CHAPITRE III : TRANSACTIONS TRYPANOCIDES ET
STRATÉGIES DE COMMUNICATION CHEZ LES PRESTATAIRES DE SERVICES.
Le présent chapitre vise à dégager les
difficultés de communication auxquelles les prestataires de services
sont confrontés dans leur tâche d'information et de
sensibilisation des agro-éleveurs à travers l'analyse de leurs
pratiques et attitudes dans l'utilisation des trypanocides. Mais avant, il est
nécessaire de savoir quels sont les acteurs sociaux en présence
et quelles sont leurs stratégies de communication ?
I/ Rôles,
caractéristiques et importance des acteurs en présence.
L'utilisation des trypanocides est une pratique
médicale réservée aux spécialistes de la
santé animale selon les textes et lois réglementaires de la
médecine vétérinaire au Burkina-faso. Mais, à la
faveur de la privatisation de la profession vétérinaire, vendre
ou appliquer les médicaments trypanocides ne sera plus l'apanage des
seuls spécialistes de la santé animale, car on assiste à
l'émergence d'autres acteurs non autorisés. D'où, nous
distinguons deux catégories de prestataires de services à savoir
les professionnels de la santé animale et les non professionnels.
1) Les
professionnels de la santé animale.
Ils regroupent les personnes qui exercent la médecine
vétérinaire avec les qualifications et les compétences
requises par le code de santé animale au Burkina Faso. Ce sont les
agents publics d'élevage, les docteurs vétérinaires et les
nouveaux acteurs.
Dans la province du kénédougou, les agents
publics d'élevage restent les premiers professionnels de la santé
animale connus de nos jours auxquels se réfère en priorité
le terme « vétérinaire »
employé fréquemment par les agro-éleveurs. Traditionnels
fournisseurs de services vétérinaires, ils sont composés
d'agents et de techniciens d'élevage au nombre de trois (3) dans notre
zone d'étude. Basés à la direction provinciale à
Orodara et au poste vétérinaire frontalier de Koloko, ils ont
été tous formés à l'école Nationale de
Santé Animale (ENSA) de Ouagadougou. Mais, au-delà de la
formation initiale, ils ont tous reçu en moyenne trois (3) formations
complémentaires dans les domaines :
- de la lutte contre la TAA ;
- de la surveillance épidémiologique ;
- des travaux de laboratoire ;
- de l'aviculture ;
- de l'élevage des petits ruminants ;
- de l'embouche bovine ;
- de la gestion des projets et micro-projet et
- des méthodes de recherche
accélérée (MARP).
Ce sont des agents expérimentés ayant en moyenne
trois (3) ans d'expérience sur le terrain.
Agissant en qualité de fonctionnaire d'Etat, ils
interviennent plus dans les traitements que la sensibilisation des
éleveurs et le contrôle de la profession. Selon les données
d'enquête, ils ont réalisé en moyenne 124 fois de
traitements trypanocides l'année passée. De plus, ils ont
donné en moyenne 57 fois de conseils aux éleveurs. Mais, ils
déclarent dans les entretiens qu'ils n'ont pas « les
moyens matériels, logistiques et la capacité pour le
contrôle des trypanocides et leur commercialisation ».
Cependant, dans la nouvelle organisation des services de santé animale
issue de la libéralisation de la profession de médecine
vétérinaire, les services publics sont chargés de toutes
les questions liées à la vulgarisation, à la formation,
à la sensibilisation et au contrôle de l'exercice de la profession
vétérinaire sur le terrain en priorité.
Quant aux docteurs vétérinaires, ils regroupent
toutes les personnes ayant obtenues le diplôme de doctorat en sciences et
médecine vétérinaires après des études
supérieures et ayant reçue une autorisation préalable pour
s'installer en privé. Deux docteurs vétérinaires sont
installés dans la province du Kénédougou. Ils sont tous
localisés dans sa partie nord avec une représentation sous forme
de dépôt pharmaceutique au sud. Mais, l'enquête a pris en
compte ceux de Bobo, intervenants fortement dans cette partie sud. Ils ont
été formés à l'EISMV (Ecole Inter-Etats des
Sciences et Médecine Vétérinaires) de Dakar, au
Sénégal pour la majorité et en France, au Maroc, en Russie
pour une minorité. Ils ont reçu en majorité au moins une
formation spécialisante dans les domaines suivants :
médecine tropicale, productions animales et reproduction
génétique (insémination artificielle). Ils ont en moyenne
dix sept ans d'expériences dans les domaines de l'enseignement, de la
recherche et de la santé en exercice privé. Engagés dans
des entreprises privées, ils sont tous responsables de cabinets de soins
vétérinaires de nature clinique et pharmaceutique. Sur le
terrain, ils agissent en qualité de cliniciens, pharmaciens grossistes
et pharmaciens détaillants. Ainsi, ils offrent des services cliniques,
des médicaments et des conseils aux éleveurs. Mais, selon les
données d'enquête, ils interviennent plus dans la vente des
médicaments que dans les soins et les conseils. En effet, ils estiment
avoir vendu au cours de l'année écoulée en moyenne quatre
mille (4000) fois de trypanocides contre cent (100) fois de traitements
réalisés et quatre vingt (80) fois de conseils donnés. Ce
qui est le reflet du rôle actuel joué par les
vétérinaires privés installés en majorité
dans les officines pharmaceutiques pour la vente des médicaments au
détriment des soins et de la sensibilisation sur le terrain. Or dans
l'organisation actuelle des services vétérinaires au Burkina, ils
ont la charge de la commercialisation/distribution des médicaments
vétérinaires de qualité, de la prise en charge des animaux
malades et de l'information des éleveurs.
Outre les agents publics d'élevage et les docteurs
vétérinaires, il faut ajouter de nouveaux acteurs professionnels
ayant reçus une autorisation préalable pour s'installer en
privé. Techniciens d'élevage et ingénieurs zootechniques
en majorité, ce sont d'anciens fonctionnaires de l'Etat en retraite ou
ayant quittés la fonction publique pour s'installer en privé
à la faveur de la libéralisation de la profession
vétérinaire. Ils ont été formés à
l'ENSA de Ouagadougou avec en moyenne vingt et deux (22) ans
d'expériences dans la fonction publique et dans l'exercice de la
médecine vétérinaire en privé. Ils jouent les
mêmes rôles actuels que les docteurs vétérinaires et
bénéficient des mêmes attributions et avantages
conférés par le code de la santé animale.
Toutefois, à côté des acteurs
professionnels dont les rôles et statuts ont été
définis par le code de la santé animale au Burkina et
légitimés par l'ordre national vétérinaire, s'est
développé une catégorie d'acteurs non professionnels,
reconnus sous l'appellation « d'amateurs de la médecine
vétérinaire » dans le jargon des
spécialistes.
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