7.7.3 Travail sur les pensées
automatiques et comportements dysfonctionnels
Dans la situation exemple, il apparaît que seule la fausse
croyance initiale ainsi que les pensées et comportements qu'elle
génère directement sont dysfonctionnels.
Une première tâche pourrait consister à faire
réfléchir Mme F. sur les sujets suivants, par le biais d'une
maïeutique légèrement directive, mais aux réponses
ouvertes (en italiques, la réponse automatique éventuellement
attendue ou un commentaire de ma part) :
- Manipuler l'ordinateur est-il réellement utile dans sa
fonction ? De nos jours, tous les gens un peu compétents
manipulent l'ordinateur facilement (mais pas moi)
- En supposant qu'elle soit habile dans cette tâche, la
conséquence positive sur son métier serait-elle importante ?
Bien sûr que non, mais les gens le croient
- Est-elle si mauvaise que ça ou est-ce
l'anxiété de l'échec et du regard des autres qui la
perturbent dans le maniement de l'ordinateur (la faire parler de ses
réalisations réussies) ? Quand je suis seule chez moi,
je fais plein de choses sur ordinateur, même des tableaux
compliqués. Mais dès que quelque chose change sur l'ordinateur ou
si on me regarde, alors je panique et je sens la colère monter
- Quels moyens devrait-elle se donner pour devenir suffisamment
compétente et aplanir ce problème ? Suivre des cours,
mais je n'ai pas de fric
- A-t-elle étudié le problème
sérieusement et pesé le pour et le contre ? A-t-elle
déjà chiffré le coût d'une formation et
estimé les retours sur investissement possibles ? Cette
question risque de provoquer une réaction de méfiance et d'alerte
car Mme F. a peur de l'objectivité comptable qui vient souvent
contredire sa logique personnelle
- Au niveau du moral, que lui apporterait le fait de ne plus
avoir de problèmes avec l'ordinateur ?
- Est-elle consciente d'avoir menti au recruteur, ou du moins de
l'avoir manipulé ? Pense-t-elle que cela a influencé sa
décision d'embauche ? Obtenir ce poste était-il
réellement un enjeu important pour elle ?
- Pense-t-elle qu'elle aurait été refusée si
elle avait avoué ses faiblesses au niveau de l'ordinateur ?
Pourquoi ?
- Ne pense-t-elle pas au contraire qu'elle a provoqué chez
le recruteur une illusion supérieure à celle réellement
utile pour emporter la décision d'embauche ? Ne risquait-elle pas
de le décevoir ?
- Qu'auriez-vous répondu au recruteur s'il vous avait
questionnée sur vos compétences en informatique ?
- Quelle réponse auriez-vous formulé pour rendre
compte de la vérité si le recruteur vous avait questionné
sur vos compétences en informatique?
A chaque réponse inappropriée, le thérapeute
doit amener Mme F. à envisager une réponse alternative. Ici
encore, attention à ne pas se laisser entraîner dans une
argumentation dangereuse, le thérapeute ne doit prendre aucune position
franche.
Mme F. pourrait être ensuite invitée à
raconter minutieusement tout ce qui s'est passé entre son embauche et
son licenciement, puis à formaliser la chaîne causale des
événements dans un tableau, comme ci-dessus. Le but est de
dégager l'existence d'un processus reconnu par Mme F., dont elle pourra
constater la survenance dans des situations très différentes au
fil de la thérapie.
La dernière étape pourrait être d'imaginer le
déroulement de cette même mission en remplaçant la
stratégie de mensonge du départ par l'annonce de la
vérité au recruteur.
Mme F. doit prendre conscience qu'elle a été
envahie de pensées dysfonctionnelles consécutives à la
situation dangereuse qu'elle avait elle-même créée. Ces
pensées ont provoqué des comportements réactionnels qui
à leur tour ont suscité le rejet et l'exclusion.
Mme F. doit comprendre l'aspect inefficace et paradoxal de sa
stratégie de mensonge, initialement conçue pour être
acceptée (ne pas être abandonnée) et s'avérant
être responsable de son exclusion. Cette prise de conscience la
préparera à accepter la confrontation ultérieure avec l'un
de ses postulats ("si je me montre telle que je suis, je serai
rejetée").
La thérapie se poursuivra par le même travail sur
d'autres situations récurrentes identifiées lors de l'analyse
fonctionnelle. Les situations mettant en jeu le même processus
sous-jacent seront traitées à la suite, en tenant compte de la
charge émotionnelle associée. Bien sûr, les situations les
plus anxiogènes seront travaillées en dernier.
Lorsque la patiente aura accepté ce mode de fonctionnent
et pris conscience de ses comportements inappropriés, le
thérapeute devra la confronter à la réaction des autres,
domaine où les interprétations de Mme F., sont le plus souvent
erronées.
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