CHAPITRE 1 :
GENERALITE S
1. PARC NATIONAL DE TAÏ
1.1. Historique
En 1926 fut créé un Parc Refuge d'une superficie
de 960 000 ha dans la région du Sud-Ouest de la Côte-d'Ivoire
(Koné, 2004). Ce Parc Refuge obtient le statut de Réserve
Spéciale de Faune en 1933, puis celui de Forêt Classée, en
1955 (PNT, 2001). C'est en 1956, par arrêté N° 56-87 du 7
août 1956, que le nom de Taï (ville située à 20 km
dans sa partie Ouest), pour la première fois, est associé
à cette aire protégée ; qui devient, alors, «
Réserve Intégrale pour la Faune et la Flore ». Elle comptait
425 000 ha de superficie (PNT, 2001). En 1972, par décret N° 72-544
du 28 août 1972, la grande partie de cette réserve (350 000 ha)
devient « Parc National de Taï » et la partie nord (72 700 ha
environ) obtient le statut de « Réserve Partielle de Faune du N'Zo
». Un an plus tard, la superficie de la Réserve de Faune du N'Zo
augmente de 20 000 ha au détriment du Parc National de Taï (PNT).
En 1978, le PNT intègre le réseau international de
Réserves de la Biosphère et est inscrit, depuis 1982 sur la liste
du Patrimoine Naturel Mondial de l'Humanité de l'UNESCO (PNT, 2001 ;
Koné, 2004).
L'actuel PNT s'étend sur une superficie de 457 000 ha,
et est prolongé, au Nord, par la Réserve de Faune du N'Zo (77 000
ha) (PNT, 2001). Cet ensemble, d'une superficie de 534 000 ha, constitue le
plus grand bloc intact de forêt ombrophile primaire d'Afrique de l'Ouest
(Koné, 2004).
1.2. Localisation géographique
Le Parc National de Taï est situé au Sud-Ouest de
la Côte d'Ivoire dans les Régions du BasSassandra et du
Bas-Cavally. Il est compris entre 5°08' et 6°24' de latitude Nord et
entre 6°47' et 7°25' de longitude Ouest dans l'interfluve entre le
Cavally et le Sassandra (PNT, 2001). Il est à cheval sur sept
sous-préfectures appartenant à quatre départements
(Guiglo, Soubré, San Pedro et Tabou) (Figure 1).
Figure 1: Carte de la situation géographique du
Parc National de Taï
1.3. Climat
Le climat du Sud-Ouest de la Côte-d'Ivoire est du type
subéquatorial, chaud et humide toute l'année (Guillaumet et
al., 1984 ; PNT, 2001).
Ce climat est caractérisé par deux saisons de
pluies, une grande (mi-mars à juillet) et une petite (septembre à
novembre). Elles alternent avec une grande saison sèche (décembre
à mars) et une petite saison sèche (juillet à août)
(Figure 2).
La moyenne des précipitations annuelles est de 1 800 mm
et la température moyenne mensuelle varie de 24° C à
28° C (Hoppe-Dominik, 1998 ; Koné, 2004). L'humidité
relative moyenne mensuelle de l'air est comprise entre 80% et 85%, et peut
atteindre souvent 100% pendant la nuit (PNT, 2001).
Les vents dominants soufflent du Sud au Sud-Ouest et la
durée d'insolation annuelle est comprise entre 1800 h et 2100 h (PNT,
2001). L'harmattan y est irrégulier et très peu ressenti ; une
à deux semaines au maximum entre décembre et janvier (Adou et
al, 2005).
350
300
250
200
150
100
50
0
Mois
Figure 2 : Courbe de l'évolution de la
pluviométrie de la Région de l'Ouest (1919-1998)
1.4. Relief
Le relief du Parc National de Taï est une
pénéplaine qui descend graduellement d'environ 300 m
jusqu'à la mer (Avenard et al., 1971). Elle est cependant
boursouflée au sud de la Hana par de petits massifs. Il s'agit du Mont
Klon (370 m), du Mont Gilas (360 m) et du Mont Nienokoiué (396 m). Cette
topographie ondulée est caractérisée par des
dénivellements de 20 m à 40 m entre collines et bas-fonds avec
des pentes douces et longues (Bousquet, 1992).
