CONCLUSION
Plus de dix ans après le lancement du partenariat
euro-méditerranéen, la situation des droits de l'homme au sud de
la Méditerranée ne s'est globalement pas améliorée.
Certes, les instruments régionaux tels que l'assemblée
parlementaire et les conférences interministérielles ont permis
d'établir des relations continues et approfondies entre l'Union
européenne et les Etats de la ceinture méditerranéenne et
d'institutionnaliser et normaliser le débat autour de la question des
droits de l'homme, mais au delà des déclarations d'intention, peu
a été transposé concrètement.
Les objectifs de la déclaration de Barcelone n'ont pas
trouvé d'échos du fait de la redéfinition des
priorités du partenariat par ses membres, reléguant les droits de
l'homme au second plan, après des intérêts
sécuritaires et économiques. A cela se sont ajoutés des
conflits politiques et des insuffisances institutionnelles au sein de la
Communauté; la frilosité de la Commission et du Conseil
européens et l'impossibilité du Parlement d'initier la
procédure de suspension des accords d'association en réaction aux
violations répétées des droits de l'homme ont
effectivement rendu la clause droits de l'homme désuet.
Suite au constat d'échec du partenariat dans le domaine
des droits de l'homme, des aménagements ont été
réalisés par le biais de la politique européenne de
voisinage. Les obligations de résultat imposées aux Etats
récipiendaires de l'aide au développement pourraient constituer
un espoir tangible d'une amélioration de la situation. Son
efficacité est néanmoins menacée par le refus
systématique du recours à la conditionnalité
négative. Or, la combinaison des aspects positifs et négatifs de
la conditionnalité est indispensable à son efficacité. Les
progrès sur le terrain des droits de l'homme dans des Etats qui y sont
réfractaires ne se réaliseront que s'ils sont provoqués;
le recours exclusif à la conditionnalité positive de l'aide au
développement reste un moyen passif et très limité pour
entraîner des changements bénéfiques de la situation.
La politique européenne de voisinage s'est
intégrée pleinement à la politique de promotion des droits
de l'homme développée dans le cadre du partenariat
euro-méditerranéen et en propose un modèle
révisé. Elle mérite néanmoins d'être
approfondie pour les raisons évoquées ci-dessus.
La nouvelle approche des droits de l'homme proposée par
l'Union pour la Méditerranée s'éloigne sensiblement de cet
objectif en insistant sur l'indépendance des aspects économiques
et sociaux du partenariat. Plutôt que de repenser et d'améliorer
la politique de promotion des droits de l'homme l'Union pour la
Méditerranéen s'en défait et s'en remet aux
résultats économiques de la coopération qu'elle tend
à renforcer.
Si l'Union pour la Méditerranée n'a pas vocation
à insister sur la promotion des droits de l'homme, elle ne devrait pas
non plus supplanter les mécanismes mis en oeuvre dans cette
perspective.
Une alternative se présente alors: ou bien l'UPM est
développée conformément aux objectifs de la politique
européenne de voisinage, ou bien elle se place en concurrente et risque,
à terme, d'affecter considérablement ces mêmes
objectifs.
L'alliance entre la politique européenne et l'UPM
serait positive dans l'hypothèse où les relations
économiques développées par cette dernière iraient
de paire avec le respect de certains standards minimums dans des domaines
contribuant à l'amélioration de la situation des droits de
l'homme. Un code de conduite pourrait être établi afin d'aider les
entreprises européennes investissant dans la région
méditerranéenne. Il serait par exemple question de fournir des
analyses des risques menaçant les droits de l'homme et les
différentes façons de ne pas les favoriser. Ce code de conduite
pourrait également fixer des objectifs à atteindre visant le
respect des droits des travailleurs (conditions de travail et salaires
décents, non discrimination, égalité des genres, non
recours au travail des enfants et au travail forcé etc.). Il s'agirait
d'aborder la question des droits de l'homme dans une perspective globale dans
laquelle les investisseurs européens seraient un outil au centre d'un
développement engagé. Ceci permettrait de contribuer
progressivement au développement des populations sans que les
régimes répressifs ne soient impliqués tout en laissant
une certaine marge de manoeuvre aux investisseurs européens.
L'alliance entre la politique européenne de voisinage et
l'UMP serait négative si cette dernière offrait la
possibilité aux partenaires méditerranéens de se
détourner de leurs engagements initiaux: si une alternative leur est
proposée entre, d'une part, l'attribution d'une aide au
développement conditionnée à des progrès sur le
terrain des droits fondamentaux, de l'Etat de droit et des principes
démocratiques, et d'autre part, la possibilité de faciliter les
investissements européens sans autre engagement, il est fort probable
que la seconde option soit la favorite.
Si elle n'est pas strictement mise en oeuvre en accord avec
les principes de la PEV, la politique de l'Union pour la
Méditerranée à de forte chance de favoriser la
déresponsabilisation des Etats méditerranéens et des
membres de l'Union européenne dans le domaine des droits de l'homme.
Ceci irait à l'encontre de la politique de développement
instaurée par la Communauté au cours de ces vingt
dernières années.
L'avenir des droits de l'homme sur le pourtour oriental et
méridional de la Méditerranée dépend aujourd'hui
d'un double engagement: de celui de la Communauté européenne et
de celui de ses investisseurs.
|