CHAPITRE III. INCIDENCE DE
LA LIBERALISATION FINANCIERE SUR LE DEVELOPPEMENT DU SYSTEME BANCAIRE AU
RWANDA
Dans ce chapitre, nous analysons les conséquences qu'a
eu la libéralisation financière sur l'activité du
système bancaire au Rwanda. Pour cela, nous avons parlé des
effets de la libéralisation financière sur
l'intermédiation bancaire dans une première section, dans une
deuxième section, nous avons exposé l'activité bancaire
à l'époque des changements et ensuite nous avons formulé
une conclusion partielle établissant nos constatations en rapport avec
l'incidence de la libéralisation financière sur le
développement du système bancaire.
3.1 EFFETS DE LA
LIBERALISATION FINANCIERE SUR L'INTERMEDIATION BANCAIRE
Dans cette partie nous exposons les effets de la
libéralisation financière sur l'intermédiation bancaire au
Rwanda. Cela s'explique par la diversification des modalités de
financement et la baisse des taux d'intérêts et la diversification
de l'activité bancaire qui a entraîné la
marchéisation des conditions bancaires et le développement des
activités hors bilan.
3.1.1 Diversification des
modalités de financement et la baisse des taux
La transformation et le développement rapide des
marchés de capitaux au cours des années quatre-vingt ont eu un
impact important sur les structures de l'activité traditionnelle des
établissements de crédits. Les effets ont été
particulièrement sensibles sur l'activité d'intermédiation
classique pour donner lieu aux phénomènes de
désintermédiation et à la " marchéisation " des
conditions de financement bancaire.
L'ère de la finance directe et des nouvelles
technologies n'a donc pas tant engendré de
désintermédiation, mais qu'un nouveau partage des rôles
dans la sphère financière. En effet, l'intensification de la
concurrence et le développement du rôle des marchés ont
conduit à une diversification des modalités de financements de
l'économie.
Avec la création de nouveaux marchés de
financement (par exemple : la création des titres de créances
négociables, la création d'un marché de financement
à court terme...), les emprunteurs et principalement les entreprises ne
dépendent plus uniquement des banques pour obtenir des fonds ou pour
gérer leurs risques de taux d'intérêt ou de change. Les
banques ont vu également s'échapper les grandes entreprises avec
le développement des financements directs, non bancaires (actions et
billets de trésoreries) ainsi qu'avec la création de banques de
groupe
Tableau 4 : Evolution des
taux d'intérêt pendant la reforme
Période
|
Taux d'intérêt
créditeur
|
Taux d'intérêt débiteur
|
Taux sur le marché interbancaire
|
Taux du marché monétaire
|
Taux de refinancement
|
Taux moyen pondéré des bons du
Trésor
|
A la ponction
|
A l'injection
|
1995
|
12,12
|
17,95
|
-
|
-
|
-
|
16,00
|
-
|
1996
|
11,26
|
18,44
|
-
|
-
|
-
|
16,00
|
-
|
1997
|
9,97
|
16,63
|
8.00
|
-
|
-
|
10,35
|
-
|
1998
|
8,68
|
17,13
|
8,00
|
6.81
|
7,38
|
11,38
|
9,81
|
1999
|
9,12
|
16,84
|
8,90
|
-
|
-
|
11,19
|
9,81
|
2000
|
10,11
|
16,99
|
8,69
|
-
|
-
|
11,69
|
-
|
2001
|
10,18
|
17,29
|
11,14
|
9,50
|
-
|
13,00
|
9,25
|
2002
|
9,02
|
16,32
|
9,91
|
10,50
|
-
|
13,00
|
10,49
|
2003
|
9,43
|
16,45
|
10,38
|
11,63
|
-
|
14,50
|
12,68
|
2004
|
9,39
|
16,48
|
11,25
|
10,64
|
-
|
14,50
|
12,26
|
2005
|
8,01
|
16,08
|
9,84
|
9,00
|
-
|
12,50
|
10,24
|
2006
|
8,29
|
16,07
|
7,43
|
7,39
|
-
|
12,50
|
8,08
|
2007
|
6,77
|
nd
|
6,00
|
5,28
|
-
|
12,50
|
5,99
|
Source: BNR, Département de Supervision
Bancaire, Rapports annuels 2002 et 2007
En faisant une brève analyse de ce tableau, nous nous
rendons compte que le taux d'intérêt créditeur a
évolué à la baisse passant de 12.12% en 1995 à
6.77% en 2007. Le taux d'intérêt débiteur quant à
lui, a varié autour de 16% pendant plusieurs années de notre
période d'étude mais avec une tendance à diminuer, bien
que le taux de refinancement ne suivait pas le même rythme.
