Droit de grève et principe de continuité dans les établissements publics en droit congolais:analyse théorique( Télécharger le fichier original )par Trésor-Gauthier MITONGO KALONJI Université de Lubumbashi - Licence en droit 2007 |
Chapitre deuxième : l'exercice du droit de grève dans l'établissement publicCe second chapitre s'articule essentiellement autours de notions de grève (SECTION 1), ainsi que la conciliation de ce droit avec l'intérêt général dans l'établissement public (SECTION 2).
SECTION 1 : NOTIONS DE DROIT DE GREVE
§ 1 : définition et portraits-robot de la grève :La constitution du 18 février 2006 ne définit pas la grève ; elle se borne seulement à la reconnaitre et à lui garantir l'existence parmi, les autres droits économiques, sociaux et culturels.(37(*))
C'est plutôt le code du travail en vigueur qui l'appréhende en termes de cessation collective du travail à l'occasion d'un conflit collectif du travail qui n'a pas été résolu.(38(*)) La doctrine est abondante à propos de la définition du concept de « grève » ; et l'on en retient que cette dernière est la cessation collective et concertée du travail par les travailleurs à la suite d'un conflit collectif du travail non résolu et ce,en vue de faire pression sur l'employeur concernant une revendication d'ordre professionnel qui lui a été soumise.(39(*)) Cette définition met en relief les caractéristiques de la grève ci-après : A .l'existence d'un conflit collectif du travail non résolu :
Il ressort de l'article 315 alinéas 1 du code du travail que pour que les salariés usent de la grève, il faut qu'il y ait à la base un conflit collectif du travail non résolu.
Un conflit collectif du travail est tout conflit survenu entre un ou plusieurs employeurs d'une part,et un certain nombre de membres de leur personnel d'autre part,portant sur les conditions de travail,lorsqu'il est de nature à compromettre la bonne marche de l'entreprise ou la paix sociale.(40(*))
La grève reflète l'existence d'un conflit collectif de travail, mais ne constitue pas le conflit lui-même .le conflit naît du désaccord entre employeur et travailleurs sur une question relative au régime du travail. Lorsque ce désaccord persiste,la grève est donc l'arme dont les travailleurs peuvent se servir pour imposer leur prétention à l'employeur.(41(*))
Enfin, le conflit doit être collectif à la fois quant à son objet et quant aux parties qu'il oppose.(42(*)) B .la cessation du travail : C'est vraiment l'élément spécifique de la grève, et il semble être facile à déterminer puisqu'il s'agit d'un élément matériel. C'est la concrétisation ou la matérialisation de la grève par les grévistes ; la mise en exécution de l'intention annoncée par eux.
De toute manière, la grève n'est pas une déclaration d'intention, mais un fait. Pour que le régime privilégié de la grève puisse se substituer au droit commun des relations de travail, il faut que la cessation du travail annoncée soit mise en application.(43(*))la grève doit donc être l'ultime recours,quand toutes les autres démarches ont échoué.(44(*)) En droit comparé, notamment en droit français, le droit de grève est un droit individuel qui peut être exercé individuellement ou collectivement. Ceci se justifie par le fait que dans une entreprise ne comportant qu'un seul travailleur, celui-ci étant le seul qui puisse le mieux présenter et défendre ses revendications professionnelles, peut exercer le droit de grève constitutionnellement garanti.(45(*))
En droit congolais, une certaine doctrine (46(*)) estime que la grève n'est pas un droit individuel s'exerçant collectivement ; elle est plutôt un droit collectif qui implique la coalition des travailleurs qui défendent un intérêt collectif.
Nous estimons, pour notre part, que la grève demeure un droit individuel mais qui s'exerce toujours collectivement. Ce caractère individuel s'explique par le fait que la grève implique l'accord, le consentement de chaque travailleur qui, du reste, n'est pas obligé d'y participer. c'est ce qui justifie le fait que dans un seul établissement ou entreprise,des travailleurs de mêmes grades,évoluant sur un même lieu de travail ou département,les uns se décident collectivement de grever,alors que les autres n'y consentent pas et n'y participent pas. Toutefois, après avoir consenti à l'intention de grève,le travailleur doit se joindre aux autres travailleurs pour la matérialisation de cette intention et suivre le rythme grégaire de la grève.il ne peut pas programmer une grève solitaire.
Enfin quant à la concertation, nous estimons qu'elle s'avère utile et doit être tenu préalablement à la grève, entre les travailleurs, pour une des raisons d'harmonisation de leur action. Cette concertation préalable permet d'établir aussi, sous une forme quelconque, une pétition (mémorandum, cahier de revendication, document de revendication, carnet de doléances, desiderata, etc.).
