1 .2.3 La demande d'un contenu numérisé
A l'image du phonographe, du vinyle et de la K7, la
disparition du support CD semble inéluctable. Dans une logique
historique, on peut se demander alors, quel sera le support physique qui
viendra en remplacement ? Probablement aucun, c'est en tout cas l'avis de
Patrick Waelbroeck. Ce dernier nous explique11 que la
dématérialisation du support des oeuvres musicales va
profondément modifier la nature même de l'échange.
L'arrivée du numérique et d'Internet fait écho à
une nouvelle demande de la part des consommateurs, la demande pressante d'un
produit numérisé, dématérialisé,
c'est-à-dire déconnecté de tout support physique,
facilement transportable, échangeable, un produit qui s'adapte à
leur nouveau mode de vie. De là, de nouvelles règles de jeu en
matière de consommation des oeuvres musicales devraient
apparaître.
Des pratiques qui évoluent de façon
exponentielles
Si certains pouvaient espérer acquérir et
stocker des milliers d'albums sur supports physiques, malgré le
coût et l'encombrement liés au stockage, la bibliothèque
numérique devient désormais accessible à tous. De fait,
l'internaute va pouvoir en quelques heures, disposer à distance des
titres, albums, discographies complètes d'artistes. Une fois
téléchargées depuis P2P puis stockées sur un disque
dur ou baladeur multimédia, l'utilisateur peut accéder
instantanément à un volume plus considérable d'oeuvres
musicales qu'il n'aurait jamais pu se procurer bien qu'il n'en fera jamais
usage en totalité.
Une tendance innovante se dégage : l'engouement pour le
stockage semble s'effacer au profit d'une nouvelle vision de
l'instantané : le flux multimédias
11 Cf. annexe n°2 p.61, interview de Patrick
Waelbroeck, professeur associé à l'Ecole Nationale
Supérieure des Télécommunications (ENST).
continus12. Les fichiers sont stockés sur de
puissants serveurs et sur P2P et mis à disposition directement sur la
toile, les citoyens français, connectés à Internet jusque
dans la rue via leurs ordinateurs portables et téléphones
mobiles, peuvent accéder à un contenu sans avoir à le
télécharger préalablement. Il n'est dès lors plus
utile de stocker des données puisque ces dernières sont devenues
accessibles immédiatement.
Economie Monde
Les frontières des réseaux P2P s'étendent
bien au-delà de l'hexagone. Le phénomène est mondial et
c'est ce qui fait toute sa richesse en termes de volume. Les données
numériques stockées sur les ordinateurs des particuliers,
contribuant à alimenter les réseaux P2P, sont
émiettées ça et là, elles le sont aussi dans le cas
des serveurs publics de stockage. Ces puissants ordinateurs
hébergent13 et mettent à disposition un contenu
pourtant protégé par le droit français, protection
inapplicable lorsque ces serveurs sont localisés par exemple en
Corée, au Pakistan, etc.
Ainsi la mondialisation du phénomène vient
accélérer un processus qui n'a guère mis plus de 3
années à se mettre en place. La complexité portée
par delà les frontières n'a fait qu'accroître les
difficultés de l'industrie face au rôle grandissant joué
par les internautes « pirates » sur l'aire de jeu de
l'économie réelle.
Des marchés dynamiques « boostés
» par ces pratiques
Ces pratiques de consommation et d'échange des oeuvres
musicales ont largement été soutenues par l'émergence de
nouveaux marchés :
12 Streaming en anglais. Les fichiers peuvent
être stockés sur les ordinateurs des internautes (P2P) et sur des
serveurs (client-serveur). Le streaming permet d'accéder à un
fichier (vidéo - musique - texte) sans avoir à le
télécharger entièrement. Une copie temporaire est
cependant effectuée sur la machine de l'utilisateur.
13 Réseau de type « client-serveur
» Les internautes transfèrent (upload) un fichier
numérisé vers un serveur de stockage. Le lien (adresse web) qui
mène au fichier est généré, les internautes mettent
à disposition ce lien. Il ne reste plus qu'à cliquer dessus pour
accéder au fichier transféré.
- Les fournisseurs d'accès à Internet (FAI)
tirent des bénéfices colossaux de ce nouvel engouement pour les
échanges sur le web. Bertrand Le Gendre nous explique14 la
façon dont les FAI ont fait campagne, indirectement, pour engranger tous
les « bénéfices » de leurs offres en matière de
connexions Internet toujours plus rapides et performantes, offrant des
possibilités infinies en matière d'accès aux oeuvres
musicales sur Internet (via la seule offre en ligne à l'époque,
le P2 P).
- Le marché des supports de stockage (disque dur,
CD/DVD vierges, clefs USB, etc.) et celui des lecteurs multimédia (Ipod,
Archos, etc.) connaissent une progression fulgurante.
- Les opérateurs de téléphonie mobile
proposent le téléchargement de sonnerie, l'accès aux
forfaits pour télécharger des titres musicaux de façon
illimitée transformant les téléphones mobiles en lecteur
multimédia. Aujourd'hui, grâce à une connexion
illimitée à Internet depuis son mobile, l'utilisateur peut
écouter gratuitement de la musique en ligne via des plateformes Internet
basées sur le flux streaming offrant un accès instantané
aux catalogues complets des 4 grandes majors, soit plus d'une dizaine de
millions de titres.
- Le marché publicitaire est lui aussi fortement
dynamisé. Les plateformes de streaming comme Deezer rétribuent
des droits d'auteurs aux organismes de
14 Cf. annexe n°3 p.64, interview de Bertrand Le
Gendre Chroniqueur Editorialiste au Monde
collecte. L'accès aux oeuvres étant donc
légal et gratuit pour l'internaute, Deezer trouve son financement
grâce à la publicité.
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