La responsabilité civile des organisateurs de loteries commerciales( Télécharger le fichier original )par Roger LANOU Université de Ouagadougou - Maà®trise en droit des affaires 2003 |
§2 Le quasi-contrat de l'article 1371 du Code civil« L'organisateur de loterie qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa s'oblige, par ce fait purement volontaire, à le délivrer »88(*). C'est par cet attendu que la Chambre mixte de la Cour de cassation française consacre le quasi-contrat, comme fondement de l'effet obligatoire des loteries publicitaires, dans les deux arrêts du 6 septembre 2002. La Cour de cassation venait là de « révolutionner » la matière de la responsabilité des organisateurs de loteries publicitaires en y appliquant l'art.1371 du Code civil (A), et par la même, au delà de la responsabilité de l'organisateur de cette responsabilité, « réveillait une source d'obligation que l'on croyait endormie pour longtemps »89(*) (B).
A. L'application de l'article 1371 du Code civil aux loteries publicitairesLe Code civil en ses articles 1371 à 1381 a prévu et réglementé deux quasi-contrats que sont la gestion d'affaires et le paiement de l'indu. La jurisprudence a ensuite consacré l'enrichissement sans cause90(*). Cette théorie « initialement découvert sur le fondement d'un principe d'équité »91(*) n'a été que tardivement rattachée à l'article 1371 du Code civil92(*). La chambre mixte de la Cour de cassation française consacrait, le 6 septembre 2002, une nouvelle application de l'article 1371 du Code civil. Il s'agit dans ce nouveau quasi-contrat de caractériser l'incitation, spontanée et illégitime, à croire aux fausses promesses. Du fait volontaire de la société organisatrice de loteries publicitaires, résulte un engagement qui, conformément à la l'article 1371, va produire des effets contractuels. Cependant, même si la Cour de cassation dans lesdits arrêts insiste sur l'aspect purement volontaire du comportement, à la différence du contrat, dans les quasi-contrats c'est le fait -purement volontaire- et non la volonté juridique qui engage. Le caractère volontaire tient donc beaucoup plus à la spontanéité du comportement qu'à une volonté juridique93(*). Le quasi-contrat ne pourra être retenu que contre les seuls vendeurs n'ayant pas attiré l'attention sur la véritable nature de l'opération : ceux qui n'auront pas mis en évidence l'existence d'un aléa. L'originalité de l'application par la Chambre mixte de l'article 1371 du Code civil aux loteries publicitaires réside dans le fait que dans le nouveau quasi-contrat, à la différence de tous les autres quasi-contrats, résultant de l'application du même article, n'est pas fondé sur l'idée de rééquilibrage, de remboursement d'un avantage procuré indûment94(*). Le fondement commun à tous les quasi-contrats existant jusque là est le principe d'équité visant à empêcher qu'un patrimoine ne s'enrichisse sans contrepartie au détriment d'un autre95(*). Cette application originale de l'article 1371 du Code civil révolutionne la matière de la responsabilité de l'organisateur de loteries commerciales, mais bien plus encore, il remet à neuf une source d'obligation qui est restée pendant longtemps dans l'ombre du contrat et du délit. * 88 Cass. Ch. mixte, 6 septembre 2002, 2 arrêts, Petites Affiches du 24 octobre 2002, n°213 note D. HOUTCIEFF. * 89 D. HOUTCIEFF, Les loteries publicitaires : les promesses engagent aussi ceux qui y laissent croire, op. cit., p. 16. * 90Civ. 1ère, 15 décembre 1998 ; Civ.3ème, 27 septembre 2000 ; Com., 10 octobre 2000 cités par M. GRIDEL, Conclusions ss. Cass. ch. mixte, 6 septembre 2002, 2 arrêts, www.courdecassation.fr, II.B.3.b. * 91 Voir l'arrêt de la Chambre des requêtes du juin 1892 "Boudier", S. 1893, I, 281, note LABBE ( arrêt dit "du marchand d'engrais" ) cité par De GOUTTES, op. cit. II. D. 2. * 92 M. GRIDEL, op. cit. , II. B. 3. b. * 93 D. HOUTCIEFF, op. cit., n° 213. * 94 de GOUTTES, Conclusions ss. Cass. Ch. mixte, 6 septembre 2002, 2 arrêts, www.courdecassation.fr, II. D. 2. * 95 Le principe d'équité a été affirmé par la Cour de cassation française dans un arrêt de 1892. ( Réq., 15 juin 1892, D. 1992, 596, note J. E. LABBE. ) |
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