C- INSTRUMENTS DE LA RECHERCHE
Les études effectuées dans le domaine des
sciences humaines sont complexes et donc difficiles à cerner. Cette
complexité est liée à leur objet d'étude. En effet,
dans ce domaine et particulièrement en psychologie où le
psychologue doit examiner son semblable, il se pose le problème
d'objectivité d'une telle démarche. Pour palier cette
difficulté, les psychométriciens ont introduit dans ces
recherches des instruments de mesure qui sont fonction des
caractéristiques des sujets étudiés et de l'objectif du
chercheur. Ainsi, pour examiner la relation qui pourrait exister entre l'estime
de soi et les performances scolaires, nous avons recours à des
instruments de mesure. Il s'agit des instruments qui permettent
d'évaluer l'estime de soi, variable psychologique et ses
différentes modalités. Dans cette partie, nous allons
décrire les instruments utilisés pour recueillir nos
données.
1- L'EPREUVE PSYCHOLOGIQUE
Une épreuve psychologique est une épreuve qui
mesure une fonction psychologique. En général, elle permet de
quantifier cette fonction afin d'exprimer sa contribution dans la
réalisation des tâches sous-tendues par celle-ci. Ainsi, l'estime
de soi est une fonction psychologique qu'on peut évaluer à
travers des tests psychologiques. Ces tests sont des tâches dont la
réalisation traduit la manifestation de cette fonction.
La subjectivité est un élément important
dans l'estime de soi, ce qui rend ce concept d'autant plus complexe et son
observation et sa mesure plus délicates.
L'étude de la littérature, concernant les
différents instruments de mesure du concept de soi, laisse
apparaître que les questionnaires sont des instruments les plus
fréquemment employés. Ces questionnaires déterminent le
degré de satisfaction de soi de façon générale
(questionnaire de Coopersmith) ou en fonction des compétences
spécifiques (questionnaire de Harter). C'est donc dire que mesurer
l'estime de soi revient ou à mesurer l'estime de soi globale ou à
prendre en compte l'aspect multidimensionnel en découpant en domaines.
Selon Tap (1998, P.27), « la personne a des identités
multiples, chacune associée à un rôle (de sexe,
d'âge, scolaire, familial, professionnel) à des pratiques et des
lieux de vie. » Harter (cité par Pierrehumbert, 1992, P.181)
adopte à peu près ce point de vue lorsqu'elle déclare
que : « l'estime de soi ne constitue pas un objet psychologique
unique : ce concept renverrait au contraire à une
multiplicité de perceptions, relatives à différents
domaines de l'expérience quotidienne, où l'individu est
confronté à ses propres capacités, ses propres
compétences d'où la notion de SPP : Self Perception
Profile. »
Ce qui est mis en question dans la mesure de l'estime de soi,
concerne l'honnêteté de l'individu qui s'évalue en fonction
du contexte dans lequel intervient cette mesure : qui fait passer ce
questionnaire ? Dans quel lieu cela se déroule-t-il ? Peut-on
considérer les résultats d'une telle introspection comme
fiables ? Il paraît très évident à
Pierrehumbert (1992, P.182) de poser ces inquiétudes,
car : « il faut reconnaître qu'il est difficile de
savoir si l'enfant exprime, au travers de ces questionnaires, ce qu'il ressent
vraiment sans qu'un désir d'apparaître favorablement aux autres ne
vienne biaiser ses réponses. » Ainsi se pose le problème de
désirabilité sociale (tendance à adopter, en
présence des autres, les comportements supposés conformes
à leur attente). Face à ce problème, Pierrehumbert (1987,
P.300) pense que : « l'estime de soi évaluée par
un questionnaire consiste avant tout en une image, image que le sujet veut bien
présenter aux autres, probablement en compromis avec les sentiments plus
intimes, et qui échappent au questionnaire. Mais elle est malgré
tout, une image et à ce titre, avec toutes les précautions qui
s'imposent, elle mérite un examen critique. »
Toutes ces observations parce que « nous admettons
[...] et il est important de le noter avant d'examiner les données, que
ce type de questionnaire pose des problèmes de
méthodes » (Pierrehumbert, 1992, P.182).
