7.5 Pronostic
Le tableau dépressif majeur, l'angoisse justifiée
envers un avenir matériel inquiétant, la désocialisation
progressive et l'idéation suicidaire déjà
élaborée à l'état de projet suscitent une prise en
charge thérapeutique rapide de Mme F.
Plusieurs facteurs
péjoratifs amènent à adopter la plus grande
prudence :
- L'âge de Mme F. (50 ans) est statistiquement
défavorable à la réussite d'un processus de changement
profond de la personnalité.
- Sa situation sociale et matérielle est réellement
inquiétante. L'idéation suicidaire s'appuie donc sur un danger
réel et difficile à remettre en cause.
- Sa désinsertion sociale progressive et surtout la
dévalorisation profonde de l'image de soi ne la placent pas dans des
conditions favorables pour retrouver un nouveau compagnon qui lui assurerait
l'étayage nécessaire pour surmonter la situation ou y faire
face.
- Une prise de conscience massive de l'inadaptation de ses
cognitions et comportements risqueraient de provoquer un effondrement
narcissique majeur, effondrement déjà amorcé depuis
l'apparition des symptômes dépressifs.
- La survenue d'un nouveau traumatisme (deuil, abandon ou
sérieux ennuis financiers) risquerait de provoquer un passage à
l'acte auto-agressif.
7.6 Solution
thérapeutique proposée
Devant la multiplicité des symptômes, il existe un
risque de privilégier à tort des troubles prégnants mais
non pathognomoniques et d'engager une thérapie adaptée aux
patients de lignée névrotique ou psychotique, mais pas aux
organisations état-limite.
Il convient d'établir une hiérarchie dans la
sémiologie, et de définir la direction thérapeutique la
plus susceptible de permettre rapidement des améliorations
fonctionnelles.
- Le syndrome dépressif, en partie réactionnel, est
à l'origine de l'idéation suicidaire et empêche Mme
F . de reformer des projets d'avenir. Il devra donc être combattu
dès le début de thérapie, sans doute avec l'aide d'une
chimiothérapie prudente et adaptée.
- Les manifestations pseudo-névrotiques (nosophobie,
phobie de la saleté, mythomanie, somatisations) sont des symptômes
très anciens ne participant pas directement à l'aggravation de la
situation actuelle.
- Il en est de même des manifestations pseudo-psychotiques
(paranoïa) qui ne provoquent aucune souffrance aiguë.
- Par contre, une prise de conscience limitée mais rapide
de certaines relations interpersonnelles et comportements inadaptés face
à des situations récurrentes permettrait sans doute de stopper la
désinsertion sociale et par suite l'hémorragie narcissique.
A la vue du diagnostic, du pronostic et de ces derniers
éléments, je préconiserais dans un premier temps une
approche thérapeutique cognitive et comportementale,
éventuellement complétée par une aide
chimiothérapique au niveau des signes dépressifs et anxieux. Le
médecin prescripteur devra être informé avec
précision du diagnostic, afin d'éviter tout médicament
susceptible de provoquer une désinhibition favorable à un passage
à l'acte ou à une décompensation sur le versant
psychotique.
Une fois la partie adaptative du Moi renforcée, les
symptômes dépressifs en recul et la dynamique sociale
réamorcée, il conviendra peut-être d'entamer une analyse
plus profonde pour travailler sur les schémas centraux, mais ce sera
à Mme F. d'en décider.
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