CHAPITRE I : JUSTIFICATION DU SUJET.
Dans ce chapitre, il s'agira pour nous de donner et
évoquer les mobiles qui ont fait porter, notre choix sur ce sujet. De
prime abord, nous justifierons notre choix par un fait, qui est entre autre un
constat. Puis, allons-nous étayer les raisons de ce choix par la
thématique que nous aborderons au second point.
I/ Le constat.
Si nous convenons de l'évidence selon laquelle, une
pièce de théâtre n'est pas uniquement une pièce
écrite, mais aussi une pièce jouée, voire
dramatisée par des personnages, il va s'en dire que le rôle de
ceux-ci, est plus que déterminant pour l'aboutissement de la chose
théâtrale.
Ce qui captive notre attention à la lecture du texte
(pièce) shakespearien, c'est l'abondance de personnages, chacun avec un
rôle déterminé et bien précis. Il est connu que la
vie de chaque personnage, est de facto façonnée par son auteur
qui, en fonction de ses objectifs les dépeint. De ce fait, les
personnages sont dotés par celui-ci d'une apparence physique, d'une
personnalité et enfin d'une identité.
Chez Shakespeare cette caractérisation des personnages
est très variée. Parfois, l'auteur donne les informations
détaillées sur ceux-ci. Dans d'autres cas, la description
physique, le vêtement, le langage, ou même les faits du personnage,
permettent au lecteur de le découvrir.
En plus, un examen critique, nous permet de
révéler que les pièces de Shakespeare comportent en
moyenne dix personnages. Hamlet et Othello, ont chacune trente et
une, et vingt et un personnages. A observer ces deux pièces, et
l'atmosphère qui y règne, de la situation initiale à la
situation finale, s'y déroulent des transformations à l'image
d'une vie humaine.
D'un côté, Hamlet qui veut venger son père
et de l'autre côté, Othello qui par simple jalousie assassine sa
Desdemona.
Le récit de ces deux faits est raconté selon un
point de vue qui constitue un emboîtement logique, parce qu'une situation
va entraîner un certain type d'actions, pas n'importe lesquelles.
Vraisemblablement, cette succession d'évènements, ou intrigue se
déroule autour de personnages plantés dans un décor, selon
le gré de l'auteur. C'est pourquoi l'évolution des personnages
dans le temps et l'espace, est fonction de l'action qui précède,
de celle en cours, et de celle à venir.
Avant de découvrir la vérité, sur la mort
de son père le jeune Hamlet était plein de vie. Il vivait comme
toute personne normale.
Répondant à une supplique de sa mère,
Hamlet dira : «I shall in all my best obey you,
madam.»4.
Et pour prouver à son nouveau père qu'il se
portait en parfaite santé, Hamlet rassura celui-ci...Not so, my lord; I
am too much in the sun. 5
En plus du grand nombre de personnages dans les pièces
de Shakespeare, nous remarquons aussi une ressemblance dans le
déroulement, ou même dans la narration des faits de notre corpus.
Outre, la différence des dates de publications, l'on pourrait affirmer
qu'en écrivant l'un, Shakespeare pensait déjà a l'autre
oeuvre. Cela peut paraître un fait étrange ou nouveau. Mais,
à observer la littérature anglaise, on constate que les auteurs
d'une même époque, avaient les mêmes sources d'inspiration.
En effet, pour construire leur intrigue, les dramaturges anglais s'inspiraient
le plus souvent de faits historiques rapportés parfois dans les
chroniques, ou dans les travaux d'historiens. Ceux-ci puisaient aussi leurs
matières dans les sujets de pièces antérieures. Cependant,
ce qui faisait la différence entre les auteurs et leurs
différentes productions, était simplement le génie de
chaque auteur. C'est bien le cas avec Shakespeare dont les oeuvres ont diverses
inspirations. Bien qu'elles fussent souvent inspirées du quotidien
anglais, les oeuvres shakespeariennes avaient leur façon à elles
de représenter cette vie. En outre, Hamlet et
Othello nos deux corpus, expriment des tragédies qui
révèlent et démontrent combien la destinée est
incontrôlable pour l'homme souvent aveuglé par sa volonté
de domination et de pouvoir.
4Peter Alexander, William Shakespeare: The
Complete Works. London, 1951, p1031.
5Alexander,op.cit, p1030.
Mêlant la réalité à la
légende, ces deux pièces retracent les fastes et les
épisodes sanglants d'une partie de l'histoire anglaise. Elles analysent
entre autre l'effet de l'exercice du pouvoir sur des êtres vaniteux,
accablés par leur charge, flattés par les traîtres tel
Iago, et que seule la mort omniprésente à leurs yeux
délivrera. Ces deux pièces soulignent combien les rapports entre
le rêve et la réalité sont faussés. Et aussi comment
l'aveuglement et la méchanceté peuvent déclencher des
drames et des passions. La soif du pouvoir de Claudius dans Hamlet
pourrait trouver son sens dans ce qui précède. Celui-ci avait
reçu, non seulement d'arracher la reine, en tuant le roi, mais aussi en
détrônant le fils. Ce crime odieux avait fait de Claudius la haute
personnalité du royaume. Il était le nouveau roi du Danemark.
Aussi, aveuglé par la jalousie, et la passion
amoureuse, le maure Othello pris pour évangile tout ce que lui racontait
Iago son ami d'occasion. L'amour pour Desdemoda était entraîne de
faire d'Othello « un mal-aimé». Son corps, son
âme sont agités par des sentiments de chagrin, d'affliction, de
haine et de pitié.