Quant à nous, nous privilégions un instrument
anglo-saxon traduit, adapté puis validé par le Centre de
Psychologie Appliquée (CPA), puisqu'il fait une grande place au domaine
scolaire. Il s'agit de l'Inventaire de l'Estime de soi de Coopersmith (SEI). Ce
choix est motivé par le fait que le SEI est une mesure directe dont la
fidélité et la validité ont été
testées sur des enfants et adolescents français de 12 à 24
ans. Elle est, eu égard aux résultats déjà
recueillis, particulièrement adapté aux études de l'estime
de soi à l'école. En plus, cette échelle a
été élaborée pour comparer des individus selon
leurs expériences, leur sexe et les aspects fixant les rôles
sociaux. Vu la construction et les items qui la composent, elle peut être
appliquée à n'importe quelle population scolaire, quitte à
en dégager des tendances qui lui sont propres. Enfin, les
résultats à cette échelle peuvent être
appréciés en termes d'estime de soi valorisée ou
dévalorisée, car nous avons des items négatifs et des
items positifs.
1.1- DESCRIPTION DE L'INVENTAIRE D'ESTIME DE SOI DE
COOPERSMITH (LE SEI)
Le SEI s'inscrit dans le souci actuel d'approfondir les
recherches concernant la structure et le développement de la
personnalité, la crédibilité, le fonctionnement cognitif
et les comparaisons entre les groupes sociaux ou spécifiques. Ainsi, on
pourrait, par exemple, mieux comprendre les attitudes ou les conduites
passagères ou permanentes adoptées par les individus dans
diverses situations.
Selon Coopersmith (cité par le CPA, 1984, P.10)
« le terme estime de soi renvoie au jugement que les individus
portent sur eux-mêmes, quelles que soient les circonstances. C'est, en ce
sens, une expression de l'assurance avec laquelle un individu croit en ses
capacités de réussite, en sa valeur sociale et personnelle, qui
se traduit par les attitudes adoptées face à des situations de la
vie courante (vie sociale, familiale et professionnelle). »
Le SEI a donc été élaboré pour
fournir une mesure fidèle et valide de l'estime de soi. Il comprend deux
formes : la forme adulte et la forme scolaire.
La forme adulte s'applique à des personnes
insérées dans la vie professionnelle, sociale et familiale qui
est habituellement celle de l'adulte.
La forme scolaire s'applique à des enfants et
adolescents scolarisés. C'est elle que nous avons retenue pour le
présent travail.
Elle comprend deux parties :
- la partie (I) : le sujet fournit les informations
relatives à son nom, prénoms, âge, sexe, classe, nom,
à la profession du père, de la mère ou du tuteur et
l'adresse de l'établissement fréquenté puis la date de
l'examen.
- la partie (II) comprend les items qui sont au nombre de
cinquante huit items, décrivant des sentiments, des opinions ou des
réactions d'ordre individuel, auxquels le sujet doit répondre en
cochant une case : `'Me ressemble'' ou `'Ne me ressemble pas''.
C'est donc une échelle bipolaire dont la composition
est la suivante :
- Echelle générale ou personnelle : 26
items.
(Items n° 1, 3, 4, 7, 10, 12, 13, 15, 18, 19, 24,
25, 27, 30, 31, 34, 35, 38, 39, 43, 47, 48, 51, 55, 56, 57)
- Echelle sociale: 8 items.
(Items n° 5, 8, 14, 21, 28, 40, 49, 52)
- Echelle scolaire : 8 items.
(Items n° 2, 17, 23, 33, 37, 42, 46, 54)
- Echelle de mensonge : 8 items.
(Items n° 26, 32, 36, 41, 45, 50, 53, 58)
Les notes aux différentes sous-échelles, ainsi
que la note totale permettent d'apprécier dans quel domaine et dans
quelle mesure les sujets ont une image positive d'eux-mêmes.
