II. L'influence des
Migrations régionales et de l'intégration
sous-régionale :
Ø L'influence des migrations
régionales :
Les flux migratoires à destination de l'étranger
sont difficiles à saisir directement. De 3 à 5 millions de
maliens vivraient hors de leur pays (Gubert, 1998). 96 % d'entre eux ont
émigré vers des pays africains, dont une grande partie vers le
Sénégal et la Côte d'Ivoire (plus d'un million). Le premier
pays de destination hors Afrique est la France avec plus de 50 000
résidents maliens (Schneider et Libercier, 1995). La France accueille
donc une population limitée de travailleurs maliens mais ces derniers
réalisent des transferts unitaires particulièrement importants.
Aussi, l'essentiel des transferts est issu des travailleurs maliens
émigrés en France. On peut avoir une évaluation de
l'impact des migrations sur l'économie malienne en étudiant les
statistiques des transferts financiers des travailleurs (graphique 16).
57
Il faut signaler a ce niveau que statistiques ne tiennent pas
compte des transferts informels qui sont néanmoins importants (16,5
milliards de F.CFA entre 1993 et 1994, selon l'enquête malienne
économique et sociale). Le ratio des transferts ne montre pas une
évolution très nette sur l'ensemble de la période. On
constate essentiellement une grande irrégularité.
Graphique 12 : Evolution
du ratio des transferts privés nets des travailleurs en % du PIB (1970 -
1997)
Source : BCEAO.
Les effets de la migration internationale sur les zones de
départ sont triples. La migration entraîne pour le Mali une perte
de main d'oeuvre qui peut être dommageable pour la production notamment
en raison des tensions sur le marché du travail observées en
période de pointes.
Les travailleurs transfèrent des ressources vers leur
pays d'origine. L'analyse est alors identique à celle de l'aide. Les
transferts permettent un accroissement de revenu et donc de bien-être.
Mais, rien n'assure qu'au Mali ces transferts permettent une augmentation de
l'investissement. C'est dire qu'en fonction de la structure de
préférence des maliens, ces transferts peuvent être plus un
substitut qu'un complément à l'épargne
intérieure.
58
Les travailleurs acquièrent des connaissances dont ils
font profiter, lors de leur retour, leurs compatriotes (externalité
technologique). Cet effet est indéniablement positif mais limité
dans la mesure où l'émigration internationale malienne concerne
des emplois peu qualifiés.
Ø Intégration régionale et
croissance :
En Afrique de l'Ouest la conjoncture économique de la
Côte d'Ivoire agit sur l'évolution économique de l'ensemble
des pays de la sous-région. Dans le cas du Mali, un test de
causalité de Granger met en évidence une
antériorité de la conjoncture ivoirienne sur la conjoncture
malienne qui peut être l'indice d'une causalité. Jusqu'à la
fin des années soixante-dix, la Côte d'Ivoire a
réalisé des taux de croissance économique remarquables
(graphique 17). On constate un effondrement des taux de croissance ivoirienne
à la fin des années soixante dix. Pendant la décennie
quatre-vingt, le taux de croissance du produit par tête est
négatif .La reprise est manifeste à partir de 1994.
La conjoncture du Sénégal, partenaire
économique important du Mali, a été marquée par une
forte instabilité du taux de croissance de 1965 à 1985
(graphique 18). A partir de 1985, le taux de croissance du
Sénégal se stabilise à un faible niveau. Une reprise
sensible intervient seulement en 1994 avec le changement de parité du
franc CFA.
59
Graphique 13 : Taux de croissance du produit
réel de la Côte d'Ivoire et du Mali en % (1960- 1997)
Source : Banque Mondiale, World Tables.
Graphique 14 : Taux de
croissance du produit réel du Sénégal et du
Mali
60
Source : Banque Mondiale, World Tables. Sénégal
Mali
Les économies ivoirienne et sénégalaise
peuvent affecter l'économie du Mali en suscitant des effets d'imitation
dans les choix de politiques économiques. Naturellement lorsqu'un pays
choisit une politique économique efficace, il a tendance à
être imité. Cet effet d'imitation est d'autant plus évident
actuellement que les pays ouest africains ont participé depuis
longtemps à des expériences d'intégration
régionale notamment dans le cadre de la CEDEAO et de la CEAO.
Actuellement la politique d'intégration régionale connaît
un nouveau développement avec les accords de l'UEMOA (Union Economique
et Monétaire Ouest Africaine). Une des dimensions essentielles de
l'Union est l'adoption d'une politique commerciale commune à travers
l'instauration d'un tarif extérieur commun et d'une
libéralisation régionale des échanges. Un autre aspect
est la convergence des politiques budgétaires.
Mais il est possible, qu'à certaines périodes,
l'effet d'imitation ait joué d'une manière négative.
Ainsi, les politiques de protection des pays voisins, notamment de la
Côte d'Ivoire et du Sénégal, ont pu conforter la forte
protection mise en place par le Mali. De même, la faible
rémunération des producteurs agricoles de coton a aussi
été facilitée par des pratiques identiques de pays
voisins. Cet effet paradoxal s'explique aisément dans le cadre de la
théorie des choix publics qui met l'accent sur l'importance des
comportements de recherche de rentes et le caractère contagieux de ces
pratiques.
L'interdépendance des conjonctures provient
également d'un effet de diffusion de la croissance économique
dû à des externalités dans les décisions
d'investissement. Ainsi, peuvent se produire des externalités de demande
dans le sens où la productivité marginale du capital au Mali
dépend en partie des anticipations des investisseurs concernant la
demande en Côte d'Ivoire et à un moindre degré au
Sénégal. On peut aussi avoir à faire à des
externalités d'échange en présence de coûts de
transaction. En effet dans le cadre de l'apparition d'un marché
régional unifié, le développement des échanges
dû à un surcroît d'activité principalement en
Côte d'Ivoire profite à tous les pays de la région en
engendrant une baisse des coûts de transaction. Enfin, la transmission de
croissance peut transiter par des externalités technologiques. Nous ne
reviendrons pas sur le rôle des migrants. Mais, ces externalités
peuvent se produire quand les échanges d'informations sont plus
importants à l'intérieur d'une région qu'entre les
régions.
61
De plus, il est possible de considérer les
investissements d'un pays comme une étude de projet qui améliore
par effet externe l'information du voisin sur sa faisabilité. Enfin, le
Mali bénéficie des biens publics mis à sa disposition par
ses voisins : ports, routes, chemins de fer. Cet effet externe est
particulièrement important en raison de l'équipement remarquable
dans la région de la Côte d'Ivoire et dans une moindre mesure du
Sénégal.
|