1.5. Hydrographie
Le Parc National de Taï est drainé par de nombreux
cours d'eau permanents qui se partagent entre deux grands bassins versants et
deux bassins de petits fleuves côtiers. Près de 88% de la surface
du PNT est drainée par les affluents du Cavally, notamment
l'Audrénisrou, la Hama, le Nzé et le Memo (Hoppe-Dominik,
1995).
1.6. Géologie et pédologie
Les formations géologiques du Parc National de Taï
» appartiennent au socle primaire précambrien. Elles correspondent
aux deux grands cycles orogéniques successifs libérien et
éburnéen. Elles sont dominées par des roches
métamorphiques (Schistes). Le reste est formé de roches
plutoniques (granites) (Riezebos et al., 1994).
Sur le plan pédologique, les sols dominants sont
ferralitiques fortement désaturés. On rencontre des sols
hydromorphes à texture hétérogène assez
grossière dans les fonds de vallées des cours d'eau (Avenard et
al. 1971).
1.7. Flore
En raison de sa situation géographique et des
conditions pluviométriques, le Parc National de Taï fait partie de
la grande région floristique Guinéo-congolaise des forêts
ombrophiles denses sempervirentes (FGU-Kronberg, 1979).
C'est essentiellement un massif de forêt dense humide
sempervirente qui relève du complexe Eremospatho-Mabetum
qualifié de forêt subhygrophile (Mangenot, 1956). En bas de pente,
l'on rencontre les éléments appartenant au complexe
Diospyro-Mapanietum liés à des sols argileux ; en particulier les
nombreuses espèces du genre Mapania (Cyperaceae) et
Tarrietia utilis sprague (Sterculiaceae) (Guillaumet et
al., 1984).
Le PNT est formé en grande partie par les forêts
à Eremospatha macrocarpa et Diospyros mannii. Ce n'est
que dans le sud du parc que les forêts à Diospyros ssp et
Mapania ssp constituent la formation de climax (Guillaumet et
al., 1984).
La forêt du PNT est caractérisée par la
présence d'arbres géants de 40 à 60 m de hauteur avec chez
certaines espèces, d'énormes racines contreforts aliformes
[Piptadenistrum africanum (Hook.f.) Brenan (Mimosaceae),
Klainedoxa gabonensis Pierre ex Engl. (Irvingiaceae)] ou des racines
échasses à leur base comme chez Uapaca spp
(Euphorbiaceae). La grande densité de la végétation limite
la visibilité à environ 20 à 25 m. Elle diminue
considérablement la lumière incidente atteignant le sol
(Koné, 2004).
La richesse floristique du parc est considérée
comme étant relativement élevée, par rapport à la
flore forestière du massif guinéen, à cause de la
présence de taxa caractéristiques dits « sassandriens »
(Guillaumet et al., 1984). De récentes études
menées par Adou et al. (2005) ont porté la flore du PNT
à 1231 espèces.
1.8. Faune
Le Parc National de Taï est l'un des derniers grands
bastions forestiers ouest africain pour la faune forestière (Hamilton,
1976). Il abrite 93% des espèces de mammifères de la zone
forestière ouest-guinéenne. Il compte environ 140 espèces
de mammifères (Riezebos et al., 1992) dont 43
Chiroptères, 41 Rongeurs, 15 Ongulés, 14 Carnivores, 14
Insectivores, 12 Primates etc. Les principales familles des mammifères
rencontrées dans le PNT sont dominées par cinq ordres que sont
les Primates, les Artiodactyles, les Carnivores, les Pholidota et les
Proboscidea. L'ordre des Primates comprend trois familles (Lorisidae,
Cercopithecidae et Pongidae à laquelle appartiennent les
chimpazés (Pan troglodytes verus). Celui des Artiodactyles
comprend quatre familles (Suidae, Hippopotamidae, Bovidae, et Tragulidae) et
l'ordre des Carnivores est formé de trois familles qui sont les
Mustelidae, les Viverridae et les Felidae. L'ordre des Pholidota est
constitué de la famille des Manidae (Pangolins), alors que celui des
Proboscidea comprend la famille des Elephantidae dont la seule espèce
présente au PNT est l'éléphant des forêts
(Loxodonta africana cyclotis) (Bousquet, 1992).
