Analyse pragmatique du témoignage des anciens malades alcooliques sur les forums Internet : Influence et représentations( Télécharger le fichier original )par Michel Naudet Université Paris 8 - Maîtrise de psychologie clinique 2004 |
Conduite d'alcoolisation : de la non consommation primaire à la dépendanceEst-il possible de modéliser les conduites d'alcoolisation et leur cheminement vers la dépendance ? La réponse à cette question est bien sûr négative, tant les interactions en jeu sont nombreuses et complexes. Nous allons pourtant essayer ici, en nous référant aux travaux de Lewis et de Wise (1996)7(*), de synthétiser les connaissances actuelles concernant les facteurs neurobiologiques de l'alcoolodépendance. Nous garderons à l'esprit que cette approche est forcément réductrice dans la mesure où nous prendrons très peu en compte des dimensions essentielle du comportement de boisson, à savoir les aspects environnemental, culturel et social. Premières alcoolisations et effets subjectifsSi c'est sans doute le hasard qui a amené l'homme des temps anciens à consommer pour la première fois une boisson fortuitement fermentée, c'est précisément l'aspect culturel de l'alcool, festif, cérémonial ou conventionnel qui provoquera aujourd'hui la première prise de boisson alcoolisée par un enfant ou adolescent. : vider le fond d'un verre en cachette après un repas de famille, boire un peu de champagne le jour de sa Communion, tremper un petit beurre dans le verre de vin de Papi et bien d'autres circonstances encore. En lisant les témoignages des anciens alcooliques, il est surprenant de voir à quel point beaucoup de ces malades se souviennent exactement de leur première rencontre avec l'alcool, peut être mieux que de leur première rencontre amoureuse... mais nous y reviendrons. Donc, l'individu consomme de l'alcool pour la première fois. La qualité subjective de cette expérience sera très variable d'après les sujets et dépendra notamment du système neurobiologique inné et acquis. Trois cas peuvent se présenter : 1) A cause d'un problème biologique, par exemple un
déficit en ALDH8(*),
l'alcool a un effet aversif qui amènera le sujet à ne pas
renouveler l'expérience (le déficit de cet enzyme est
endémique chez certains peuples asiatiques et arabes). 2) Au contraire, l'alcool produit un effet psychotrope bénéfique que l'individu cherchera par la suite à reproduire. Cet effet peut être de deux ordres : - Un renforcement positif, par exemple suite à
l'activation du « système de la récompense9(*) » dopaminergique. Le
rôle appétitif, motivationnel et décisionnel de ce
système facilite, via le noyau accumbens, la transformation de
la motivation en action et la mémorisation de l'expérience
(Mogenson et coll., 1980)10(*). Sur le plan comportemental, cela se traduira par une
désinhibition. - Un renforcement négatif (soulagement d'une anxiété ou d'une tension intérieure). Il a été montré que :
3) L'alcool n'a aucun effet subjectif particulier sur le sujet qui ne recherchera pas particulièrement à renouveler l'expérience. Pourtant, il y sera probablement amené pour des raisons autres que neurobiologique, sous l'influence de facteurs environnementaux ou psychologiques (troubles de la personnalité, événements de vie, profession, etc.) * 7 Lewis MJ, Alcohol reinforcement and neuropharmacologic therapeutics, Alc Alcohol, 1996. Wise RA. Neurobiology of Addiction, 1996, Curr Opin Neurobiol * 8 ADLH = Aldéhyde Déshydrogénase, enzyme essentielle pour la dégradation de l'alcool dans le métabolisme hépatique. * 9 Le concept de « système de récompense » a été proposé par Olds et Minner (1950) suite à des expériences sur des rats qui pratiquaient compulsivement une autostimulation électrique intracrânienne sans aucune utilité physiologique, bien au contraire, car cette activité les accaparaient tellement qu'ils en oubliaient de boire et de manger et en mouraient. D'où l'hypothèse qu'il existe dans le SNC un système dont la stimulation produit du plaisir, en dehors de toute utilité physiologique. Le recensement des structures cérébrales concernées montre qu'elles appartiennent toutes au système DA-MLC (dopaminergique méso-limbo-cortical) et qu'elles jouent un grand rôle dans les processus appétitifs, , motivationnels et décisionnels. * 10 Mogenson GJ, Jones DL, Yim CY. From motivation to action : fonctional interface between the limbic system and the motor system; Prog Neurobiol, 1980; p 69-97. |
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