Les résultats de notre étude
suggèrent qu'il y a une étroite relation entre l'estime de soi et
les performances scolaires. En d'autres termes, les élèves qui
réussissent sont ceux qui ont une estime de soi positive, et les
élèves qui échouent sont ceux qui ont une estime de soi
négative.
Ces résultats sont en accord avec les études de
Bloom (1979), Crohn (1983), Gerardi (1990), Briffore et Parsons (1983),
McGuire, Furjioka et McGuire (1979), Wiggins, Schatz et West (1994). Toutes ces
études concluent qu'il existe une relation significative entre concept
de soi et le rendement scolaire.
Les travaux de Alles-Jardel, Metral et Scopelliti (2000)
confirment aussi nos résultats. En effet, elles ont étudié
l'influence des pratiques éducatives parentales et de l'estime de soi
sur la réussite scolaire en classe de sixième. L'étude a
porté sur deux échantillons de 48 élèves et leurs
parents. L'estime de soi a été mesurée grâce au SEI
de Coopersmith. Même si cette étude ait porté sur des
préadolescents, il apparaît que la réussite scolaire est
influencée par le niveau d'estime de soi.
Nous pouvons citer aussi Caille et O'Prey (2006) qui ont
abouti à des résultats similaires aux nôtres. Ils ont
effectué leurs travaux avec des adolescents de 17-18 ans plus
âgés que les nôtres. Ils constatent enfin de compte que si
l'image de soi du jeune est peu influencée par son passé
scolaire, sa réussite ultérieure ne semble pas
indépendante de son degré d'estime de soi.
Enfin, les résultats de Dicko (2006) corroborent les
nôtres. Il porte son attention sur 192 préadolescents en situation
d'échec scolaire, sur l'estime de soi et le support social. A l'aide de
SEI de Coopersmith, il évalue l'estime de soi et aboutit à la
conclusion que l'estime de soi a un impact sur la probabilité
d'échouer.
Par contre, les travaux de Helmke et van Aken (1995), Hoge,
Smit et Crist (1995), Caslyn et Snow (1977), Maruyama, Rubin et kingsburg
(1981), Pottebaum, Keith et Eyly (1986), Scheirer et Kraut (1979) ont abouti
à des résultats qui vont dans le sens contraire des nôtres.
Ils concluent unanimement qu'il n'y a aucun lien apparent entre l'estime de soi
et le rendement scolaire. Cela ne nous étonne pas parce que ces travaux,
essentiellement occidentaux, sont effectués dans des contextes
socioculturels différents des nôtres. Ces contextes influencent
tellement l'estime de soi. Le CPA (1984) le reconnaît lorsqu'il affirme
que l'estime de soi est sensible aux variations personnelles, environnementales
ou sociales. Pour cela, il recommande « la construction de normes
locales et spécifiques adaptées aux diverses populations
étudiées » (CPA, 1984, P.19). C'est pourquoi, nous
avons essayé d'adapter le SEI de Coopersmith avant de le passer à
nos sujets. Ce qui expliquerait cette divergence.
Cependant nous notons que, malgré tout, notre travail
pourrait comporter des limites qui nous empêchent toute
généralisation, avec ferme conviction, nos conclusions. Ces
limites sont liées à la taille de notre échantillon qui
n'est pas extensif et à notre instrument de collecte des données,
le SEI de Coopersmith, qui présente le défaut d'être
bipolaire, ce qui mettait nos sujets dans un embarras de choix.
Malgré ces limites, nous pensons que
l'objectivité de notre travail demeure intacte.
CONCLUSION
L'objectif de notre recherche est de mettre en
évidence l'influence de l'estime de soi sur les performances scolaires.
A cet effet, nous avons administré l'épreuve dite SEI de
Coopersmith et réalisé des entretiens semi-directifs. Le test
statistique (Khi carré corrigé) révèle que nos
résultats sont significatifs, ce qui confirme notre hypothèse.
