
Desdemonda s'était laissée entraîner dans le piège
qui allait l'engloutir. Desdemonda avait pris fait et cause pour Cassio. Elle
s'était engagée corps et âme pour obtenir une
réponse en si peu de temps. Or intégrer un soldat
égaré, se fait selon une procédure. C'est bien là
le sens du plaidoyer de Othello, qui ne demandait que du temps, pour
réfléchir. Hélas, cela en était de trop pour
Desdemonda. Desdemonda est une victime inconsciente, voire ignorante de la
parcelle de terrain réussie par Cassio, surtout de Iago.
La fébrilité de caractère dont elles font
preuve, fera de Gertrude et de Desdemonda des personnes inconstantes et
instables à tout point de vue. D'une personne à une autre, d'une
décision à une autre, elles ne feront que changer de positions,
autant que l'occasion leur est donnée.
Gertrude et Desdemonda vivent dans un monde où elles
sont commandées et dominées par des hommes. Pourtant leur
capacité de parler ne reflète en aucun cas des êtres
ignorants. En attendant une Gertrude astucieuse, qui puisse identifier son
péché dans un mariage incestueux, aussi bien que sa
responsabilité négligente du meurtre de son fils, la
conséquence de son comportement ambivalent est évidente dans tout
ce gâchis. De même que Desdemonda qui n'a pas su garder son
intimité, par ce que trop préoccupée par le
problème de Cassio, est coupable au même titre que Iago dans
l'assassinat de Othello.
Desdemonda et Gertrude sont des personnages, de la
moralité ambiguë, que nous ne pouvons jamais entièrement
connaître. Leur inconstance nous invite à renouveler
continuellement notre jugement sur leur attitude.
C'est pourquoi celles-ci ne peuvent véritablement
choisir une partie, sans toute fois interférer dans l'autre. Gertrude a
du mal à choisir par exemple entre Hamlet et Claudius. Tout comme
Desdemonda dont on ignore encore le camp. Est-elle totalement pour Othello ou
partiellement pour Cassio ?
Toutes ces interrogations méritent des réponses
aussi précises que déterminantes. Ces réponses pourraient
servir de lumière pour mieux appréhender le sens du jeu de la
reine et de celui de Desdemonda.
Nous nous proposons de mettre un terme sur nos
résultats provisoires. Toutes fois, il est bon de rappeler que ces
résultats pourraient évoluer, et même changer en fonction
de certaines nouvelles données.
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