III. Les nouvelles théories de la croissance et leur
remise en causes :
Les théories récentes cherchent
précisément à rendre ce facteur endogène
-c'est-à-dire à construire des modèles qui expliquent son
apparition. Ces modèles ont été développés
à partir de la fin des années 1970 notamment par Paul Romer et
Robert Barro. Ils se fondent sur l'hypothèse que la croissance
génère par elle-même le progrès technique. Ainsi, il
n'y a plus de fatalité des rendements décroissants : la
croissance engendre un progrès technique qui permet que ces rendements
demeurent constants. La croissance, si elle génère du
progrès technique, n'a donc plus de limite. À travers le
progrès technique, la croissance constitue un processus qui s'auto
entretient.
Ces modèles expliquent que la croissance engendre du
progrès technique par trois grands mécanismes.
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Premièrement, le « learning by
doing » : plus on produit, plus on apprend à produire de
manière efficace. En produisant, on acquiert en particulier de
l'expérience, qui accroît la productivité.
· Deuxièmement, la croissance favorise
l'accumulation du capital humain, c'est à dire les compétences
possédées par la main d'oeuvre et dont dépend sa
productivité. En effet, plus la croissance est forte, plus il est
possible d'accroître le niveau d'instruction de la main d'oeuvre, en
investissant notamment dans le système éducatif. D'une
manière générale, la hausse du niveau d'éducation
de la population par des moyens publics ou privés est
bénéfique.
· Troisièmement, la croissance permet de financer
des infrastructures (publiques ou privées) qui la stimulent. La
création de réseaux de communication efficaces favorise, par
exemple, l'activité productive.
« La principale des conclusions de ces nouvelles
théories est qu'alors même qu'elles donnent un poids important aux
mécanismes de marché, elles en indiquent nettement les limites.
Ainsi il y a souvent nécessité de créer des arrangements
en dehors du marché concurrentiel, ce qui peut impliquer une
intervention active de l'Etat dans la sphère
économique ». En particulier ce « retour de
l'État » se traduit par le fait qu'il est investi d'un triple
rôle : encourager les innovations en créant un cadre apte
à coordonner les externalités qui découlent de toute
innovation (par exemple grâce à la protection qu'offre aux
innovateurs les brevets) ; susciter celles-ci en investissant dans la
recherche (notamment fondamentale) et les infrastructures dont les
externalités dépassent le profit que peuvent en attendre les
acteurs privés ; améliorer le capital humain en investissant
dans le système éducatif. D'une manière
générale, c'est le rôle des politiques structurales de
l'État, en particulier les investissements dans le capital public, qui
est ainsi souligné.
Nous pouvons donc retenir que les premiers articles sont de
P.Romer (1986) et R.Lucas (1988) : la théorie de la croissance
endogène est née. L'ambition d'une telle théorie est de
rendre compte du facteur A qui, dans les théories traditionnelles,
représentait le niveau technologique.(Y=f(K,L,A)). Un premier groupe de
travaux, à la suite de Romer (1986), cherche le moteur de la croissance
dans le phénomène d'apprentissage par l'expérience (
"learning by doing" ), à l'intérieur des entreprises.
Une deuxième est ouverte par Lucas (1988), et
privilégie l'accumulation de capital humain au sein du système
éducatif. Enfin, Romer (1990) et Aghion-Howitt (1992) font de A un stock
d'innovations, produit d'une activité volontaire de
recherche-développement.
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Ces modèles sont toutefois très frustres en ce
qu'ils n'expliquent pas les mécanismes précis qui font que la
croissance économique stimule le progrès technique. En
particulier, chacun des modèles de ces théories ne s'attache
qu'à un seul mécanisme liant progrès technique et
croissance. Comme le notent Gallec et Ralle, « Le modèle
général recouvrant l'ensemble des formes du progrès
technique est sans doute trop complexe pour être élaboré,
ce qui limite la portée des résultats obtenus puisque les
interactions entre plusieurs formes existantes sont
ignorées ».
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