Au reste, sont interdits, pendant la grève, tous actes et toutes menaces tendant à contraindre un travailleur à y participer ou tendant à empêcher le travail ou la reprise de celui-ci. C. Le but professionnel :
L'alinéa premier de l'article 315 déjà cité du code du travail appréhende la grève, rappelons-le, comme étant la cessation collective du travail à l'occasion d'un conflit collectif du travail qui n'a pas été résolu.
Il est déductible de cet alinéa que le recours à la grève n'est envisageable que dans un but purement professionnel ; peu importe que l'avantage réclamé par les travailleurs résulte d'une loi ou d'une convention collective. C'est ainsi qu'il a été arrêté (47(*)) que n'ont commis aucune faute susceptible d'entrainer leur licenciement, les travailleurs qui avaient grevé pour réclamer les indemnités scolaires de leurs enfants, car ils ont agi dans la légitimité, c'est-à-dire en application de la convention collective qui le régit avec l'employeur qui, du reste, n'a jamais informé officiellement son personnel de la suspension de cette indemnité.
De ce qui précède, nous pouvons déduire qu'est illicite, dès lors, l'arrêt collectif du travail qui ne correspond à aucune revendication professionnelle ; c'est par exemple, l'arret du travail pour obtenir la réintégration d'un travailleur régulièrement licencié, n'ayant pour objet ni un intérêt collectif professionnel, ni la modification ou l'amélioration des conditions du travail.(48(*))
Dans le même diapason,la grève devient illicite,lorsque la revendication des travailleurs s'écarte du but professionnel et s'immisce dans l'exercice des actes réservés à la puissance publique,faussant ainsi le jeu des institutions.(49(*))c'est par exemple,lorsque les travailleurs cessent le travail pour exiger du gouvernement plus d'effort dans la traque d'une rébellion ,sans que les actes posés par cette dernière puissent influer directement ou indirectement sur le fonctionnement de leur entreprise,ni moins sur leurs relations professionnelles avec l'employeur ;ou encore pour exiger la démission d'un membre du gouvernement ou la destitution d'une institution étatique...
Ainsi donc, après avoir analysé ces grandes caractéristiques de la grève, il nous échoit de constater que celle-ci vise le ré ajustage de telle ou telle autre obligation légale ou conventionnelle de l'employeur vis-à-vis des travailleurs. Sans les creuser en détail, nous passerons en revue les obligations légales de l'employeur, telles que déterminées par les articles 55 et 56 du code du travail : - L'obligation de faire travailler le travailleur ; - L'obligation d'assurer au travailleur les meilleures conditions du travail ; - L'obligation de paye une rémunération au travailleur ; - L'obligation d'assurer le transport du travailleur ; et enfin - L'obligation d'accorder au travailleur, juge assesseur au tribunal du travail, un temps nécessaire à l'accomplissement de son mandat.(50(*))
* 37 Voir l'article 39 de la constitution. * 38 Voir l'article 315 alinéa 1 de la loi n°015/2002 du 15 octobre 2002 portant code du travail,Journal officiel de la république démocratique du Congo,47ème année,numéro spécial,Kinshasa 25 octobre 2002. * 39 Au sujet de cette définition,lire par exemple :FONTAINE et CAVALERIE ,notions fondamentales de droit, édition FAUCHER, paris 1995,p.345 ;MIGNARD(Patrick),droit de grève et service public in WWW.monde-solidaire,org; LUWENYEMA LULE,précis de droit du travail zaïrois,éditions LULE,Kinshasa 2,1989,p.362. * 40 Article 303 du code du travail. * 41 LUWENYEMA LULE, opcit, p.362. * 42 PINTO R ; remarques sur la notion de différend collectif, Dalloz, paris 1938, p.49. * 43 A.BRUN et H.GALLAND, droit du travail, 2ème édition, Paris 1978, pp.436 et 437. * 44 JOS DAS, syndicat, éditions l'EPIPHANIE, kinshasa, p.26. * 45 Voir RADE (Christoph) et de CRISTE (caroline), code du travail annoté, 67ème édition, Dalloz, Paris 2005, p.921. * 46 Parmi laquelle, nous citons LUWENYEMA LULE, opcit, p.362. * 47 Cour d'appel de kinshasa-Gombe , RTA 3812 du 1 décembre 1997,dans l'affaire Société des entreprises pétrolières du Congo(SEP-CONGO) contre S ;cité par LUKOO MUSUBAO(Ruffin),la jurisprudence congolaise en droit du travail et de la sécurité sociale,volume 1,éditions ON S'EN SORTIRA,Kinshasa 2006,p.110. * 48 RADE et DE CRISTE, opcit, p.921et 922. * 49 LUWENYEMA LULE, opcit, p.370. * 50 Cette obligation reste encore en hibernation juridique, car les tribunaux du travail, bien qu'existant avec l'avènement de la loi n° 016/2002 du 15 octobre 2002 qui les a créés, ils sont encore non opérationnels. Cette obligation sera donc d'application avec l'effectivité fonctionnelle desdits tribunaux. |
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