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Analyse de la Croissance Economique du Mali depuis l'independance

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par Oumar Fakaba Sissoko
Nanterre Paris X - Master II Economie Internationale, Politique Macroéconomique et Conjoncture 2008
  

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CHAPITRE IV : Les facteurs d'environnement

De multiples facteurs, qui peuvent être considérés comme indépendants de la politique économique, ont agi sur la croissance. Parmi les facteurs d'environnement, les plus importants sont les facteurs sociopolitiques, le climat, l'évolution démographique et enfin l'environnement international.

Section I : Les facteurs d'environnement interne et la croissance

I. Les Facteurs sociopolitiques et croissance

De 1960 à nos jours, cinq régimes politiques se sont succédés :

ü le régime de la Constitution de 1960 (1960-1968),

ü le régime du Comité Militaire de Libération Nationale (1968-1974),

ü le régime de la Constitution de 1974 (1974-1991),

ü le régime de transition démocratique (mars 1991-juin 1992) et enfin,

ü le régime de la troisième République depuis 1992.

Ces cinq régimes correspondent à quatre phases de politique économique :

ü la période socialiste (1960-1968)

ü la période d'économie mixte étatiste (1968-1982)

ü la période de libéralisation avec le PAS (1982-1992)

ü depuis 1992, le régime démocratique et l'économie libéralisée.

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Le 22 septembre 1960, le Mali voit le jour à la suite de l'éclatement de la fédération qui l'unissait au Sénégal. Modibo Keïta en devient le premier président. Sa politique économique, inspirée du modèle marxiste-léniniste, amène la nationalisation des entreprises nationales et étrangères, la création de nombreuses entreprises publiques et l'intervention de l'Etat dans tous les domaines de la vie économique et sociale. Le contrôle des prix est instauré et le commerce international est confié à un monopole public : la SOMIEX. Enfin, pour rompre définitivement avec le colonisateur, le Mali quitte la zone franc et crée le franc malien en 1962. Le Mali se heurte alors très rapidement à plusieurs contraintes : le manque de cadres compétents, les faibles incitations à la production et les contraintes financières (sortie de devises, inflation).

Dans ce contexte difficile, Modibo Keïta est contraint de signer le 6 mai 1967 des accords de coopération monétaire avec la France, sans toutefois rejoindre l'UMOA, ce qui sera fait longtemps après sa chute en 1984. Le soutien populaire, dont bénéficiait Modibo Keïta lors de l'accession à l'Indépendance, s'érode vite. D'une part, le contrôle de la commercialisation des produits agricoles, l'obligation de consacrer une partie du temps à la culture des champs collectifs, le maintien de prix aux producteurs très bas et plus généralement la stratégie de transfert du surplus agricole vers le secteur non agricole, provoquent le mécontentement des paysans.

D'autre part, le blocage des salaires entraîne une chute du pouvoir d'achat des ménages urbains. Ainsi, à l'exception de la classe dirigeante, l'ensemble de la population malienne est touché par la politique économique du gouvernement. L'abandon du soutien populaire provoque le coup d'état militaire de novembre 1968. Selon Azam et Morrisson (1999), la principale caractéristique du régime était une contradiction fondamentale entre les discours et les faits. Sur le plan idéologique, le régime prétendait être au service de tous. Dans la réalité, il ne bénéficiait qu'à une petite minorité de cadres politiques et administratifs. Ceux-ci s'étaient accaparé le surplus agricole prélevé sur les paysans, en théorie destiné à financer les investissements.

A partir de la fin de 1968, le Comité Militaire de Libération Nationale (CMLN), présidé par Moussa Traoré, assume l'ensemble des pouvoirs législatifs et exécutifs. Jusqu'à la mise en application de la Constitution du 2 juin 1974, ce sont les ordonnances du CMLN qui régissent la vie administrative du pays.

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CMLN : Comité Militaire de Libération National

Les nouveaux dirigeants abandonnent le discours marxiste-léniniste de l'ancien gouvernement pour s'orienter vers un modèle de « socialisme plus libéral ». Les premières mesures concernent le monde rural. Les champs collectifs sont par exemple supprimés. Toutefois, la dérive vers un régime militaire autocratique se manifeste dès 1969 lorsque Moussa Traoré cumule les fonctions de chef de l'Etat et de chef du gouvernement.

Au cours des années soixante-dix, le régime de Moussa Touré poursuit une politique économique peu rigoureuse, marquée par un développement important de la corruption et du clientélisme. La situation politique et économique se dégrade rapidement et le gouvernement de Moussa Traoré perd la confiance de la plupart des groupes sociaux. De 1969 à 1980, on dénombre cinq tentatives de coup d'état (août 1969, mars 1971, novembre 1976, février 1978 et décembre 1980) et autant de grèves (avril 1969, mars 1971, janvier 1977, mai 1977, novembre 1979 et mars 1980). L'éducation, la santé et le secteur des infrastructures sont délaissés. Les arriérés de paiements intérieurs s'accumulent et la dette extérieure ne cesse de croître. Les pertes du secteur paraétatique s'accumulent.

