2.3 La densité sous l'angle de la
durabilité
Tendre à des formes urbaines plus compactes, mono- ou
polycentriques, implique une densification des zones bâties existantes
ainsi que des standards de densité plus élevés que ce qui
s'est fait jusqu'à présent pour les nouveaux
développements urbains. Voyons si cet objectif - la densification -
répond, et sous quelles conditions, aux critères
environnementaux, sociaux et économiques de durabilité.
2.3.1 Durabilité environnementale
L'argument clé en faveur d'une ville plus compacte est
la réduction de la consommation énergétique et du rejet de
CO2, issu de la prise de conscience des causes anthropiques du
réchauffement climatique. Newman et Kenworthy sont les auteurs d'une
recherche pionnière sur la relation entre densité et consommation
d'essence (Newman and Kenworthy, 1989). Dix ans plus tard, leurs recherches les
mènent aux mêmes conclusions: la densité de population est
la variable explicatrice dominante dans la consommation
énergétique liée aux transports (Newman et Kenworthy,
2000) (Figure 2).
2 Les terrains non construits étant entendus comme des
terrains affectés à la construction mais non utilisés pour
diverses raisons; il ne pas s'agit pas des terrains classés en zone de
verdure ou de détente.
Figure 2. Consommation de carburant par rapport à
la densité de population, 1980
(Newmann and Kenworthy, 1989)
Un certain consensus existe en effet sur le fait que a
degree of compactness, in any of several forms, reduces demand for car
travel (Jenks et al. 2000: 351). Mais ces résultats restent
contestés par certains auteurs, qui relèvent notamment qu'une
plus forte densité renforce les problèmes de congestion qui
pourraient alors anéantir les gains obtenus en matière de
consommation d'essence (Thomas et Cousins, 1996). Cependant, la cause du trafic
et donc de la congestion en ville n'est pas tant la densité d'habitants,
qui peuvent aisément se déplacer à pied ou en bus, que
l'urbanisation diffuse de la périphérie et les mouvements
pendulaires automobiles qu'elle engendre. S'il existe un décalage entre
le dimensionnement historique des centres et les flux qui s'y écoulent
(Bussière et Bonnafous, 1993) et que cela crée une congestion, ce
n'est pas à la densité du centre qu'il faut s'en prendre, ni au
calibrage des rues, mais bien aux flux de trafic. A cet égard, une ville
plus compacte nécessitant moins de déplacements et dont la
densité permet l'usage des transports publics ne peut être que
bénéfique. La remarque de Thomas et Cousins rend cependant
attentif aux risques d'une densification d'espaces inopportuns qui, non
desservis de manière suffisante par les transports publics ou
mono-fonctionnels, contribueraient à augmenter la congestion. La
nécessité d'une densification différenciée
des espaces en fonction de leur accessibilité en
transport public et de leurs caractéristiques propres s'impose donc.
D'autres auteurs invoquent une relation biaisée entre
les deux facteurs de densité et de motorisation, et relativisent l'effet
de la densité sur l'usage de la voiture, et donc sur la consommation
d'essence (Gordon and Richardson, 1989). Il ne s'agit en effet probablement pas
d'une relation causale directe: si une certaine densité peut agir sur
les besoins en mobilité, la demande dépend
également d'autres politiques (foncières, du logement, des
transports). Comme le relèvent Simmonds and Coombe (2000), il y a une
différence entre besoin et désir de se déplacer:
l'aménagement du territoire ne peut agir que sur le premier. Nous
préférons donc dire que la densité est un
préalable indispensable à une réduction de la
mobilité individuelle motorisée, plutôt qu'un moyen en
soi.
La densification du tissu urbain devrait également
être accompagnée d'une certaine mixité fonctionnelle dans
une perspective de réduction de la mobilité. Il est vrai que ses
effets positifs sur la réduction du temps et de la distance des
déplacements semblent mitigés: si Buxton (2000) constate des
réductions majeures en temps et en distance des déplacements, Van
et Senior (2000) montrent que la mixité, dans un rayon de 400m, ne
semble guère influencer l'utilisation de la voiture, sauf pour les
achats alimentaires légers (light food ) et que d'autres
facteurs comme la distance au lieu de travail sont plus déterminants. La
proximité des services semble ne pas être déterminante dans
les choix de mobilité (Simmonds and Coombe, 2000) et d'autres facteurs
socio-économiques influencent le choix du mode de transport en premier
lieu. Il est en effet avéré que c'est l'emploi, dans une
conjoncture économique difficile, et plus encore les loisirs (engendrant
plus de la moitié des déplacements aujourd'hui) qui
déterminent le mode utilisé - c'est-àdire la voiture, qui
le sera alors pour le reste des activités quotidiennes. S'il est certain
que la relation entre proximité des activités et mode de
transport mérite encore de plus amples recherches, nous pensons
cependant que malgré les réticences mentionnées face
à l'utilité des politiques de mixité de l'usage du sol,
celles-ci n'en sont pas moins nécessaires. Elles ne sont par contre
clairement pas suffisantes. L'accessibilité locale (densité et
mixité) ne modifiera pas les comportements en matière de
mobilité si parallèlement on n'agit pas sur les transports via le
coût de l'essence notamment (Owens, 1992). De manière plus
générale, changes in form alone will not achieve sustainable
cities. Supportive transport, environmental, economic and social policies are
also required alongside shifts in attitudes and lifestyles (Williams et
al., 2000: 355). Ce à quoi l'aménagement du territoire peut
contribuer cependant, c'est à offrir aux individus la possibilité
de se déplacer à pied ou en transport public pour un plus grand
nombre d'activités.
Ce que l'on conclut à la lecture de ces
différentes contributions, c'est que la densité, en termes
environnementaux, peut être bénéfique à deux
niveaux: premièrement, en réduisant la consommation de sol
voué à l'urbanisation, et deuxièmement, en favorisant des
déplacement à pied pour les trajets cours, en transports publics
pour les trajets plus longs. Un certain nombre de conditions doivent cependant
être respectées pour qu'une plus grande densité soit
écologiquement durable:
1. la densification doit se faire de manière
différenciée en fonction de la desserte en
transports publics
2. elle doit être accompagnée par une
mixité des fonctions pertinente tant au niveau de
l'échelle considérée (parcourable
à pied) qu'au niveau des fonctions
(complémentaires)
3. elle doit être accompagnée de politiques
visant un report modal de la voiture individuelle sur les
transports en commun (agir sur la demande)
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