2. SYSTEME DE BIOMONITORING
2.1. Définition
Le mot biomonitoring est composé de deux termes :
« bio » qui signifie « vie » et « monitoring » ;
terme angliciste qui signifie « suivi ». Selon Spellerberg (2005), le
biomonitoring est la collecte ou la mesure et l'analyse de données et
processus écologiques de façon courante à intervalle de
temps régulier. Il permet d'apprécier les risques encourus par
(ou que peut encourir) un écosystème afin de prendre les mesures
qui s'imposent. C'est un processus à long terme (Weaver et al.,
1998, N'dri, 2005). Il existe plusieurs types ou catégories de
biomonitoring. Vaughan (2001) distingue quatre types qui sont :
· le biomonitoring simple qui consiste en l'enregistrement
des valeurs de variable unique en un endroit et à un moment donné
;
· le biomonitoring de recherche : l'absence de
données historiques pour un problème de l'environnement dans une
région particulière peut être remplacée par une
étude comparative des conditions ambiantes courantes dans la
région affectée et dans une région non affectée
;
· le biomonitoring par substitut : ici, le manque
d'informations écologiques antérieures sur la variable est
compensé par l'utilisation d'informations de remplacement pour
inférer des changements ; et
· le biomonitoring intégré qui consiste
en l'utilisation d'un ensemble détaillé d'informations
écologiques.
2.2. Objectif
L'objectif principal du biomonitoring est de suivre de
manière permanente l'évolution des écosystèmes. Il
s'agit donc de :
· observer et décrire les changements (cycliques,
occasionnels lents ou brusques) ;
· intégrer et évaluer leurs impacts
écologiques ; et
· proposer des mesures d'aménagement.
2.3. Régions contrôlées
Toutes les régions de la terre peuvent faire l'objet
de biomonitoring. Cependant, certaines régions peuvent paraître
prioritaires de par leur statut « en danger ». Tout dépend des
objectifs que l'on se donne (Sutheland, 1996). Les régions qui font
l'objet de biomonitoring sont :
· les régions où les impacts des
activités humaines sont élevés de sorte à
compromettre l'utilisation durable des terres ;
· les régions où l'impact anthropique est
moindre, mais dont les informations pourraient servir de base de comparaison
à celles de régions similaires ayant été
affectées par l'homme ; et
· les régions non affectées par les
activités de l'homme mais pour lesquelles l'on voudrait savoir si une
déchéance environnementale se produit par exemple.
2.4. Collecte des données
Les variables sur lesquelles porte le biomonitoring
concernent aussi bien les êtres vivants (animaux, végétaux,
bactéries, etc.) que les êtres abiotiques (sol, atmosphère,
eaux) (Southwood et Henderson, 2001).
Les méthodes de collecte sont aussi diverses que les
entités pour lesquelles elles sont utilisées. Elles
dépendent de plusieurs paramètres tels que la région,
l'espèce, l'objectif, les moyens (Southwood et Henderson, 2001 ;
Vaughan, 2001). Elles vont de l'utilisation de satellites aux fouilles
souterraines en passant par les relevés terrestres. Le matériel
utilisé pour la collecte des données est également
varié.
Dans le cadre du biomonitoring de la faune, deux principales
méthodes de collecte des données sont utilisées
(Bouché, 2001). Il s'agit du recensement direct et du recensement
indirect. Le recensement direct est basé sur un
décompte direct des animaux vus (par des moyens aériens,
terrestres ou aquatiques). Quant au recensement indirect, il est basé
sur l'observation d'indices d'abondance ou de présence (crottes, trace
de pas, nids, carcasses, cris, etc.) (Bouché, 2001 ; Vaughan, 2001).
Le recensement peut être total ou partiel. Le
recensement total se fait sur toute l'étendue de la zone d'étude.
Cette méthode, trop coûteuse financièrement et
matériellement n'est pas conseillée pour de grandes surfaces
(Buckland et al., 1993 ; Bouché, 2001). Le recensement partiel
se fait sur des unités-échantillons. Si toutes les
unités-échantillons sont parcourues, on a affaire à un
recensement systématique. Par contre, si une partie seulement des
unités- échantillons est prospectée ; on parle de
recensement par échantillon.