Devant la dégradation de la situation économique, le Mali s'engage avec les institutions de Bretton Woods dans des programmes de stabilisation et d'ajustement structurel dès 1982. Par ailleurs, le Mali réintègre l'UMOA en 1984. En 1988, le Mali poursuit son effort d'ajustement avec le Programme d'Ajustement Sectoriel des Entreprises Publiques (PASEP) et le Programme d'Ajustement Sectoriel Agricole (PASA). Ces programmes permettent de libéraliser les prix et le commerce, d'entamer une réforme de la fiscalité interne et externe, de restructurer ou de privatiser les entreprises publiques, de simplifier le cadre réglementaire régissant les activités économiques, de libéraliser les marchés céréaliers et d'améliorer l'efficacité du secteur cotonnier.

En dépit de ces réformes, la société malienne ne fait plus confiance à Moussa Traoré qui règne depuis près d'un quart de siècle sur le pays. De violentes émeutes éclatent à Bamako fin 1991. Moussa Traoré est arrêté le 24 mars 1992. Des élections démocratiques sont organisées sous le contrôle d'observateurs internationaux. Alpha Oumar Konaré est élu président le 8 juin 1992.

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Le régime de la IIIe République doit gérer un ajustement monétaire majeur près de trente ans après le précédent qui avait marqué le retour du Mali dans la zone franc. Le 12 janvier 1994, la monnaie (le franc CFA) est dévaluée de 50 pour cent. Le changement de parité permet d'accroître le revenu des agriculteurs de produits d'exportation, mais aussi celui des producteurs de céréales. Les exportations de fruits et légumes ont fortement augmenté. Le Mali est devenue l'un des principaux fournisseurs de la Côte d'Ivoire en bétail. L'activité industrielle manifeste également des signes de reprise. L'industrie textile et le secteur minier sont particulièrement dynamiques.

Quelles sont les conséquences de l'évolution politique du pays sur ses performances économiques ?

Différents éléments peuvent agir sur la croissance. Il s'agit, tout d'abord, de l'instabilité politique. Si le Mali a connu moins de coups d'Etat que d'autres pays voisins comme le Burkina Faso, l'instabilité politique n'en a pas été moindre comme en témoigne l'importance des grèves et des procès politiques. Or, l'agitation politique augmente la probabilité d'une menace sur les droits de propriété et par conséquent incite les agents à moins investir.

L'instabilité politique constitue sans doute un facteur de moindre croissance économique au Mali. Toutefois, s'il apparaît naturel d'établir une relation entre l'instabilité politique et la croissance, on ne saurait, sans précaution, en déduire une relation de causalité univoque. En effet, il est tout aussi vraisemblable que la faible croissance du Mali a engendré une instabilité politique accrue. Il s'agit ensuite des règles juridiques et de la qualité des institutions politiques qui déterminent la sécurité des investissements. Or, malgré des progrès récents dans le cadre de l'intégration régionale l'application du droit reste toujours incertaine au Mali.

Un autre élément, plus difficile à saisir, est la conséquence sur la croissance du degré de démocratie du régime. La rationalité des hommes politiques les pousse à exercer une mainmise sur le système économique dans la mesure où la perturbation du fonctionnement du marché par l'instrument fiscal ou réglementaire est un bon moyen d'entretenir des relations de type patrons-clients en engendrant des rentes de situation au bénéfice de quelques uns. Ainsi semble s'expliquer la politique de forte protection et de réglementation intensive pratiquées au Mali jusqu'aux mesures de libéralisation du début des années quatre-vingt-dix.

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Ces interventions sont inéquitables mais également défavorables à la croissance puisqu'elles engendrent des distorsions de marché qui ne permettent pas une allocation efficace des ressources. Or, l'exercice des droits démocratiques constitue un frein relativement efficace aux pratiques clientélistes de l'Etat. Il en existe certes, un autre, à savoir l'intégration régionale qui constitue un point d'appui supplémentaire et fondamental à la libéralisation, puisqu'il permet de soustraire en partie la politique commerciale de l'influence des groupes de pression locaux.

La démocratie agit aussi sur la croissance en réduisant l'instabilité politique (Azam et Morrisson, 1998). En effet dans un régime démocratique les conflits se résolvent à moindre coût que dans un régime autoritaire. Le Mali n'a connu que trois présidents en presque 50 ans d'Indépendance. Le pays vit sous un régime démocratique seulement depuis 1992 et les autorités peinent à rétablir sur l'ensemble du territoire et pour l'ensemble des différentes couches sociales, l'autorité d'un Etat largement compromise par les dysfonctionnements passés. Le Mali a donc certainement souffert de l'absence de démocratie durant de longues années et des séquelles affectant l'autorité d'un Etat désormais démocratique demeurent.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault