4.2. IMPLICATIONS DE L'IMPACT DE
LA PEUR SUR LES COMPORTEMENTS SOCIAUX DANGEREUX, RECOMMANDATIONS, PERSPECTIVES
ET LIMITES DE LA RECHERCHE
Chaque recherche menée en
sciences de gestion appliquée devrait revêtir les retombées
sur le plan professionnel et sur le plan scientifique. Aussi, l'impact de la
peur sur les comportements dangereux en communication sociale peut impliquer
d'une part le cercle managérial dans l'élaboration des campagnes
sociales efficaces face à certains phénomènes sociaux, et
d'autre part le cercle scientifique dans la conception des modèles
théoriques tels celui de l'impact de la peur sur la
dépigmentation volontaire de la peau.
ü Implications théoriques
Travailler sur l'impact de la peur en
communication sociale vient répondre à un besoin scientifique qui
est dans un premier temps celui de l'existence d'une littérature
écrite sur l'utilisation de la peur pour la lutte contre le
phénomène de la dépigmentation volontaire de la peau. Des
travaux scientifiques ont été menés sur l'utilisation de
la peur en santé publique pour les phénomènes du tabagisme
(Courbet, 1999 ; Gallopel, 2000 - 2002 ; Conseil anti-tabagisme de
l'Ontario, 2000), de l'alcoolisme (Institut national de la santé et de
la recherche médicale, 2003). Aucun travail n'avait encore
été mené à notre connaissance sur l'utilisation de
la peur en communication sociale préventive en santé de la peau
pour le cas des déviations dans l'utilisation des produits
cosmétiques telle la dépigmentation volontaire.
Nous vivons au Cameroun dans un univers où
l'information et la sensibilisation sont les seules méthodes
utilisées en communication de santé publique; notre recherche
constitue un essai à l'élaboration d'une stratégie de
communication sociale nouvelle pour notre pays. Au-delà des informations
fournies sur l'impact de la peur sur le comportement des consommateurs de
produits dangereux, l'on peut fournir un modèle structurel de l'impact
de la peur sur la dépigmentation volontaire de la peau que les
chercheurs pourront expérimenter, adapter ou mettre en oeuvre dans
d'autres pays touchés par le décapage. Aussi, au regard de ce
modèle qui est scientifiquement acceptable, les chercheurs peuvent avoir
un outil didactique pour appréhender les questions relatives à
l'impact de la peur sur le comportement des consommateurs des produits
cosmétiques éclaircissants.
ü Implications managériales
Au regard des résultats, les acteurs de la
communication sociale peuvent à cet instant maîtriser l'impact de
l'utilisation de la peur dans les campagnes visant à décourager
les mauvais comportements sociaux, dangereux pour les personnes qui s'y
exposent. Dans un pays si exposé aux vices sociaux tel que le Cameroun,
il faut utiliser les « grands moyens » pour voir reculer
certains comportements, voir choquer le public cible, mieux encore,
l'épouvanter devant certains phénomènes. L'étude
menée montre qu'une expérimentation d'une campagne de
communication visant à réduire le décapage ne saurait
produire de bons scores et une meilleure participation de la cible dans la
lutte contre un tel phénomène en temps réel, tant que ce
dernier continuera à être considéré comme une
normalité pour la population cible. L'avancée du décapage
au Cameroun n'est pas le résultat d'une défaillance
communicationnelle. Aussi revient-il aux spécialistes de la
psychosociologie d'essayer de réinventer des concepts et des
stratégies visant à troquer l'importance de la « peau
claire » sur le marché de l'attirance physique au profit de la
« peau ébène » dans les
sociétés noires.
ü Recommandations
Les résultats obtenus lors de l'étude ont
amené aux conclusions selon lesquelles le décapage au Cameroun
est une normalité pour les camerounaises. Bien que conscientes de
quelques effets négatifs de la pratique, nombreuses sont les femmes
prêtes à payer le prix qui pourrait y découler, à
condition d'être un produit qui se vend bien sur le marché de la
beauté et de l'attirance.
Nous recommandons au Ministère de la santé
publique en accord avec l'Etat, d'attaquer ce phénomène dans un
premier temps sur d'autres fronts. Notamment au niveau de la législation
et de la réglementation de certaines activités et pratiques. Il
est suggéré à cet effet :
· Une forte surtaxation sur les importations et les
productions locales des cosmétiques éclaircissants jugées
dangereux pour la santé. Cette action visera à décourager
les acteurs du segment de la cosmétique blanchissante (producteurs et
importateurs, distributeurs et consommateurs).
· La mise sur pied d'un laboratoire national de
contrôle qualité visant à analyser tous les produits
arrivant sur le marché doit être mis sur pied pour sanctionner les
entreprises de production et les importateurs des produits impropres à
la consommation (donc dangereux pour la santé et le bien-être des
consommateurs).
· La dénonciation publique des produits dangereux
via des médias de masse à des heures de grandes écoutes
est aussi une solution pour voir reculer le phénomène du
décapage.
· Des sanctions pénales aux adeptes de la
dépigmentation volontaire comme c'est le cas dans certains pays
africains : Sénégal et Gambie pour ne citer que
ceux-là.
ü Les Limites
Les 2 principales limites qu'a rencontré notre travail
sont l'insuffisance des moyens financiers et l'étroitesse de notre
échantillon.
En effet, une meilleure surface financière nous aurait
permis d'opter pour un échantillon plus vaste, plus
représentatif, plus homogène d'une part, et d'autre part de mener
notre étude à une échelle nationale couvrant au moins les
¾ des provinces du Cameroun où la diversité des moeurs
aurait d'autres implications sur les comportements et les perceptions.
ü Perspectives de la Recherche
Cette étude a essayé de déterminer
l'impact de la peur sur le comportement des consommatrices actuelles et
potentielles des produits éclaircissants dangereux pour la santé.
La connaissance approfondie de la cible et de son comportement aurait
été un atout dans la formulation de la stratégie à
utiliser pour voir le phénomène du décapage reculer. Il
serait judicieux pour les études futures d'étudier en profondeur
le consommateur des cosmétiques éclaircissants et son
comportement.
Dans notre cadre théorique, les auteurs de la
théorie de la consonance et de la dissonance cognitive ont
énoncé que plus l'individu est concerné par le
problème, mieux il réagit de façon positive au message. Ce
qui n'est pas le cas pour le phénomène du décapage au
Cameroun. Notre étude révèle que ce sont les moins
concernés (les non décapées) qui réagissent mieux
au message ; les décapées conscientes de leur mauvais gestes
évitent la question, dénigrent le message, et ne voit pas
l'intérêt d'arrêter de se décaper (contrôle de
la peur), Courbet (1999).
Notre étude étant ponctuelle sur une maigre
période de temps, nous ne pouvions mesurer au fil du temps le poids des
propos de la cible. Aussi souhaitons nous que d'autres travaux soient faits
dans ce sens pour déterminer à long et moyen terme, pour la
dépigmentation volontaire de la peau, le poids de la communication
sociale préventive utilisant la peur.
Il serait enfin judicieux d'envisager d'étudier les
facteurs inhibiteurs de la sensibilité d'une population donnée
face à une campagne de communication sociale utilisant la peur.
Ces nouveaux travaux étant appliqués par
secteur et par pays permettront certainement de mettre sur pied un
modèle robuste et inébranlable de l'impact de la peur sur les
comportements sociaux dangereux au Cameroun.
|