Cet ensemble compte une douzaine d'espèces
d'endémiques. Les sous-espèces endémiques des Primates
sont présentes dans les forêts denses ouest-africaines
situées à l'ouest du Sassandra. On y trouve le cercocèbe
enfumé (Cercocebus atys atys), le cercopithèque
pétauriste (Cercopithecus petaurista), le cercopithèque
Mone (Cercopithecus mona lowei), le cercopithèque Diane
(Cercopithecus diana diana) et le colobe magistrat (Colobus
polykomos polykomos). Par ailleurs, Cercopithecus petaurista,
Cercopithecus diana diana et Colobus polykomos polykomos sont
endémiques d'Afrique de l'Ouest. Chez les insectivores, deux
espèces de musaraignes endémiques et rares de l'Afrique de
l'Ouest ont pu être identifiées : Crocidura nimbae et
Crocidura muricauda. (Refisch et Koné, 2001 ; Seka et Kissi, 2002).
Le micropotamogale (Micropotamogale lamottei) est lui aussi une
espèce endémique du massif forestier d'Afrique de l'Ouest de
même que l'hippopotame pygmée (Choeropsis liberiensis),
le céphalophe zébré (Cephalophus zebra) et le
céphalophe d'Ogilby (Cephalophus ogilbyi).
Le céphalophe de Jentink (Cephalophus
jentinki) est, quant à lui, endémique de Côte d'Ivoire
et du Libéria, strictement cantonné à l'Ouest du
Sassandra.
L'avifaune du PNT est très riche en espèces ; le
nombre d'espèces d'oiseaux inventoriés est de l'ordre de 235
à 240 (Allport et al., 1994 ; Koné, 2004). Les familles
les plus importantes sont les Accipitridae (Rapaces), les Alcedinidae
(Martins-pêcheurs et Martins-chasseurs) et les Bucerotidae (Calao). Vingt
quatre de ces espèces dont la pintade à poitrine blanche
(Agelastes meleagrides), de la famille des Phasianidae et le grand
calao à casque jaune (Ceratogymna elata), de la famille des
Bucerotidae sont classées endémiques pour la zone
forestière d'Afrique de l'Ouest (Koné, 2004). Neuf d'entre elles
sont considérées comme en danger et quatre menacées
d'extinction (PNT, 2001)
Le PNT compte une importante population de serpents
estimée entre 43 espèces (Rödel, 2004). Parmi eux,
Dendroaspis viridis (Elapidae) est une espèce endémique
du PNT. Trois espèces de crocodiles (Crocodylidae) se rencontrent dans
le PNT bien que le Crocodile du Nil (Crocodylus niloticus) y soit
très rare. On y retrouve également plusieurs espèces de
tortues, de varans, de caméléons et de lézards (PNT,
2001).
Les amphibiens du PNT ont été très peu
étudiés. 56 ont été dénombrées
(Rödel, 2004). Quatre de ces espèces sont endémiques du PNT.
Il s'agit de Phrynobatrachus taiensis (Ranidae), Hperolius
nienokouensis (Hyperoliidae), Bufo taiensis (Bufonidae) et
Cardioglossa leucomystax (Arthroleptidae).
Comme dans la plupart des aires protégées de
Côte d'Ivoire, la richesse spécifique en poissons, en insectes et
autres invertébrés reste encore assez mal connue (PNT, 2001). Les
populations d'insectes sont toutefois diversement connues selon les recherches
thématiques qui ont contribué à leur identification. Les
groupes les mieux recensés à ce jour sont les coprophages (93
espèces), les odonates (51 espèces), les diptères (109
espèces), les fourmis (95 espèces), les termites (44
espèces) et les nématodes (24 espèces) (PNT, 2001).
