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Apport d'une thérapie cognitive dans la prise en charge d'un patient présentant un trouble de personnalité état-limite (borderline)

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par Michel Naudet
Paris V Descartes - Diplôme Universitaire de Méthodologie en Psychothérapie - Sociothérapie 2003
  

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7.3 Etude des différentes hypothèses nosographiques : diagnostic différentiel

1) Névrose obsessionnelle et troubles phobiques
Les rituels de lavage effectués par Mme F. lorsqu'elle est contrariée ou en colère ainsi que sa peur irrationnelle de la saleté et des microbes pourraient faire penser à une pathologie névrotique obsessionnelle, car ils occupent une grande place dans sa vie.

Mais le côté labile des idées obsédantes, l'absence de lutte contre ces idées et l'absence de critique devant les rituels très rationalisés font écarter ce diagnostic.

2) Paranoïa
J'ai longtemps pensé que les troubles psychiques de Mme F. étaient sous-tendus par une structure psychotique encore compensée de type paranoïaque6(*), tant ce type de traits est présent dans sa personnalité. Sa méfiance envers les "mauvais objets" clivés est totale, elle projette sur eux les pires intentions et fourberies. L'orgueil et l'hypertrophie du Moi sont également en haut de tableau (elle qualifie volontiers les gens qui travaillent avec elle de  « petite main », « mignonnette sans cervelle », « grouillot », etc.) et sous-estime toujours ses interlocuteurs, allant volontiers jusqu'au mépris, aux dépens de toute réalité objective. Elle a également la volonté illusoire de toujours se débrouiller seule. Il faut également ajouter la susceptibilité, les jugements erronés et une certaine rigidité du psychisme (mêmes réactions stéréotypées envers des situations manifestement différentes).

Mais le paranoïaque n'a pas cette angoisse de l'abandon ni cet aspect autodestructeur dans la relation anaclitique qu'elle entretient avec les gens ; il se juge autosuffisant, ce qui n'est vraiment pas le cas de Mme F..

3) Dépression
Cet aspect est celui qui me semble le plus délicat à appréhender, car le tableau a considérablement évolué au cours des derniers mois.

Le tableau dépressif est désormais prégnant. L'anxiété, voire l'angoisse, est présente dans toutes les relations interpersonnelles. Certains caractères peuvent nous faire penser à un syndrome dépressif unipolaire majeur, mais d'autres excluent ce diagnostic.

En faveur d'un syndrome dépressif unipolaire majeur :

Mme F. éprouve désormais un fort sentiment d'absence de valeur personnelle (sur les plan professionnel aussi bien qu'affectif) associé à une perte totale d'espoir envers l'avenir. Son affect dépressif lui fait envisager le suicide comme la seule solution possible pour échapper à l'insupportable (de graves soucis financier à terme) ; elle n'envisage aucune amélioration possible et ne croit plus à la chance.

Considérant le suicide comme la solution finale pour échapper à ses ennuis professionnels, elle nourrit peu de préoccupations quant aux éventuels échecs futurs.

Par contre, elle ne parvient toujours pas à mentaliser et à accepter les risques d'abandon interpersonnels et est prise de panique lorsque son ancien mari qui vit près de chez elle a le moindre souci de santé ou évoque la possibilité de déménager.

La fragilité de l'estime de soi est devenue extrême, La dépendance envers l'autre est très forte.

Mais :

L'affect de tristesse n'est pas stable et peut se transformer en colère revendicative au sujet de la relation exigeante, hostile et dépendante qu'elle essaie de prolonger avec son ancien compagnon (qui accepte de moins en moins ce mode de communication et évite au maximum tous les contacts, même téléphoniques).

Le ralentissement psychomoteur affectant les patients déprimés majeurs est également absent du tableau clinique de Mme F., bien que celle-ci se plaigne très souvent d'être fatiguée.

De plus, jusqu'à ces derniers mois, les notions d'échec, de culpabilité et de remords étaient totalement absentes de son discours, attribuant toujours les causes de ses ennuis à une origine externe.

Enfin, elle reste sur une position d'autosuffisance illusoire concernant l'aide que pourrait lui apporter un thérapeute, contrairement aux déprimés sévères qui font généralement un bon accueil de cette aide.

Les caractères dépressifs présentés par Mme F. ne peuvent donc pas aboutir au diagnostic d'un syndrome dépressif unipolaire majeur, tel que décrit dans le DSM IV.

4) Troubles de la personnalité

a. Personnalité histrionique

Comme les personnalités histrioniques, Mme F. est constamment en recherche d'attention vis-à-vis de ses proches et, toujours dans la demande, adopte volontiers un comportement manipulateur, notamment pour empêcher les abandons réels ou imaginés. La labilité de ses affects et de sa thymie est également une caractéristique importante de son caractère.

Mais l'instabilité de ses relations, la nature anaclitique de ces dernières et les sentiments de vide, de solitude et d'incompréhension qui l'habitent en permanence ne permettent pas d'assimiler le cas de Mme F. à celui d'une personnalité pathologique de type histrionique.

b. Personnalité schizotypique

L'idéation persécutoire qui envahit Mme F. lorsqu'un conflit l'oppose à des "mauvais objets" ainsi que les illusions qu'elle entretient concernant ses capacités professionnelles pourraient faire penser à une personnalité schizotypique.

Mais dans son cas, cette idéation constitue un symptôme transitoire qui ne se manifeste que dans les situations de stress (souvent provoquées par son hypersensitivité par rapport à l'environnement). De plus sa réactivité interpersonnelle reste intacte, elle n'est pas « coupée du monde ». Elle n'est pas non plus « envahie » par cette idéation et parvient à adapter son comportement manifeste au principe de réalité.

Les traits empruntés à la personnalité schizotypique ne caractérise donc pas les troubles de Mme F.

c. Personnalité anti-sociale

Le comportement manipulateur de Mme F., souvent exprimé sans aucun remords ni aucune culpabilité, pourrait être celui d'une personnalité psychopathe.

Mais ce comportement n'est jamais mis en oeuvre pour rechercher des profits, un pouvoir ou un avantage matériel ; sa finalité est toujours une forme de lutte contre l'abandon ou la perte d'objet. De plus, le contrôle pulsionnel est plus étendu que celui du psychopathe et elle parvient toujours à rester dans les limites d'un comportement socialement acceptable.

d. Personnalité dépendante

La peur d'être mise à distance ou abandonnée, très présente chez Mme F. est également la caractéristique principale d'une personnalité dépendante.

Mais face à une menace d'abandon, la personne dépendante réagit par une attitude de soumission et une tentative de rapprochement, alors que Mme F. lutte le plus souvent en manipulant agressivement son partenaire pour le tenir à la bonne distance.

Face à l'abandon réel, Mme F. réagit par un sentiment de vide affectif, de colère et de revendication. La personne dépendante réagit plutôt en cherchant une relation de substitution.

Contrairement à la personne dépendante, ses relations sont intenses et très instables.

Bien que présentant des similitudes avec la personnalité dépendante, Mme F. n'en présente pas toutes les caractéristiques.

* 6 ou par un aménagement caractériel de type « psychose de caractère » en sortie du tronc commun aménagé, suite au traumatisme désorganisateur tardif (la violence de son premier mariage)

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