Les unités-échantillons peuvent être des
transects, des quadrats ou des blocs.
2.4.1. Recensement par bloc
Le recensement par bloc permet de localiser des troupeaux
d'une même espèce sur des blocs de quelques centaines de
mètres de côté (Michel, 1999 ; Chardonnet, 2000 ;
Bouché, 2001). Les blocs sont fouillés en long et en large pour
compter tous les animaux considérés. Cette technique est
utilisée pour étudier la dynamique des populations (sex-ratio,
structure par âge, femelles enceintes, etc.) (Bouché, 2001).
2.4.2. Recensement par quadrats
Le recensement par quadrats consiste à quadriller la
zone d'étude par des carrés de 3 km de côté ou par
des rectangle de 3 x 5 km2. A chaque intersection de ligne et de
colonne sont dessinés des quadrats de 100 m x 100 m. Chacun de ces
petits quadrats d'un hectare est fouillé. Le recensement par quadrats a
le même principe que celui par blocs.
2.4.3. Recensement par transect
Quant au recensement par transect, il s'effectue dans les
zones où l'usage de l'avion est inefficace de par la densité des
habitats (Bouché, 2001), de par la topographie du terrain, trop
dangereux ou non valide pour les petites espèces qui se prêtent
mal aux recensements aériens (Bouché, 2001). Le transect est une
ligne le long de laquelle les animaux sont comptés. On distingue trois
types de recensement par transect qui sont le recensement par transect en
bande, le recensement par transect en ligne et le recensement par transect en
point.
· Le recensement par transect en bande
(strip transect) : ici une bande de largeur w est fixé
à l'avance de part et d'autre de la ligne de transect de sorte que la
superficie de celle-ci est : S = L. 2. w = L. l (Arvanitis et al.,
1997 ; Buckland et al., 1993 ; Bouché, 2001) avec L = longueur
du transect l = 2w = largeur du transect S = superficie de la
bande-échantillon ou bande du transect.
· Le recensement par transect en ligne (line
transect) : dans ce cas, la largeur w du transect n'est pas
fixée et peut être théoriquement égale à
l'infini. w est déterminé par les mesures des distances
perpendiculaires séparant les animaux de la ligne de transect ou par
l'angle et la distance d'observation. Cependant cette largeur peut être
fixée pour des raisons techniques (champ visuel limité) (Buckland
et al., 1993 ; Bouché, 2001 ; )
· Le recensement par transect en point (point
transect) : la technique consiste à enregistrer des indices de
présence ou d'abondance (fèces, pas, etc.), mais aussi les
animaux à partir des points. Les données sont enregistrées
dans un rayon autour de chacun de ses points (Buckland et al., 1993,
1999 ; Bouché, 2001, Young, 2005).
Quelque soit le type de recensement, il faut avoir toujours en
sa possession une carte sur laquelle seront disposés les
unités-échantillons. La disposition spatiale obtenue est
appelée le « design ».
2.5. Traitement des données
Toutes les données recueillies sur le terrain sont
enregistrées dans une bibliothèque de données. Elles sont
corrigées pour éliminer les données aberrantes puis
analysées régulièrement. Il existe une multitude de
logiciels cartographiques (Arcview, MapInfo, etc.) et statistiques (Transect,
Elephant, Ecobeaker, EstimateS, Distance, etc.) conçus pour les analyses
(Buckland et al., 1993 ; Chardonnet, 2000 ; Bouché, 2001 ;
Young, 2004).
Le plus utilisé pour le biomonitoring des animaux est
actuellement le logiciel « Distance » dans sa version 4.1 (Buckland
et al., 2003 ; Thomas, 2005).
2.5.1. Détermination de la densité avec
Distance
La méthode d'estimation de la densité des
populations animales a été développée par Buckland
et al. (1993). Elle part du principe que la densité et la
taille de la population sont corrélées de la manière
suivante :
D= N
w
D est la densité par unité de surface, N le nombre
d'individus de la population et w la superficie en question.
