Evangélisation et Promotion Humaine( Télécharger le fichier original )par Bienvenu KONE GRAND SEMINAIRE SAINT AUGUSTIN DE BAMAKO - Licence Canonique 2009 |
CHAPÎTRE I- LES FONDEMENTS SCRIPTURAIRES DE L'AGIR SOCIAL DU CHRÉTIENEn parcourant la Bible, nous pouvons bien nous rendre compte que de l'amour immense dont Dieu entourant l'homme, est transcrit de façon particulière dans ses différentes interventions. Progressivement révélé à travers les signes multiples et divers de sa présence protectrice au sein du peuple élu, Dieu a manifesté Son Amour à Son peuple, le peule d'Israël qu'il s'est choisi de préférence parmi tous les peuples de la terre . Au-delà de cette longue histoire d'amour vrai et réel avec le Peuple élu, c'est avec toute l'humanité qu'il établi ce lien d'amour accompli par/en l'avènement de son Jésus Christ, le révélateur du Père par excellence, le Verbe dont l'incarnation est la preuve sublime et plénière de l'amour de Dieu pour l'homme et pour tout homme. Dieu vient à la rencontre de l'homme pour le relever de sa chute, de son humiliation face au péché et lui restaure toute sa dignité « d'Etre créé à l'image et la ressemblance de Dieu »18(*). Le regard d'amour de Dieu pour l'humanité se découvre dans sa relation avec l'homme à travers l'histoire propre du peuple d'Israël dans l'ancienne alliance et son dessein de salut pour toute l'humanité dans la nouvelle alliance. D'où la nécessité pour nous de redécouvrir cet amour dans toute sa profondeur pour tous les hommes en général et surtout pour l'homme bo en particulier dans sa précarité, afin de saisir tout le sens pour ce peuple de façon particulière. « Il s'agit de savoir dans quel mesure, en fin de compte, le destin des pauvres est au coeur du mystère de la Révélation Divine »19(*) et comment la Parole de Dieu qui est bonne nouvelle vient relever l'homme bo. Nous sommes convaincus que le règne d'amour et de paix de Dieu proclamé par Jésus Christ est destiné à tous les hommes comme leur libération du mal sous toutes ses formes, même les plus abominables. Le Christ a vaincu la mort par sa résurrection pour donner à tous les hommes la vie ; cela prouve qu'il a vaincu toutes les forces du mal et toutes les formes de mort, dont la pauvreté, la famine, la soif, la misère, l'oppression qui constituent des formes expressives de la mort de l'homme bo. Car ce salut et cette libération qu'apporte le Christ à tous les hommes, incluent le salut de la personne humaine dans tous ses aspects physiques et spirituels, son corps et son âme. I-1- DANS L'ANCIEN TESTAMENTL'histoire de Yahvé Dieu avec son Peuple, le peuple d'Israël nous montre que Dieu n'est pas neutre. Il prend une part active dans la vie et la survie de son peuple au milieu des nations païennes. Mais bien avant, lorsque nous remontons à l'origine, dans le livre de la genèse, au commencement de l'existence de l'homme sur la terre, nous découvrons que l'homme est le fruit de l'amour. Dans l'histoire du peuple d'Israël, nous découvrons le regard bienveillant de Dieu envers les pauvres que sont la veuve et l'orphelin les opprimés et les esclaves fréquemment cités. C'est en raison de cet grand amour dont il veut embellir l'être humain qu'il veut libérer l'homme de toute forme de domination, non seulement de la domination spirituelle qu'est le péché, mais aussi de la domination charnelle, physique, que peuvent être l'exploitation et l'exclusion sociale qui handicapent l'être humain jusqu'aux profondeurs de son être, son intégrité physique, morale et spirituelle. Dès les origines d'Israël, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob se révèle comme celui qui prend toujours la défense du pauvre la veuve et l'orphelin. Il est le Dieu juste. Le peuple, toute fois se laissait abuser par les démons du pouvoir et de la richesse : les forts opprimaient les faibles et les riches s'enrichissaient au détriment des pauvres. Mais la voix des prophètes rappelait sans cesse les exigences de la justice que Yahvé veut pour ses enfants. Ainsi Israël ne pouvait