Toutefois, ce sont, vraisemblablement, des dizaines de milliers
d'espèces,voire plus, qui restent inconnues de la science dans
l'ensemble biogéographique que représente la forêt de
Taï (Koné, 2004).
1.9. Population riveraine
Lors du classement en 1972, il n'y avait pas d'installation
humaine permanente dans le Parc National de Taï. Les populations
riveraines autochtones appartenaient toutes au grand groupe Krou composé
des Bakwé à l'est et au sud-est, des Kroumen au sud-ouest, des
Oubi à l'ouest, des Wè au nord-ouest, des Bété et
des Kouzié au nord-est (Bonnéhin et al., 1997). La
situation démographique de cette région qualifiée
longtemps de désert humain a été modifiée par
divers phénomènes sociaux, économiques et politiques. Les
immigrants ne sont arrivés qu'à partir des années 1970 par
deux grandes vagues de natures différentes (Riezebos et al.,
1992).
La première vague, composée d'allochtones
Baoulés, Malinkés, Senoufo, Lobi, Yacouba et d'allogènes
Burkinabé, Maliens, Ghanéens, Guinéens et Mauritaniens,
est arrivée suite à la mise en valeur des territoires du
sud-ouest ivoirien et à la flambée du prix du café et du
cacao pendant la même période. Quant à la deuxième
vague, elle est arrivée suite à la guerre civile du Liberia en
1989 (Bonnéhin et al., 1997).
Le recensement national de 1998 a donné 781 695
habitants vivant dans la région du PNT, repartis dans 74 villages (PNT,
2001). Ces populations riveraines pratiquent l'agriculture (Seka et Kissi,
2002).
1.10. Braconnage dans le PNT
Le braconnage est la plus grande menace qui pèse
actuellement sur le parc. On estime à 20.000 personnes le nombre de
braconniers vivant à la périphérie directe du PNT (Seka et
Kissi, 2002). Parmi eux, environ 600 personnes pratiqueraient le braconnage
comme une activité professionnelle (Refisch et Koné, 2001). Le
braconnage est le délit le plus fréquemment constaté dans
le PNT. En 2001, il représentait à lui seul près de 81%
des délits du parc (PNT, 2002). Visant au début les
Eléphants pour leur ivoire, le braconnage s'est orienté vers
d'autres grands mammifères tels que les céphalophes et les singes
(Adou et al., 2005). Entre 1997 et 2002, 744 céphalophes et 686
singes ont été saisis sur des braconniers (Seka et Kissi,
2002).
1.11. Gestion du PNT
Pour assurer une bonne gestion du Parc National de Taï,
le gouvernement ivoirien a créé le Projet Autonome pour la
Conservation du Parc National de Taï (PACPNT) par arrêté
n°0198 du 02 Juillet 1993. Ce projet rattaché à la Direction
de la Protection de la Nature (DPN), fonctionne en partenariat avec la Mission
de Coopération Technique Allemande (GTZ), le
Fonds Mondial pour la Nature (WWF) et le Bureau TROPENBOS
Côte-d'Ivoire. L'autonomie du projet a permis, jusque là, de mener
des activités de protection des ressources naturelles avec une grande
flexibilité (Bonnéhin, et al., 1997). L'objectif global
du PACPNT est la conservation à long terme du PNT. L'approche globale de
ce projet consiste à impliquer les populations riveraines dans la mise
en place de stratégies de conservation du PNT. Les principaux axes
d'intervention du PACPNT sont entre autres :
· le renforcement de la surveillance et la modernisation de
moyens de surveillance ;
· la promotion du parc à travers le
développement de l'écotourisme et la sensibilisation des
populations riveraines ;
· la stimulation de l'auto-promotion des populations
riveraines à travers une assistance technique et financière
à divers projets de développement.
Depuis septembre 2004, la gestion du PNT est assurée de
l'OIPR.
Le PNT est subdivisé en cinq secteurs coordonnés
par une Direction de Zone (Zone Sud- Ouest) située à San
Pedro.
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