Section II: Les chocs pétroliers :
exogènes ou endogènes
Les chocs pétroliers sont le plus souvent
imprévisibles. Et même, ex-post, il n'est pas évident de
trouver des explications affirmatives des épisodes de chocs qui ont
déjà eu lieu. Certains économistes considèrent que
les chocs pétroliers sont des phénomènes strictement
exogènes à la sphère et à la performance
économique, alors que d'autres, ont réussi à prouver un
impact relatif des indicateurs macroéconomiques sur la volatilité
des prix de pétrole
(essentiellement les indicateurs de la croissance
économique).
En effet, les politiques exogènes au Moyen-Orient ont
été souvent considérées comme étant les
principaux facteurs susceptibles de déclencher les chocs
pétroliers. Cependant, l'histoire récente a montré que
plusieurs chocs ont eu lieu même en absence de grands conflits politiques
ou militaires en Moyen-Orient. Par exemple pendant les hausses du cours du
baril de pétrole qui ont eu lieu entre mars 1999 et novembre 2000, les
conflits politiques ont été absents. Dans le même ordre
d'idées, après novembre 2000, le prix de pétrole a
diminué malgré que le marché mondial était
privé des exportations pétrolières irakiennes et
malgré que c'était l'un des hivers les plus froids dans le monde
et surtout aux Etats-Unis. Aussi, après les attaques terroristes de
septembre 2001, et le déclenchement de la guerre en Afghanistan, le prix
du pétrole brut continue sa diminution.
D'autres observateurs, voient que les hausses du prix de
pétrole de 1999-2000 étaient planifiées
(unilatéralement) par le cartel de l'OPEP lors de son assemblée
de mars 1999. Une telle interprétation est difficile à percevoir,
vu que l'OPEP, ne peut pas se procurer soudainement d'un tel pouvoir, alors
qu'elle n'a pas réussi depuis 1986 à maintenir un niveau des prix
suffisamment élevé et satisfaisant à ses membres. Donc la
réunion de 1999, ne peut pas être la principale cause de la hausse
des prix, car les dizaines d'assemblées depuis 1986, n'ont pas
réussi à le faire.
Une analyse économique, plutôt que politique des
cartels peut fournir une explication plus plausible en se basant sur les
modèles standards des cartels. Selon les travaux de Green et Porter
(1986), la capacité des cartels à maintenir un niveau
élevé des prix de leurs produits dépend largement de la
qualité de l'information que chacun des membres dispose sur les autres
membres du cartel. Chaque membre doit surtout savoir si les autres membres
trichent en dépassant leurs quotas de production ou bien s'ils les
respectent. Or pendant les phases imprévisibles de faible demande,
causant une chute des prix de l'output, les membres du cartel vont choisir
d'excéder leurs quotas et de commercialiser des quantités plus
élevées pour que leurs recettes ne se dégradent pas. De
cette manière, les récessions affaiblissent les cartels, alors
que les expansions les renforcent.
En fait, l'assomption de l'imparfaite observabilité de
la production règne dans le marché de pétrole, car les
statistiques crédibles sur les niveaux de la production ne sont obtenues
qu'après de longs retards. Ainsi, on peut parvenir à une
explication possible du choc de 1999- 2000. Le choc a eu lieu tout simplement
parce qu'il s'agissait d'une phase de forte croissance économique qui a
redonné du pouvoir à l'OPEP.
Les embargos, ont aussi beaucoup servi à expliquer
quelques épisodes de chocs pétroliers et notamment celui de 1973.
La hausse des prix de pétrole pendant le premier choc pétrolier
ne semble pas être directement induite par la guerre d'octobre. En effet,
la majorité des pays impliqués dans les actions militaires
-l'Egypte, la Jordanie, la Syrie et l'Irak- n'étaient pas des
producteurs potentiels de pétrole à l'époque.
Cet embargo, indépendamment de la guerre peut avoir un
fondement endogène relativement aux conditions macroéconomiques.
Barsky et kilian (2002), renvoient l'embargo à des évidences
historiques et institutionnelles, en faveur de
l'endogénéité (économique) du dit embargo. Ils
précisent que les objectifs de la guerre et de l'embargo étaient
divergents à la date de l'instauration de l'embargo. Le choc de la fin
de 1973 peut être tout simplement dû aux formes institutionnelles
du marché de pétrole qui ont nécessité un
délai pour que le prix s'ajuste suite au boom de la demande du
début des années 1970 (Barsky et Kilian, 2002). Mais s'il y'a une
contribution de la guerre dans la hausse des prix de pétrole de 1973-74,
c'était uniquement les craintes des distorsions des futurs
approvisionnements de pétrole. Ces craintes ont été
accentuées par le contexte économique de la période qui
était en pleine expansion.
Hamilton (2003) voit que les événements
politiques ont joué un rôle important lors des épisodes de
chocs pétroliers de l'histoire récente. Hamilton a
repéré les épisodes de chocs, ainsi que la baisse de
l'offre mondiale de pétrole et les répercussions sur la
croissance des Etats-Unis qui leur sont associés. Les observations de
Hamilton sont décrites dans le tableau ci-dessous tout en
précisant les dates des conflits politiques.
Date
|
Evénement
|
Diminution de la production mondiale
de pétrole
|
Diminution du PIB réel des
Etats-Unis
|
Novembre 1956
|
Crise du Suez
|
10,1%
|
-2,5%
|
Novembre 1973
|
Guerre arabo-israélienne
|
7,8%
|
-3,2%
|
Novembre 1978
|
Révolution iranienne
|
8,9%
|
-0,6%
|
Octobre 1980
|
Guerre du Golf I
|
7,2%
|
-0,5%
|
Aout 1990
|
Guerre du Golf II
|
8,8%
|
-0,1%
|
Moyenne
|
|
8,5%
|
1,4%
|
Source: Palgrave Dictionary of economics
Dans ce tableau de faits stylisés, Hamilton ne laisse
aucun doute du rôle significatif des conflits militaires et politiques au
Moyen-Orient dans le déclenchement des chocs pétroliers. Pendant
les cinq conflits qui ont eu lieu au Moyen-Orient l'offre mondiale de
pétrole a subi une diminution moyenne de 8,5%, en entrainant une
diminution de 1,4% (en moyenne) du
PIB réel américain. Cependant, on peut signaler
que l'impact des événements politiques sur l'offre mondiale de
pétrole ont gardé leur impact important sur l'offre mondiale de
pétrole (une baisse de la production dans tous les cas supérieure
à 7%), leurs effets sur la croissance économique des Etats-Unis a
remarquablement diminué. Le choc pétrolier qui a eu le plus grand
impact sur le PIB réel des Etats-Unis était celui de la guerre
arabo-israélienne de 1973. Ce choc pétrolier précoce
dû à un embargo exercé par le pays arabes membres de
l'OPEP, a entrainé une chute du taux de croissance des Etats-Unis, qui
estimé par Hamilton à 3,2%.
|