Dans ces conditions, les banques ont dû s'adapter
à ces variations brutales des besoins économiques. Elles ont
dû adapter leur offre aux nouveaux besoins de leur clientèle,
notamment en proposant de nouveaux produits. Mais, cette concurrence accrue
entre banques d'une part et entre banques et marchés financiers d'autre
part, a conduit à une baisse des taux débiteurs pratiqués
ainsi qu'à une baisse des prix des services bancaires. D'où une
certaine amélioration de la situation financière de la
clientèle des banques.
Egalement, la libéralisation financière en
vigueur au Rwanda depuis les années 1995 a entrainé des
changements importants dans la collecte des dépôts de la part du
système bancaire. Ainsi, le tableau 5 suivant montre comment ces
dépôts ont évolué pendant notre période
d'étude.
Tableau 5 : Evolution des dépôts (en
millions de Frw)
Période
|
Dépôts à terme et assimilés
en millions de Frw
|
Dépôts à vue dans les banques
en millions de Frw
|
Dépôts en devises en millions de
Frw
|
1995
|
7,234.7
|
22,187.7
|
15,153.0
|
1996
|
8,916.7
|
24,363.4
|
14,132.8
|
1997
|
17,409.8
|
33,609.2
|
15,920.0
|
1998
|
20,593.4
|
31,041.5
|
18,513.6
|
1999
|
20,027.0
|
36,279.4
|
19,505.2
|
2000
|
24,595.9
|
36,588.3
|
26,579.3
|
2001
|
28,518.0
|
38,421.1
|
27,850.7
|
2002
|
33,935.8
|
42,871.3
|
29,043.3
|
2003
|
30,699.3
|
49,786.9
|
41,496.0
|
2004
|
53,732.0
|
61,372.9
|
51,013.8
|
2005
|
70,754.2
|
84,621.3
|
43,672.7
|
2006
|
104,754.6
|
97,770.5
|
59,178.4
|
2007
|
138,663.2
|
152,072.1
|
68,634.0
|
Source : Elaboré à partir
des données recueillies auprès du département des
études 2007
Parmi les facteurs de l'augmentation des dépôts,
l'on peut citer l'accroissement des dépenses publiques qui ont
entraîné la hausse du déficit global base ordonnancement
hors dons de 7,1%, mais aussi le niveau plus élevé de
l'activité économique croissance du PIB de 6,5% contre 4,5%
prévu initialement).
Parmi les facteurs de l'augmentation rapide des
dépôts à vue on citerait l'appréciation continue
de la monnaie nationale vis-à-vis des devises étrangères,
qui s'est traduite par l'augmentation de la préférence des
épargnants pour les dépôts en francs rwandais en
général.
Après une contraction de 6,0% en 2002, le crédit
intérieur a connu une augmentation très sensible de 33,3% au
cours de l'exercice sous revue, une hausse qui a concerné
simultanément ses deux composantes, à savoir le crédit net
à l'Etat et le crédit à l'économie.
S'agissant du crédit à l'économie, son
évolution a largement été influencée par les
prêts garantis à l'Hôtel Prime Holding.
Au cours de 2003, l'évolution du crédit net
à l'Etat a été rapide face à un volume important de
dépenses non couvertes par des appuis budgétaires
extérieurs devenus très irréguliers.