En somme, la résultante des sentiments du maure se
résume en ce terme grec du « pathos ». Le pathos est
une affection, voire une maladie. C'est aussi ce que l'on éprouve en
bien ou en mal quoique surtout en mal pour quelqu'un.
La conséquence immédiate de l'agitation
d'Othello est l'assassinat de la belle Desdemonda. Du coup, le perfide Iago
avait réussi son plan.
Shakespeare a cette façon particulière de
présenter sa tragédie. D'abord, il nous informe sur le
héros, sa vie, les situations difficiles auxquelles celui-ci fait face,
puis la conséquence des actions précédentes qui vont
entraîner sa mort. Nous avons encore en mémoire la scène,
où Hamlet feint d'être fou à fin de mieux piéger son
oncle-père, et venger son père. Malheureusement, le prince
Hamlet, tel Othello, découvrira la vérité au prix de sa
vie. Le héros autour de qui toute l'action dramatique se déroule
n'apparaît pas toujours aux premières heures de la pièce.
Shakespeare « le couvre », et seuls d'autres personnes
parlent de lui, de telle sorte que son entrée en scène, n'est pas
sans susciter des émotions. C'est parfois avec une grande
anxiété que le lecteur attend impatiemment de voir celui-ci.
Hamlet et Othello apparaissent tous deux pour la première fois à
la scène II de l'acte 1. Leur apparition à cet instant-ci est
déterminante dans la suite du déroulement des faits.
Vu la ressemblance des faits dans ces deux oeuvres, nous
constatons qu'il y a similitude dans la construction de la tragédie.
C'est à dire, comment Shakespeare a bâti, façonné et
moulé le fait tragique (ici la mort des héros) dans ces deux
oeuvres. Sans nul doute, Othello est l'oeuvre tragique majeure
écrite après Hamlet. Une telle évidence se voit
à différents niveaux dans ces deux oeuvres. D'abord, par le
style, la diction, le choix des mots et la versification. Cette similitude est
aussi perceptible dans les faits et les idées du premier drame qui
semble résonner dans le second. Certes, les héros sont
différents par leur caractère. Cependant chacun est
exceptionnellement une personne noble et pleine de confiance. Tous deux
succombent sous le choc effroyable d'une désillusion. Et leur
définition de l'être humain, se trouve enfouie dans la
méchanceté et l'hypocrisie des hommes. Le jeune prince par
exemple ne pouvait jamais s'imaginer que, sa mère pouvait se remarier
aussi vite surtout avec l'assassin de son ex-époux. Tout comme Othello a
du mal à accepter l'infidélité de sa femme, de
surcroît avec son subalterne. Tout ce décor nous envoie dans ce
monde chaotique dont, seul Shakespeare a le secret. Avec Shakespeare, les
tragédies se terminent toujours en catastrophe, avec parfois la mort
douloureuse des héros.
Pour bâtir sa tragédie dans Hamlet et
Othello, Shakespeare nous donne un aperçu sur les personnages,
leur statut social, les relations existant entre eux et la
société et les événements en rapport avec chaque
personnage. Parfois, il met l'accent sur les caractéristiques de
certains personnages. Une fois enthousiasmé, Shakespeare nous laisse
deviner la suite des faits. Nous sommes ainsi captivés, non seulement
par le jeu des personnages, mais aussi par la situation difficile qui pointe
à l'horizon.
Connaissant sa fougue, mais aussi son degré d'amour
pour Desdemonda, Othello a eu du mal à accepter la soi-disant relation
amoureuse avec Cassio. Sans grande surprise, le lecteur s'attend à
quelque chose d'horrible. L'horreur arriva sous sa plus macabre forme, comme le
traduit Shakespeare à travers ces lignes : ....yes, tis Emilia-bye
and bye. She's dead. Et Hamlet qui avait juré vengeance, a accompli
cette tache, ce fut le sublime dans le mal.
En somme, la tragédie shakespearienne dans
Hamlet et Othello se fonde sur trois différents paliers.
Sur le premier palier, nous avons une exposition des faits ou « state
of affairs ». Le second palier constitut le début, ou la mise
en route des événements. C'est là aussi qu'il existe
une croissance de l'intrigue, avec une situation ou une complication
imprévisible. Vraisemblablement, cette partie demeure la plus importante
de l'histoire. Elle comprend parfois, le deuxième, le troisième
et le quatrième acte de la pièce. Le dernier palier de la
tragédie, expose les résultats des faits antérieurs, voire
le clos du conflit avec la mort. Cet agencement des faits, où le lecteur
découvre son compte, a fait dire à Bradlt que :
Shakespeare in writing did represent a certain aspect of life
in a certain way, and that through examination of his writings; we ought to be
able to some extent to describe this aspect and ways in terms addressed to the
understanding.6
L'on a toujours pensé que la vie ne comportait qu'un
seul aspect tragique. Mais avec Shakespeare, on se rend compte qu'il y a une
variété d'aspects tragiques dans notre vie. Etant toutes des
tragédies, Hamlet et Othello représentent
parfaitement des drames (tragiques) sous différents aspects de la vie.
Quoique étant des tragédies passionnelles, ces deux oeuvres
puisent leurs racines dans le comportement quotidien de chaque homme, de chaque
société.
La justification de notre sujet est faite en deux points.
Après le constat qui en est le premier, il importe pour nous d'aborder
le second point, qui est la thématique abordée.
6Bradley, A.C. Shakespearean Tragedy: Lectures
on Hamlet, Othello, King Lear, Macbeth, London, 1905, p6.
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