Le logiciel Distance nécessite que les distances aux
objets observés soient mesurées avec un angle droit à
partir de la ligne de transect. En fonction du nombre d'objets observés
dans une classe de distance déterminée au transect, les
densités sont estimées. La probabilité de
découverte forme la base du calcul. Elle diminue avec la distance de
manière caractéristique de l'espèce.
r
è
Objet
transect
observateur
x
Figure 3 : Représentation de la distance
d'observation (Buckland et al. 1993).
Pour chaque estimation, la distance aux objets sur le terrain
(r) est mesurée. On mesure aussi l'angle (è) pour qu'ainsi la
distance avec un angle droit (x) puisse être calculée tel que suit
:
x= rsin(è).
Pour effectuer les calculs avec le logiciel Distance, six
hypothèses de bases sont posées :
1- les animaux sont distribués au hasard ;
2- les transects sont des lignes de longueur L
déterminée et repartis dans la zone inventoriée ;
3- les animaux situés sur la ligne de transect sont
toujours détectés (vus avec la probabilité g(x= 0) = 1)
;
4- les animaux sont immobiles au moment où ils sont
observés, ils n'ont pas bougés avant d'avoir été
détectés et aucun n'est compté deux fois ;
5- les distances et les angles sont mesurés avec
précision ;
6- chaque observation est un événement
indépendant.
En pratique, il n'est pas nécessaire de poser des
hypothèses (qui pourraient être erronées) quant à la
distribution spatiale des objets ; pourvu que les transects soient
disposés au hasard (Buckland et al., 1993). Dans les
méthodes couramment utilisées (estimateur robuste, non
paramétrique), seules les hypothèses de 2 à 5 sont
véritablement importantes.
2.5.1.1. Fonction de détection
Pour estimer la densité des animaux, il est
nécessaire de disposer d'un modèle conceptuel qui lie les
données aux paramètres de densité à estimer.
Le principe du modèle général est que la
probabilité de détecter un animal diminue quand on
s'éloigne de la ligne de transect. Mathématiquement cette
idée est représentée par une courbe g(x), dite fonction de
détection (Buckland, et al., 1993).
0,8
0,6
0,4
0,2
0,0
1,2
1,0
0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50
Perpendicular distance in meters
Figure 4 : Courbe de la fonction de détection g(x)
(Buckland, 1993) 2.5.1.2. Estimation de la densité
La fonction g(x) est la probabilité d'observer un objet
ou un animal donné situé à une distance perpendiculaire x
de la ligne de transect (Buckland, et al., 1993 ; Bouché,
2001). C'est aussi la probabilité des points comme fonction de leur
distance les séparant de la ligne de transect.
g(x)=Pr(x= w)
On en déduit que la probabilité d'observer un
animal situé sur la ligne de transect (x = 0) est égale à
1 ; c'est-à-dire g(0) = 1. g(x) peut varier pour une même aire
d'étude selon des facteurs extérieurs (expérience des
équipes, météo, période du jour, taille des
groupes, etc.) (Bouché, 2001).
Pour une espèce donnée, la densité D
s'exprime par :
D= n
S
S
|
2 . .
L a
|
Avec
|
a w g x
= ? 0 ( )
|
dx
|
D : densité en nombre d'individus par km2 ou
par ha ;
n : nombre d'individus de l'espèce ;
S : superficie en km2 ou en ha ;
a : demie largeur du transect ;
L : longueur du transect ;
w : distance perpendiculaire maximale d'observation.
On obtient donc une ligne de transect de longueur L et de largeur
2w.
Parallèlement à la fonction de détection
d'un animal g(x), il existe une fonction détection de la densité
d'un animal f(x) tel que ;
f x ( )
g x
( ) =
a
g(x) et f(x) ont exactement la même forme. Avec g(0) = 1 on
obtient f(0) = 1 / a
2.L
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