Section II : Les
déterminants de la croissance malienne :
On peut distinguer plusieurs types de déterminants
à la croissance[] : richesses naturelles, environnement
extérieur, population, innovation, investissement, connaissance,
cohérence du développement.
Xavier Sala-i-Martin avance par ailleurs que le niveau initial
est la variable la plus importante et la plus robuste (C'est-à-dire que,
dans la plupart des cas, plus un pays est riche, moins il croît vite.
Cette hypothèse est connue sous le nom de convergence conditionnelle).
Il considère également que la taille du
gouvernement (administration, secteur public) n'a que peu d'importance. Par
contre la qualité du gouvernement a beaucoup d'importance : les
gouvernements qui causent l'hyperinflation, la distorsion des taux de change,
des déficits excessifs ou une bureaucratie inefficace ont de très
mauvais résultats. Il ajoute également que les économies
plus ouvertes tendent à croître plus vite. Enfin, l'efficience des
institutions est très importante : des marchés efficients,
la reconnaissance de la propriété privée et l'état
de droit sont essentiels à la croissance économique. Il rejoint
en cela les conclusions d'Hernando de Soto[].
Se fondant sur plusieurs indices de liberté
économique, la revue Sociétal arrivait à la même
conclusion et écrivait en 2003 que « Les facteurs les plus
étroitement corrélés avec la prospérité sont
ceux qui garantissent un état de droit : droits de
propriété, absence de corruption, système juridique
efficace. »
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L'objectif est maintenant de dégager de manière
quantitative les déterminants de la croissance. Nous allons examiner
successivement le modèle, les variables retenues.
I. Le Modèle :
La variable expliquée est le taux de croissance du
produit intérieur brut réel par tête.
Pourquoi a-t-on privilégié cette variable
plutôt que le produit en niveau ? La réponse est double. D'une
part, sur le plan théorique, les modèles de croissance
malgré leurs diversités conduisent à expliquer le taux de
croissance et non le niveau du produit par tête. D'autre part, d'un point
de vue économétrique, retenir une variable en taux de croissance
plutôt qu'en niveau permet d'écarter les difficultés de
traitement des données liées à la non-stationnarité
des variables, à savoir la présence dans ces variables de
tendances déterministe ou stochastique qui sont sources de
régressions artificielles. Il est vrai que l'économètre
dispose des techniques de co-intégration. Cependant, celles-ci ont
été surtout développées pour des séries
purement temporelles.
Le cadre retenu pour expliquer le taux de croissance du
produit conduit à distinguer deux sortes de variables explicatives.
D'une part, le niveau initial des variables d'état et
deuxièmement des variables de contrôle. Quelques mots
d'explication sont ici nécessaires.
Toutes ces variables sont issues de la théorie
néo-classique de la croissance. Les modèles de croissance
néo-classiques prédisent, toutes choses égales par
ailleurs, que les pays tendent à croître plus lentement lorsque
les stocks initiaux de capital physique et de capital humain par tête
sont plus importants. Ce résultat est la conséquence de
l'hypothèse des rendements décroissants des facteurs. Ces
variables de capital sont désignées sous le nom de variables
d'état.
Les modèles néo-classiques de croissance ont une
autre implication : à savoir la convergence du produit par tête
vers une valeur désignée sous le nom d'état
régulier de l'économie. Asymptotiquement, dans l'hypothèse
d'un progrès technique considéré comme exogène, le
taux de croissance du produit par tête doit donc être égal
au taux de progrès technique de l'économie. On peut
récapituler ces deux implications dans la proposition suivante : le taux
de croissance du produit par tête décroît au fur et
à mesure que les économies se rapprochent de l'état
régulier. Autrement dit, les économies convergent vers
l'état régulier.
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Cependant, l'état régulier de l'économie
n'est pas donné une fois pour toutes. Il peut être
influencé par différents facteurs. Ainsi, considérons une
même économie à deux instants différents du temps t
et t+1. Selon l'hypothèse de convergence, le taux de croissance de cette
économie est d'autant plus élevé que le produit par
tête initial est faible, c'est-à-dire à la date la plus
éloignée dans le temps (t). Mais, si, par exemple, le taux
d'investissement est plus élevé en t+1, alors le taux de
croissance de l'économie en t+1 sera plus élevé que le
taux de croissance de l'économie en t. Que s'est-il passé ?
L'élévation du taux d'investissement a accru le produit par
tête de l'état régulier, c'est dire que l'état
régulier s'est déplacé. Dans ce cas, l'économie en
t+1 se trouve proportionnellement plus éloignée de l'état
régulier qu'elle ne l'était en t. Elle doit donc croître
plus vite.
Les variables de contrôle qui déterminent la
position de l'état régulier et permettent donc de tenir compte
des évolutions temporelles, mais également des différences
de position des états réguliers entre les économies,
sont de deux types. D'une part les variables d'environnement et d'autre part
les variables de politique économique.
Dans la première catégorie, on met l'ensemble
des variables qui échappent à l'influence de la politique
économique du pays. Il s'agit bien évidemment de
l'évolution climatique, mais également de l'environnement
économique international, de l'environnement politique intérieur
et de l'environnement démographique. Dans la seconde catégorie
figure l'ensemble des politiques gouvernementales macro-économiques et
sectorielles.
Dans les modèles néo-classiques, les variables
de contrôle agissent seulement sur la position de l'état
régulier des économies et donc sur le produit par tête de
l'état régulier. C'est dire que les variables de contrôle
influencent le taux de croissance seulement pendant la phase de transition vers
l'état régulier et non sur le taux de croissance de l'état
régulier qui est exogène. Ne s'agit-il pas d'une limite
sérieuse pour étudier les déterminants de la croissance en
longue période ? La réponse est paradoxalement négative.
En effet, il est vraisemblable que quand l'état régulier change,
les variables ne s'ajustent que lentement à la nouvelle position. Par
conséquent, une modification dans les variables de contrôle peut
agir pendant un temps assez long sur le taux de croissance.
En bref, le modèle estimé est le suivant :
Yit = g(Kit-1, Hit-1, Eit, Pit)
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Où Yit représente le taux de croissance du
produit par tête du pays i entre t-1 et t, Kit-1 le stock de capital
physique par tête en t-1, Hit-1 le stock de capital humain en t-1, Eit
les variables d'environnement en t et Pit les variables de politique
économique en t. Cette équation est celle retenue par exemple par
Barro et Sala-I-Martin (1996)
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