nullement pas prétendre être le peuple du Dieu juste, si de toute son énergie, il ne s'efforçait pas de faire de la justice le centre et la norme de sa vie sociale et collective. C'est ainsi qu'existaient parmi les coutumes deux audaces qui suscitent encore l'admiration, même si elles n'étaient pas toujours appliquées strictement comme elles sont prescrites. En effet, chaque septième année en Israël, la terre devait être laissé en jachère et ses produits spontanés revenaient aux pauvres. C'était en quelque sorte l'année sabbatique (Ex 23, 10-13 ; Dt 15, 1-8 ; Lev 25, 2-7). Les esclaves étaient affranchis, et les débiteurs, libérés de leurs dettes, pouvaient à nouveau tenter leur chance. Les possédants devaient compter sur les récoltes de six années précédentes pour vivre. Pour les petites gens, c'était l'année de grâce accordée par Yahvé, le Dieu juste. En plus, après 49 ans, c'était l'année jubilaire, une institution plus subversive encore (Lv 25,8-17 ; 23-55). Outre la mise en jachère des terres, la libération des esclaves et la remise des dettes, les maisons et les champs qui avaient été aliénés, pour une raison ou une autre, revenaient à leurs anciens propriétaires. Puisque tout était à Dieu, une minorité ne pouvait donc pas s'approprier tous les biens et les outils de travail. C'était une forme de justice sociale en Israël pour traduire la volonté de Yahvé, le Dieu juste et vrai, le seul vrai juge. Adorer Dieu et exploiter le pauvre étaient donc considérés comme deux attitudes contraires. Quand le peuple l'oubliait, les prophètes élevaient leur voix pour le rappeler et avec la plus grande fermeté, en Oracle de Yahvé. Le peuple d'Israël attendait le messie qui viendrait instaurer la justice de Dieu dans le monde en chassant l'occupant. Marie quand elle apprend qu'elle sera la mère du Messie, chante son allégresse au nom des opprimés, des affamés et des pauvres de Dieu. Les mots de son cantique d'allégresse font écho à la parole des prophètes et à sa foi au Dieu juste, qui aime les pauvres et se préoccupe de la situation des plus faibles de son peuple. Au coeur donc de l'expérience du peuple d'Israël se trouvent sans doute la conviction et la confession d'une foi au Dieu libérateur. La foi au Dieu libérateur suppose de toute évidence la foi au Dieu Unique, au Dieu Créateur, miséricordieux et juste, qui est au coeur de la confession de foi du peuple juif : « Ecoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est Unique »20(*). C'est dans cette foi au Dieu créateur et Unique que doit se découvrir l'imminente dignité de l'homme et de tout être humain, car elle confère à la libération d'Egypte une signification universelle. Une réalité du peuple d'Israël, un peuple jadis marginalisé qui va s'actualiser en tout homme. Tous les exploités et les opprimés (peuples, minorités ethniques, individus) de toute l'histoire et tous les pays ont le droit de se réapproprier cette histoire impersonnelle des hébreux, puisqu'elle n'est pas liée à un moment donné de l'histoire humaine mais à la réalité même du Dieu Sauveur. Dieu en libérant son peuple dont le cri lui est parvenu depuis l'Egypte (Ex1, 7), atteste à travers une histoire particulière, celle du Peuple d'Israël, qu'Il est non seulement contre toute exploitation et toute oppression de l'homme par l'homme mais qu'il a une préférence particulière pour les pauvres, les faibles que les psalmistes désignent par la veuve et l'orphelin. Il est le Dieu qui a du souci pour l'opprimé. Nous osons dire que la libération d'Egypte déboucha sur des conséquences pratiques que sont la confession de foi et la révélation d'un Dieu libérateur. Le livre de l'Exode qui est le paradigme même de la rédemption raconte une histoire de libération, de promotion de l'être humain à travers celle du seul Peuple, le peuple d'Israël. L'histoire d'un Dieu, Yahvé, qui accorde un grand prix à son peuple et à travers le peuple d'Israël, c'est à tout peuple et à tout être humain que Dieu accorde ce prix. « J'ai vu la misère de mon peuple ; je connais ses