1.2- ADMINISTRATION ET CORRECTION DU
SEI
L'administration du SEI peut être individuelle ou
collective. En tenant compte du nombre important de sujets, mais surtout du
fait que les items font appel à des réponses strictement
personnelles qui sont difficilement influençables, nous optons pour
l'administration collective pour gagner du temps. La forme scolaire du SEI que
nous avons adoptée s'applique aux enfants et adolescents
scolarisés de 8 ans et plus. Comme le CPA (1984, P.19) reconnaît
que « la grande sensibilité de l'estime de soi aux variations
personnelle, environnementale ou sociale conduit à recommander la
construction de normes locales et spécifiques adaptées aux
diverses populations », nous avons tenu à adapter et valider
le SEI avant de l'appliquer à notre population. Au cours de la
pré-enquête pouvant nous permettre d'adapter le SEI, nous nous
sommes rendu compte que nos sujets mettaient 25-30 minutes pour répondre
aux items au lieu de dix minutes comme le prévoit le CPA (1984). En
plus, des mots tels que `' contrarié, intimider, harceler,
rêvasser'' ont paru difficiles à nos sujets. Pour remédier
à ces problèmes, nous avons pris soin d'écrire
l'explication de chacun de ces mots au tableau et de prendre une durée
de trente minutes pour l'administration, d'autant plus qu'il s'agit de comparer
seulement entre eux nos sujets.
Le SEI se corrige rapidement à l'aide d'une grille de
correction en comptant un point par croix apparaissant à travers les
repères. Les notes ainsi obtenues sont inscrites sur la feuille de
réponse. La note totale d'estime de soi s'obtient en sommant les notes
aux quatre échelles : Générale, Familial, Social,
Scolaire. La note à l'échelle de mensonge n'entre pas dans le
total. Une note élevée à cette échelle peut
simplement indiquer une attitude défensive vis-à-vis du test, ou
un désir manifeste de donner une bonne image de soi.
L'interprétation de la note totale d'estime de soi devra donc être
modulée selon le résultat obtenu à cette échelle.
Notons que la note maximum est de 26 pour l'échelle
Générale, de 8 pour les autres échelles. Elle est de 50
pour la note totale d'estime de soi.
Le CPA (1984) recommande qu'une note totale de dix huit au
moins pour les scolaires soit considérée comme une estime de soi
basse.
2- L'ENTRETIEN
Matalon (1998) distingue les entretiens selon le
caractère plus ou moins directif, du mode d'intervention du chercheur.
Cet auteur met en évidence trois niveaux de directivité que sont
l'entretien non directif, l'entretien semi-directif et l'entretien directif.
L'entretien non directif se caractérise par le fait
d'être une approche qui accorde une certaine liberté au sujet.
L'interviewer ne dirige pas l'entretien. C'est l'interviewé qui, compte
tenu de la liberté de ses réponses, `'mène'' le
débat. La technique d'entretien non directif va donc consister à
relancer la conversation à partir des déclarations faites par
l'interviewé, et en évitant d'introduire des
éléments extérieurs au débat. L'interviewer
évitera de se prononcer sur les dires de l'interviewé. Toutefois,
sa réalisation engendre le plus souvent le problème de perception
sélective et l'erreur de substitution. Cela voudrait dire que le
chercheur a du mal à sélectionner les éléments
pertinents pour son étude ; compte tenu de l'importance des
informations qui sont débitées par l'enquêté
à tel point que des confusions pourraient naître dans son esprit.
L'entretien non directif n'est pas standardisé et exige une analyse de
contenu qui nécessite une bonne maîtrise de la technique.
En ce qui concerne l'entretien directif, les thèmes
à aborder, leur succession et l'énonciation des réponses
sont définis par le chercheur. Celui-ci offre l'avantage d'être
invariable ou standardisé. Les sujets sont placés dans les
mêmes conditions. Mais, plusieurs éléments peuvent entacher
la crédibilité de cet entretien : les préjugés
du chercheur avant l'interview, l'effet de halo, les erreurs d'estimation et de
sous-estimation (pas assez d'importance à un élément), les
erreurs de surestimation (trop d'importance à un élément),
les erreurs de transposition de l'expérience du chercheur vers celles de
l'interviewé.
