2ème Partie :
La croissance économique malienne et les Facteurs d'environnement
La croissance économique malienne a été
d'une grande irrégularité. Son taux de croissance,
évalué sur une base annuelle apparaît d'une grande
instabilité ce qui met en évidence l'influence des facteurs
d'environnement.
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Cette partie a le double objectif d'analyser la croissance
économique et de faire ressortir les facteurs indépendants de la
politique économique qui ont agi sur la croissance.Chapitre
III : La croissance économique depuis 1965
Ils `agit dans ce chapitre d'évaluer l'efficacité
des politiques économiques envisagées afin d'accroître la
croissance. Un accent sera mit sur l'évolution de ces mêmes
politiques.
Section I : Analyse de
la Croissance Economique malienne
On mesure la croissance économique à travers
l'augmentation relative du produit intérieur brut réel par
tête. Cet indicateur a été retenu de
préférence au produit national car l'objectif poursuivi ici est
d'apprécier les effets de la politique économique sur les
richesses produites dans le pays. Après une analyse de la croissance, on
examine l'influence des facteurs d'environnement c'est-à-dire des
facteurs de croissance exogènes par rapport à la politique.
I. Les grandes phases de la
Croissance depuis 1965
L'évaluation du produit intérieur brut
réel par tête est entachée de graves incertitudes, tenant
notamment à des changements de méthodologie dans la construction
des comptes nationaux. De plus, les comptables nationaux rencontrent des
difficultés pour mesurer l'activité du secteur informel. Enfin,
dans un pays de migrations intenses et de population dispersée sur un
vaste territoire, l'évaluation de l'effectif global de la population
à travers des recensements successifs est sujette à une
incertitude importante. Un examen de l'évolution du produit réel
par tête (graphique 1) met en évidence quatre phases dans
l'évolution du produit par tête.
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Graphique 1 : Evolution du produit réel par
tête (1960 - 1997)
Source : Banque Mondiale, World Tables.
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1) La période débutant en 1960 qui correspond
à l'accession à l'Indépendance du Mali s'effectue dans des
circonstances politiques difficiles, largement imputables au gouvernement
malien (éclatement du projet de fédération avec le
Sénégal, sortie de la zone franc, refroidissement des liens de
coopération avec la France ) ce qui entraîne une régression
du produit par tête en 1962, date de la sortie de la zone franc puis une
stagnation économique consécutive à l'installation d'une
économie réglementée et à d'importantes sorties de
devises. Cette période s'achève avec la chute de Modibo Keita
(1968) qui a installé une économie socialisée et
excessivement réglementée. Selon Azam et Morrisson (1999), la
politique économique est alors inspirée du modèle
marxiste-léniniste. On nationalise massivement, on crée des
entreprises publiques aux effectifs pléthoriques. Le contrôle des
prix est instauré dans de nombreux domaines. Une compagnie publique se
voit doter du monopole sur le commerce extérieur. L'échec est
patent et il est dû à plusieurs facteurs : le manque de cadres
compétents, l'absence d'incitations, d'importants déficits
budgétaires, etc.
2) La chute de Keita n'entraîne un mouvement de
libéralisation que très limité. Il est vrai que le
discours économique devient plus libéral. On s'éloigne en
effet de l'idéologie soviétique pour se rapprocher du «
modèle socialiste africain » inspiré par le
Sénégal. En pratique, les champs collectifs sont
supprimés. On tolère l'activité des collecteurs
privés de céréales au détriment du monopole public
de la commercialisation des produits agricoles (OPAM). Malgré ces
réformes timides, de 1968 à 1974, le produit par tête
stagne. Cette période correspond à une économie mixte
étatiste et dans l'ensemble peu efficace. Pour l'essentiel, le secteur
industriel moderne a été créé à partir
d'usines « clefs en main » dont le fonctionnement s'avère
désastreux. Les opportunités de développement du secteur
privé traditionnel sont très rares. La priorité du
gouvernement est le développement d'un secteur public et cela dans tous
les domaines de l'activité : banques, commerce extérieur,
commercialisation des cultures d'exportation, commerce intérieur etc. Un
très large recrutement a lieu dans la fonction publique. L'Etat consacre
alors une partie de plus en plus importante de son budget à payer les
fonctionnaires. Ces choix budgétaires se font donc au détriment
des dépenses d'infrastructures et des dépenses consacrées
au développement du capital humain. La politique commerciale
privilégie la substitution aux importations. Cette politique
interventionniste a engendré une forte augmentation des dépenses
publiques que l'Etat a financées d'une part par l'endettement
extérieur et d'autre part par l'accumulation d'arriérés de
paiement intérieurs qui constituent un facteur de blocage de la
croissance économique.
3) De 1975 à 1979, le produit par tête augmente
fortement (5,8 % par an en moyenne). Mais cette évolution dépend
largement de facteurs exogènes : bonne pluviométrie et
évolution favorable des prix du coton. Sous l'effet de
sévères sécheresses et d'un retournement des cours du
coton, le produit par tête diminue presque autant de 1980 à
1982 (en moyenne - 6,5 % par an.)
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4) A partir de 1982, le gouvernement tend à abandonner
sa politique d'interventionnisme économique. Le gouvernement met alors
en oeuvre un programme d'ajustement soutenu par les institutions de Bretton
Woods. L'objectif est de restaurer les équilibres intérieurs et
extérieurs afin d'instaurer les conditions d'une croissance
économique durable. Il semble que ces mesures ont porté leurs
fruits puisque depuis 1983, le produit connaît une tendance à la
hausse, certes modérée (0,8 % en moyenne), ce qui le distingue
à cette époque de nombreux autres pays africains qui ont subit un
régression du produit par tête. Cependant la croissance du Mali
demeure irrégulière.
Graphique 2 : Evolution du
taux de croissance du PIB réel par tête en % (1968 -
1997)
Source : Banque mondiale, World Tables.
Le graphique 5 fournit l'évolution du taux de
croissance du produit sur la période 1968-1997. En moyenne, sur cette
période, le taux de croissance du produit intérieur brut par
tête a été de 0,7 %. La principale caractéristique
de la série est sa grande variabilité. Son écart-type est
6 fois supérieur à la moyenne. Le taux de croissance annuel le
plus élevé, observé en 1976, est de 11 %. Le taux de
croissance le plus faible est de -6,7 %, il s'agit de celui de 1980. Cette
grande variabilité est liée à l'importance du secteur
primaire dont l'activité est soumise à des chocs exogènes,
en particulier climatiques avec une récurrence qui obéit à
une distribution aléatoire. Entre 1968 et 1997, pour la moitié
environ des années on enregistre un taux de croissance négatif du
PIB par tête. Or, cette instabilité du taux de croissance peut
être vue comme un handicap pour la croissance à long terme.
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On peut également calculer des taux de croissance
annuels moyens sur des périodes correspondant à des changements
essentiels de politique économique : 1968-1982 : longue
période d'économie mixte étatiste : 0,6 % (11 % en 1976,
-6,7 % en 1980) ; 1982-1992 : période de libéralisation et
d'ajustement structurel : 1,3 % (-3,3 % en 1991, 5,6 % en 1986) ; 1992-1997 :
régime démocratique et économie libéralisée,
période courte marquée par la transition politique et la
dévaluation du franc CFA : -0,2 % (-5 % en 1993, 3,6 % en 1995).
Cependant, il s'agit ici de résultats de croissance
effective qui dépendent à la fois de variables structurelles et
de la politique économique. Aussi, pour apprécier
véritablement les performances attribuables à la politique
économique, il convient de prendre en compte de l'impact des facteurs
structurels.
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