C'est ainsi qu'à l'aide de la théorie multidimentionnelle et des
réponses recueillies suite à l'entretien, nous avons tenté
d'expliquer comment l'estime de soi joue un rôle important dans les
performances scolaires. Enfin, la confrontation de nos résultats avec
ceux d'autres chercheurs a permis de donner un sens à nos
résultats.
PERSPECTIVES
D'après Seme (2002, P.46), « la science
évolue par rupture épistémologique. Elle ouvre en fait
d'autres horizons sensés déboucher sur d'autres recherches.
» C'est dire que tout travail scientifique n'est jamais définitif.
Il est toujours appelé à être amélioré. Le
nôtre n'est pas du reste.
En effet, notre étude s'est évertuée
à mettre en relation l'estime de soi et les performances scolaires en
considérant celles-ci sous leur aspect global. Elle aurait pu prendre
compte plutôt de l'aspect partiel des performances scolaires
c'est-à-dire les notes dans chacune des matières, les
mathématiques ou le français par exemple, parce que nous pensons
qu'à l'école, le jugement qu'un élève porte sur
lui-même dépend de l'importance accordée aux
différentes matières à la fois par lui-même et par
son entourage. Lorsque le sentiment d'incompétence touche une
matière particulièrement valorisée, les
mathématiques par exemple, l'estime de soi risque d'être
ébranlée.
En plus, si propositions ou mesures pratiques il y a à
faire au terme de ce travail, c'est pour remonter l'estime de soi
négative de ceux qui éprouvent des difficultés
d'apprentissage. Maltais et Herry (1997) estiment que pour le faire, il faut
d'abord avoir de l'intérêt pour le modèle multidimentionnel
du concept de soi, car celui-ci permet de tracer un portrait global du concept
de soi des élèves éprouvant des difficultés
d'apprentissage. Ensuite, on pourrait identifier avec précision les
domaines associés à une perception négative de soi et
mieux cerner les interventions aux plans cognitif, émotionnel et social
afin d'aider ces élèves. Malgré que nous ayons
adopté le modèle multidimentionnel tout au long de notre travail,
nous ne pouvons pas élaborer un tel portrait (parce que ce n'est pas
notre objectif). N'est-ce pas là une autre éventuelle piste de
recherche ?
Par ailleurs, notre étude s'est centrée
à montrer l'importance de l'estime de soi dans les performances
scolaires. Lorsque celle-ci fait défaut (négative),
l'élève est désorienté, désorganisé
et voit ses performances affectées c'est-à-dire réduites.
Que faire alors pour avoir ou maintenir une estime de soi positive, source de
bonnes performances ?
S'inscrivant dans le cadre des recherches appliquées
à l'éducation, nous allons faire des propositions pratiques de
conduites à tenir à tous les partenaires de l'école :
pouvoirs publics, enseignants, parents d'élèves et
élèves eux-mêmes en espérant que les actions
conjuguées de tous contribueront à développer chez les
élèves une bonne estime de soi. Dès lors :
- il va sans dire que le développement de l'estime de
soi des élèves ne peut se concevoir de façon
indépendante du regard que l'enseignant porte sur lui-même. Pour
porter un regard bienveillant et valorisant sur l'autre, il faut tout d'abord
se sentir en confiance avec soi-même afin d'être disponible
psychiquement dans la relation enseignant-enseigné. C'est pourquoi, les
autorités ou pouvoirs publics en charge de l'éducation doivent
créer des conditions qui `'mettent à l'aise'' l'enseignant
à savoir :
· fournir aux enseignants le matériel et le
support moral indispensables pour l'exercice de leur métier,
· reconnaître et valoriser les qualités et
les points forts des enseignants,
· initier régulièrement des rencontres
entre autorités et enseignants où les plaisirs et les
déboires du métier d'enseignant sont discutés,
· créer le poste de psychologue de
l'éducation dans les écoles. Celui-ci pourrait être une
référence pour l'enseignant et les élèves en cas de
difficultés scolaires ou de conflits dans la relation
enseignant-enseigné.
- L'école est source de gratification et de
dépréciation à la fois. C'est un lieu où la
compétition et la comparaison sociale sont très importants et
où l'échec entraîne des souffrances qui ternissent l'estime
de soi. L'enseignant en tant qu'interlocuteur privilégié de
l'enfant joue un rôle stratégique. C'est à lui qu'incombe
la transposition des objectifs scolaires au niveau des activités
quotidiennes et sa gestion sur le plan des interactions
enseignant-enseigné (Jendoubi, 2002). C'est pourquoi nous pensons qu'il
est le mieux placé pour aider l'élève à avoir une
estime de soi positive en adoptant les attitudes suivantes:
· différencier ses actions pédagogiques.
Pour cela, l'enseignant doit identifier les différentes
stratégies d'apprentissage de ses élèves avant de choisir
les mesures pédagogiques adéquates. Il s'agit, en fait, d'adapter
l'enseignement aux caractéristiques individuelles des
élèves.
· reconnaître les erreurs des
élèves. L'erreur est porteuse de signification. Elle renvoie
l'élève à ses capacités, à ses
difficultés, à sa façon de raisonner et d'utiliser ses
connaissances (Guignard, 1988). La psychologie cognitive a montré que
l'erreur, lorsqu'il y a prise de conscience, est génératrice de
progrès. C'est pourquoi l'élève doit se sentir
autorisé à s'aventurer dans des découvertes tout en
sachant que le risque de se tromper est considéré comme partie
intégrante de ce processus et non comme un accident aberrant.
· évaluer dans le but d'adapter l'enseignement
aux différentes caractéristiques des élèves et non
à faire ressortir l'état des connaissances de chaque
élève (évaluation certificative). L'enseignant doit
évaluer pour déterminer ce que l'élève est capable
de faire et non pas seulement ce qu'il ne sait pas et ce sur quoi il peut
s'appuyer pour aller de l'avant. Ainsi, il serait inutile de faire prendre
conscience à l'enfant qu'il a des capacités si l'enseignant ne
lui donne pas l'occasion de vivre de petites réussites ou des
succès dans ses activités. Puisque, dès qu'il vit une
réussite, cela lui procure un sentiment de fierté et
d'efficacité qui se transforme en une estime de soi positive (Duclos,
1997). Ainsi va la dynamique de l'apprentissage au coeur duquel l'estime de soi
est le pilier de base.
Pour Graner (2003), l'enseignant doit adopter ce qu'il appelle
`'une attitude authentique pédagogique'' : ne pas oublier de
souligner ce qui va bien sans jamais considérer que cela va de soi, au
lieu de toujours souligner de qui va mal.
· développer la communication et la
socialisation. Aujourd'hui, un bon élève ne doit pas seulement
réussir dans les matières scolaires, mais également dans
le domaine social en étant sociable, bien intégré dans sa
classe et sachant gérer ses conflits avec ses pairs. Encourager les
échanges entre les élèves et les activités en
groupes devient une priorité au même titre que l'apprentissage de
la grammaire ou des mathématiques. Mettre les élèves en
situation leur permet de préciser leurs pensées, leurs questions
et leur point de vue, les amène à se confronter à l'autre,
différent de soi. Apprendre à travailler en groupe, c'est d'abord
se forger son identité personnelle et sociale, tout en
développant le sens des valeurs telles que le respect mutuel, la
tolérance, l'esprit de solidarité et de collaboration. Se sentir
reconnu dans son identité ne peut qu'augmenter la confiance en soi des
adolescents qui auraient tendance à se sentir humiliés et exclus
à cause de leur différence.
· éviter au maximum les punitions et promouvoir
les éloges. Depuis les travaux des béhavioristes, nous savons que
les punitions sont moins efficaces que les récompenses et
féliciter les élèves peut aider à la construction
de leur estime d'eux-mêmes et à l'établissement de
relations amicales entre eux. Nous savons également, avec les
cognitivistes que les corrélations entre l'emploi des éloges et
les gains d'apprentissage sont faibles et vont dans plusieurs directions. Les
éloges seraient efficaces lorsqu'ils sont spécifiques
plutôt que globaux, s'ils sont utilisés avec les
élèves dépendants et anxieux, s'ils sont donnés en
privé plutôt qu'en public, s'ils ne sont pas fréquents,
s'ils sont crédibles et s'ils sont liés au contexte.
- Selon Coopersmith (1967), la qualité de la relation
parent-enfant a des conséquences directes sur l'estime de soi.
Dès lors, les comportements des adultes (parents) sont les tous premiers
facteurs qui influencent l'estime de soi des adolescents. Les adolescents qui
jouissent d'un attachement sécurisant sont mieux en mesure de
développer une bonne estime de soi, l'autonomie, et la
débrouillardise. Par contre, les adolescents qui n'ont pas un
attachement sécurisant de leurs parents ont plus le risque de
développer de la dépendance affective. Leurs interactions avec
les parents étant moins positives et moins chaleureuses. Outre fournir
aux adolescents un attachement sécurisant, les parents doivent :
· respecter les adolescents,
· valoriser, lorsqu'elles sont manifestées, les
attitudes positives de l'adolescent : effort, courage,
ténacité, créativité, coopération,
· répondre fiablement aux besoins de
l'adolescent,
· valoriser les succès et les forces de
l'adolescent,
· soutenir l'adolescent dans ses difficultés et
dans sa recherche de solutions,
· employer un langage positif et valorisant,
· manifester de l'intérêt pour le travail
scolaire de l'adolescent,
· accepter ses erreurs,
· valoriser leurs initiatives et leur
créativité,
· définir des règles de vie de la famille
claires, constantes, et sécurisantes en collaboration avec
l'adolescent,
· faire vivre à l'adolescent des
conséquences logiques suite aux manquements de ces règles.
- L'estime de soi est une attitude intérieure
basée sur la perception de soi-même et celle que l'environnement
reflète. C'est cette petite flamme qui brille à
l'intérieur de soi lorsque l'on est fier de soi. L'estime de soi, c'est
croire en sa valeur propre, à son droit à l'amitié,
à l'amour et au bonheur. Elle influence toute la vie : les
pensés, les actions et les sentiments. S'estimer, c'est prendre
conscience de son unité pour avoir des relations plus harmonieuses et
positives avec autrui. L'adolescent n'est pas du reste. C'est pourquoi, il
doit :
· reconnaître ses propres qualités et ses
limites, être réaliste, s'accepter et s'apprécier comme il
est,
· reconnaître que l'on est digne d'être
aimé pour ce que l'on est : un être humain qui fait de son
mieux avec les capacités et les limites qu'il a,
· éviter de transformer chaque erreur en
défaut,
· éviter de ruminer ses défauts, ses
faiblesses et ses erreurs. Ce sont des pensées qui empoisonnent la vie
et détruisent l'estime de soi,
· ne pas avoir des préjugés
défavorables envers soi-même. Il ne faut pas se dénigrer.
Garder l'esprit ouvert,
· ne pas se sacrifier dans le but de plaire à
tous et en tout temps, cela est impossible et n'est pas nécessaire,
· ne se sentir responsable que pour des choses sur
lesquelles l'on a un certain contrôle, se traiter comme un ami, se faire
plaisir.
A tout un chacun des acteurs de l'éducation
susmentionnés, nous tenons à préciser que toutes les
propositions faites ne constituent pas des formules magiques efficaces
instantanément. C'est par un apprentissage quotidien que chacun pourra
intégrer, dans ses objectifs, ces moyens et attitudes indispensables
à l'émergence d'une estime de soi positive chez les adolescents.
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BIBLIOGRAPHIE
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