Enfin, l'entretien semi-directif est une des techniques qui
permet de centrer le discours des personnes interrogées autour de
différents thèmes définis au préalable par
l'interviewer et consignés dans un guide d'entretien. Ce type
d'entretien permet de compléter les résultats obtenus par un
sondage quantitatif en apportant une richesse et une précision plus
grandes dans les informations recueillies, grâce notamment à la
puissance évocatrice des citations et aux possibilités de
relance et d'interaction dans la communication entre interviewé et
interviewer. Sans pouvoir chiffrer précisément dans quelles
proportions tel jugement ou telle manière de vivre et de s'approprier un
espace se répète, l'entretien semi-directif révèle
souvent l'existence de discours et de représentations
profondément inscrits dans l'esprit des personnes interrogées et
qui ne peuvent que rarement s'exprimer à travers un questionnaire. Les
questions restent ouvertes et les réponses libres.
Quels que soient les efforts pour obtenir une mesure fiable de
l'estime de soi, Lamia (1998, P.113) souhaite qu'elle soit
complétée par des « interviews individuelles de type
semi-directif ». C'est pourquoi nous avons opté, pour
compléter les données recueillies à l'aide du SEI, de
réaliser des entretiens semi-directifs. A cet effet, nous avons
élaboré un guide d'entretien semi-directif que nous allons
soumettre à chacun des sujets de notre population.
Le SEI est un questionnaire. Or l'entretien semi-directif a
des objectifs similaires à ceux du questionnaire. C'est ainsi que, par
exemple, si le SEI vise à appréhender l'estime de soi, le guide
d'entretien, dans le cadre de notre travail, ne saurait s'éloigner de
cet objectif. Par conséquent, l'essentiel de l'ossature du SEI devrait
être identique à celui du guide. Ainsi pour élaborer notre
guide, les domaines de définition de l'estime de soi selon le CPA (1984)
à savoir domaines Général, familial, Social et Ecole et
leurs indicateurs ont été retenus d'une part et d'autre part,
nous nous sommes inspiré des items du SEI pour poser des questions
ouvertes. Questions ouvertes parce que non seulement elles constituent le
fondement d'un guide d'entretien semi-directif, mais aussi parce qu'elles
permettent à nos sujets de s'expliquer, d'argumenter autour des
assertions pour lesquelles il fallait effectuer un choix forcé entre
deux réponses (Me ressemble - Ne me ressemble pas). Le choix de poser
telle ou telle question plutôt que telle ou telle autre est
délibéré car toutes les questions s'équivalent au
sein du SEI.
Pour réaliser l'entretien, nous allons rencontrer les
élèves de notre échantillon selon leur
disponibilité un à un. Etant donné que les
témoignages par entretien sont la contrepartie nécessaire
à une enquête de type quantitatif (questionnaire, données
statistiques...) et qu'ils permettent d'illustrer des résultats
chiffrés, de les rendre vivants ou de les nuancer (Romuald, 2007), les
réponses recueillies seront exploitées dans l'analyse et
l'interprétation de nos résultats
D- PROCEDURE DE RECUEIL DES DONNEES
Dans la présente partie, nous exposons les
étapes qui nous permettent d'aboutir à la collecte des
données tout en tenant compte de l'objectif poursuivi.
Pour la collecte des données, les exigences de notre
variable indépendante nous ont amené à retenir les
adolescents de 14 -16 ans de toutes les catégories
socio-professionnelles. En vue d'obtenir les sujets sur la base de ces
critères, nous administrerons d'abord l'Inventaire de l'Estime de soi de
Coopersmith en réunissant tous les élèves de notre
échantillon dans une salle de classe du Collège St Albert.
Ensuite, nous organiserons l'entretien semi-dirigé avec chacun des
élèves en les recevant individuellement quelques jours
après l'administration du SEI, et ceci en fonction de la
disponibilité de ces élèves. Grâce à ces deux
étapes, nous pouvons disposer de deux groupes : l'un
présentant l'estime de soi positive et l'autre l'estime de soi
négative. Après les compositions du deuxième trimestre,
nous allons nous référer au bulletin de notes individuel de
chaque élève pour recueillir la moyenne du trimestre.
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