angoisses, je suis descendu pour le délivrer » (Ex3, 7-8). Ce cri des nécessiteux, des innocents et des victimes qui constituent le peuple d'Israël auquel Dieu ne peut rester sourd est toujours d'actualité dans le contexte sociopolitique de l'homme bo aujourd'hui. Son coeur de Père en souffre réellement devant la misère des enfants en esclavage. Cela se précisera plus tard par l'alliance qu'il va conclure avec son peuple. C'est bien chez les prophètes que l'appel à la justice et à la solidarité, fondé sur la foi au Dieu libérateur, s'est fait le plus pressant. Les pratiques religieuses qui s'accompagnent d'injustice et d'égoïsme n'étaient qu'une abominable hypocrisie pour ces hommes de Dieu. Ils annoncent un Dieu qui se porte au secours des pauvres, des persécutés et des opprimés. Ils interpellent vivement la société sur le sort des pauvres. Ils veulent faire comprendre que dès que l'injustice et l'oppression se généralisent et que la corruption se répand à l'encontre et à la défaveur des pauvres abandonnés à leur propre sort, la vraie religion n'est plus. Car Dieu ne peut accepter une oppression de sa créature. Les prophètes situent la vraie religion dans la relation avec les pauvres et des opprimés et mieux encore, ils montrent que la prise en charge de leur destin social fait l'objet d'une béatitude de la part de Dieu : « N'est-ce pas partager ton pain avec l'affamé, héberger chez toi les pauvres sans abri, si tu vois un homme nu, le vêtir, ne pas te dérober devant celui qui est ta propre chair, alors ta lumière éclatera et la gloire de Yahvé te suivra. Si tu te prives pour l'affamé et si tu rassasies l'opprimé ta lumière se lèvera dans les ténèbres »21(*). Il s'agit ici des faibles, des persécutés, des malheureux, des indigents, des veuves et des orphelins, de tous les hommes et femmes qui sont victimes des injustices sociales et politico-économiques de notre monde. A travers l'histoire propre du peuple d'Israël, un peuple qui a connu une condition d'esclavage (Ex 13,3), nous découvrons donc la manifestation suprême de ce Dieu, Maître de l'histoire et dont l'universalité de la tendresse atteint tous les hommes en situation difficile et surtout les plus démunis, les nécessiteux. Dieu vient promouvoir chaque homme en lui accordant sa dignité d' « être sacré » puisqu'il porte l'emprunte sacré de son créateur qui est Saint, Sacré, à l'image et à la ressemblance duquel il fut créé (Gn1, 27). C'est dans ce contexte que les prophètes ne cessent d'élever la voix contre les abus des plus hautes autorités. Ils dénoncent donc une religion qui n'a pas de rapport avec la vie quotidienne, politique, sociale et professionnelle. Ils font ressentir que la prise en compte du sort des pauvres est également une fidélité à la Loi. L'amour de Dieu s'affirme pour tous ceux qui sont dans la survivance, en proie à la faim, à l'injustice, à la violence, à toute forme de misère et pour tous ceux sont déjà morts ou inexistants dans leur fort interne parce que sans espoir. Cet amour s'étend également pour tous ceux qui appartiennent aujourd'hui dans notre monde au cortège des humiliés de l'histoire humaine. Et lorsque Dieu promet la libération et le don d'une terre merveilleuse à son Peuple, c'est par amour qu'il le réalise. Non seulement il veut délivrer son Peuple, mais aussi il veut qu'il vive dans le bonheur. Car la liberté sans le bonheur apparaît insuffisante pour l'épanouissement véritable de l'être humain. « Je vous ferai monter de l'affliction d'Egypte vers la terre...vers une terre qui ruisselle de lait et de miel »22(*) dit Yahvé à l'endroit de son peuple livré en esclavage sur une terre étrangère égyptienne. Le livre des proverbes montre le lien particulier qui attache Dieu au plus démunis, aux faibles : « Opprimer le pauvre, c'est outrager son Créateur » (Pr14, 31). En d'autres termes, Dieu est atteint dans tout ce qui dégrade, dénigre, anéanti la liberté et la dignité de l'être humain. Cet être humain, c'est chaque homme ou femme, quelque soit son appartenance ethnique, raciale