Section II : Les
facteurs d'environnement international
Le Mali est un petit pays très ouvert sur
l'extérieur et donc soumis à l'influence de l'environnement
international sur lequel il a peu de prise. Celui-ci est constitué par
l'évolution des termes de l'échange, de l'aide, des
possibilités de migration en Afrique et en Europe et enfin de
l'intégration régionale.
On se demande dans quelle mesure ces différents
facteurs d'environnement international ont contribué à la
croissance économique. Une attention toute particulière est
accordée au phénomène éventuel de « syndrome
hollandais » qui consiste en une appréciation du taux de change
effectif réel consécutive à un apport de ressources
extérieures.
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I. Termes de
l'échange, financements publics extérieurs et
croissance :
Ø Termes de l'échange et croissance
Les termes de l'échange correspondent au rapport entre
l'indice des valeurs unitaires des exportations et l'indice des valeurs
unitaires des importations. A une amélioration des termes de
l'échange correspond un accroissement de revenu. Dans un pays agricole,
une amélioration des termes de l'échange, si elle n'est pas
captée par l'Etat ou les organismes de commercialisation, permet une
augmentation des revenus agricoles, dont les effets sur l'offre agricole sont
différents selon qu'ils sont perçus comme transitoires ou
permanents par les producteurs. Dans le cas du Mali, les fluctuations des
termes de l'échange sont, en raison d'un mécanisme de
stabilisation spécifique au coton, transmises de manière
atténuée au producteur.
L'augmentation de revenus transmise au producteur est sans
doute considérée comme transitoire par ces derniers.
L'instabilité passée des termes de l'échange telle qu'elle
apparaît dans le graphique 14 rend plausible cette hypothèse
(augmentations des termes de l'échange de 1968-1972, surtout de
1975-1977 et dans une moindre mesure de 1987-88). De plus, au cours des
périodes de pointe, règne vraisemblablement le plein emploi des
facteurs (absence de chômage involontaire). Par conséquent,
l'augmentation des revenus doit entraîner une substitution significative
du travail à des activités non productives. En effet, les
agriculteurs vont profiter de l'augmentation temporaire de leurs
rémunérations pour travailler aujourd'hui davantage. Cet effet de
substitution fournit une explication, plausible bien que partielle, de
l'ampleur de la croissance actuelle de la plupart des productions agricoles
d'exportation et, bien évidemment, dans ce cas il s'agit d'un
phénomène temporaire. On peut s'attendre, dans cette
hypothèse, à un fort ralentissement de la croissance lors du
retournement des cours des produits agricoles puisqu'il pourrait se produire
alors un effet de substitution inverse : augmentation du temps consacré
aux activités non productives au détriment des activités
productives agricoles.
Cet effet de substitution serait bien évidemment
amplifié en l'absence de système de stabilisation qui permettrait
alors une transmission intégrale de l'évolution des prix
internationaux. Il en résulterait des fluctuations plus importantes de
la production agricole.
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L'instabilité des termes de l'échange est
responsable d'un risque accru . Mais en raison des mécanismes de
stabilisation des prix aux producteurs, ce risque a été
supporté par les structures d'encadrement et par l'Etat.
Graphique 10 : Evolution
des termes de l'échange (1967 - 1997)
Source : CNUCED.
Ø Financement Publics extérieurs et
croissance :
Le graphique 11 retrace l'évolution des apports publics
nets en pourcentage du produit intérieur. On constate au Mali qu'ils ont
suivi une tendance croissante pour représenter aujourd'hui près
de 25% du PIB et qu'ils sont caractérisés par trois afflux
exceptionnels sur la période d'analyse. Le premier afflux remarquable
(1973-75) est survenu à l'occasion de la grande sécheresse du
début des années soixante-dix. Le second est relatif à la
sécheresse de 1985 tandis que le dernier marque plutôt une reprise
des financements publics externes à la suite du changement de
parité du franc CFA. Les déficits élevés des
comptes courants n'entraînent pas une crise solvabilité en raison
de l'importance des apports publics à des conditions de faveur. Mais, la
forte dépendance vis-à-vis des apports publics extérieurs
soulève cependant un problème de vulnérabilité
notamment des finances publiques.
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Les apports financiers externes particulièrement
importants ne peuvent qu'affecter l'évolution économique du
Mali. Cependant, un accroissement de l'aide n'entraîne pas
forcément une augmentation de même montant de l'investissement.
D'une part, le pays peut choisir d'en consommer une partie puisque certains
types de financements étrangers (aide programme) visent à la
réalisation d'objectifs généraux en laissant au
destinataire une marge de liberté importante. Il est vrai que certaines
formes d'aide sont affectées (aide projet). Ainsi, dans le cas du Mali,
la plus grande partie des investissements publics sont financés par
l'Aide Publique au Développement.
Mais, on peut imaginer que ces investissements auraient
été réalisés même sans aide. Par
conséquent, en raison du phénomène de fongibilité,
l'aide peut libérer des ressources qui pourront être
utilisées ailleurs, y compris à des fins de consommation.
Cependant, dans le cas du Mali, étant donné l'importance des
montants en jeu, relativement aux ressources du pays, il est peu vraisemblable
qu'en absence de l'aide les investissements aient été
réalisés.
Graphique 11 : Evolution
du ratio des apports publics nets en % du PIB(1967-1997)
Source : OCDE
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Plus fondamentalement l'aide peut perturber le système
de prix relatif. Ainsi, l'aide alimentaire peut avoir un impact négatif
sur les prix aux producteurs. D'une manière plus générale
l'aide peut engendrer une appréciation du taux de change réel :
l'accroissement du pouvoir d'achat est susceptible d'entraîner une
augmentation de la demande sur les biens non échangeables et par
conséquent, une augmentation du prix relatif de cette dernière
catégorie de biens (effet dépense du syndrome hollandais). Il est
vrai que cet effet n'est pas durable au Mali. Il est aussi possible qu'un Etat
bénéficiant de ressources financières externes
particulièrement importantes et peu coûteuses connaisse un
phénomène de démobilisation fiscale. En bref, l'aide doit
être perçue comme un complément de revenu, augmentant les
possibilités de choix d'un pays entre la consommation et
l'investissement et non comme un moyen sûr d'accélérer la
croissance. Il convient de remarquer le caractère contracyclique de
l'aide puisque les apports publics ont été les plus importants
dans les phases de détérioration des termes de l'échange
ainsi que lors de la survenance de sécheresses (et inversement, ils ont
été généralement plus faibles lors des
périodes d'amélioration des termes de l'échange). Cette
séquence a contribué à réduire les risques de
syndrome hollandais pour le Mali. On doit noter toutefois qu'en 1994-95,
l'accroissement des apports de capitaux publics ainsi que de capitaux
privés vient renforcer l'effet de l'amélioration des termes de
l'échange.
Enfin, dans le cas du Mali, la demande supplémentaire
engendrée par l'aide comporte un fort contenu en importation ce qui
explique malgré des flux d'aide particulièrement importants,
l'absence d'appréciation du TCER de plus, à travers un secteur
informel particulièrement dynamique, une offre suffisamment
élastique de biens non échangeables concourt certainement
à expliquer cette absence d'augmentation du prix relatif des biens non
échangeables.
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