ou clanique. Car Dieu subit en sa personne la maltraitance, la peine et la misère des pauvres et des opprimés, oserions-nous dire en nous referant aux sapientiaux « Ne dépouille pas le pauvre, et n'opprime pas, à la porte, le malheureux, car Yahvé épouse leur querelle et ravit à leurs ravisseurs la vie »23(*). La prise en charge du destin des plus démunis, des affamés, des opprimés, des non vêtus, des sans-logis, des affamés, des exclus de la société est l'objet d'une béatitude dont il convient que chaque chrétien en prenne conscience dans sa réalité quotidienne, sa vie de chaque jour et de tous les jours s'il veut être fidèle à sa foi chrétienne. La foi au Dieu Créateur engage dans une responsabilité conséquente qui doit se sentir et se découvrir dans le vécu quotidien du croyant. Car il se sanctifie par son action qui fait du bien aux autres, comme le livre des proverbes nous le consigne « Béni sera l'homme bienveillant, car il donne de son pain au pauvre » (Pr22, 9) ; « Heureux qui a pitié des pauvres » (Pr14, 21), Dieu se réjouit de ses oeuvres de fidélité et il lui destine ses bienfaits. Dans les psaumes, Yahvé est le Dieu qui libère, le Père de son peuple, surtout les plus démunis (Ps70, 6). Il est le Dieu de la vie dont l'amour et la puissance se révèlent dans les situations de détresse, de douleur et de mort ; « J'étais faible, et il m'a sauvé... Tu m'as délivré de la mort. Il en coûte au Seigneur de voir mourir ses fidèles. Tu as dénoué mes liens »24(*) écrit le psalmiste qui confesse sa reconnaissance au Dieu de la vie. Le Dieu Yahvé dont il est question dans les Psaumes est un Dieu attentif à la vie de ses enfants ; C'est donc un Père qui se rend présent dans la vie de chaque homme et à tout instant, pour trouver remède à tout ce qui entrave son épanouissement. Il est celui qui fait justice aux défavorisés, car tous les hommes ont du prix à ses yeux. « Il fait droit aux opprimés, il donne du pain aux affamés ; le Seigneur délie les Prisonniers, le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, le Seigneur redresse ceux qui fléchissent, le Seigneur aime les justes, le Seigneur protège les immigrés, il soutient l'orphelin et la veuve »25(*). L'expérience d'Israël est celle d'un Dieu sauveur qui vient libérer l'être humain d'une situation dont est elle prisonnière et qu'on peut qualifier de situation mortelle. Car la maltraitance déshumanise et l'esclavage enlève à l'être humain sa dignité d'enfant de Dieu. L'engagement du croyant et surtout du chrétien dans la société trouve son sens et toute sa vérité dans sa foi en ce Dieu bienveillant envers les pauvres, les opprimés, les sans défenses. Pour cela, le chrétien est invité à faire renaître dans son milieu de vie, dans sa société, l'espérance là où sévissent et surgissent les formes de misère, d'injustice et de violence. Cet amour de Dieu pour l'humanité et pour tout être humain atteint sa plénitude, son perfectionnement dans la personne de Jésus Christ, le verbe de Dieu. La présence de Dieu se manifeste dans les mouvements miraculeux de libération de son peuple, et dans l'accompagnement de ce même peuple. Mais cet amour s'est révélé de façon beaucoup plus manifeste en son fils Jésus christ. Pour rendre sa relation avec l'homme davantage visible et plénière, Dieu est venu habiter parmi les hommes, afin que l'humanité soit restaurée dans son intégrité. En Jésus Christ, c'est Dieu qui vient faire chemin avec l'homme. Nous reconnaissons l'image parfaite du Père en son Fils Jésus Christ. Celui qui est venu témoigner, par sa vie, ses actes et ses paroles de l'infini amour et suprême de Dieu pour l'humanité et pour tout être humain dans la singularité de son histoire et de sa personnalité. * 18 Gn1, 27 * 19 J.ELA, Repenser la théologie africaine. Le Dieu qui libère, Paris, Karthala, 2003, p.224 * 20 Dt 6,4 * 21 Is 58,7-8.10 * 22 Ex3, 17 * 23 Pr22, 22-23 * 24 Ps116, 3-8, 15, 17 * 25 Ps146,6-9 ;1o,18 ; 103,6,14 ; 107,9,14-16 ; 68,7 ; 145,14 ; 42,7 |
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