Ainsi, le niveau du crédit net à l'Etat est
passé de 1,2 à 17 milliards de FRW entre décembre 2002 et
décembre 2003. En fait, l'année 2003 a été
caractérisée par un ralentissement significatif de
déboursements extérieurs comparativement aux années
antérieures. Il s'en est suivi que l'Etat a intensivement utilisé
les ressources bancaires pour couvrir les dépenses qui ont
été particulièrement élevées à partir
du mois de juillet avec une forte expansion en octobre 2003. Le graphique de la
page suivante montre l'évolution des crédits intérieurs
entre 1995 et 2007.
Graphique 4 : Evolution des crédits
intérieurs (en millions de Frw)
![](LA-liberalisation-financiere-developpement-intermediation-financiere-rwanda-1995-20074.png)
Source : Elaboré à partir
des données recueillies auprès du département des
études 2007
Constitué du crédit net à l'Etat et du
crédit à l'économie, le crédit intérieur
est passé de 70,88 à 93,22 milliards de FRW de 2005 à
2006, soit une hausse 31,6%. Ce renversement de la tendance qui était
observée depuis deux ans, résulte de la forte augmentation du
crédit à l'économie, qui a plus que compensé la
baisse du crédit net à l'Etat.
Constitué essentiellement du crédit au secteur
privé et du crédit aux entreprises publiques, le
crédit à l'économie est passé de 132,7 à
162,6 milliards de Frw soit une hausse de 22,55% contre 19% enregistré
en 2005. Le crédit au secteur privé a enregistré une
augmentation plus significative, passant de 131 à 162,2 milliards de
Frw, soit un accroissement de 23,88%, tandis que le crédit aux
entreprises publiques est resté stable.
L'expansion du crédit au secteur privé a
répondu à la croissance économique
qui, selon les premières estimations, aurait atteint
6,5% contre 4,5% prévu initialement.
Comme signalé précédemment, le
crédit net à l'Etat est resté négatif et a
évolué à la baisse pour la troisième année
consécutive, passant de -661,99 à -669,44 milliards de Frw suite
à la consolidation des dépôts de l'Etat accumulés
dans e système bancaire.
Cette accumulation de dépôts est la contrepartie
de l'afflux des aides financières extérieures en appui au budget
et aux projets, de l'annulation de la dette extérieure de la BNR au
titre du MDRI, mais résulte aussi des performances exceptionnelles
enregistrées dans a collecte es revenus intérieurs.
3.1.2 Diversification de
l'activité bancaire
Le développement des marchés financiers ayant
fait perdre aux établissements bancaires une partie de leur
activité traditionnelle (collecte des dépôts et octroi de
crédits), ceux-ci vont pouvoir réagir notamment en diminuant les
coûts d'intermédiation, par ailleurs ils vont aller
eux-mêmes sur les marchés à la fois pour lever des fonds et
émettre des titres et pour acheter des titres, enfin ils vont
développer toute une nouvelle gamme de services liés au
fonctionnement des marchés financiers. On parle désormais de
marchéisation des conditions bancaires, développement des
activités hors bilans et la titrisation.
Au Rwanda, avec la libéralisation financière,
l'activité des banques de la place s'est trouvée
diversifiée. Ainsi, les banques rwandaises interviennent dans presque
tous les secteurs de l'activité économique. Cette situation peut
normalement s'expliquer par le tableau en annexe qui présente
l'évolution des crédits bancaires selon les secteurs de
l'économie.
Avec la libéralisation, le système financier
participe de plus en plus dans les activités économiques car les
crédits octroyés ne cessent d'augmenter au fur des années
et dans tous les secteurs de l'économie nationale que ce soit à
court terme, à moyen et long termes.
3.1.2.1
Marchéisation des conditions bancaires
La marchéisation, c'est ni plus ni moins la
généralisation des financements aux prix du marché. Il
importe de noter que la marchéisation ne veut pas dire une
réduction du rôle des banques, bien au contraire ; c'est
plutôt une mutation de leur rôle à laquelle nous allons
assister. Le développement très important des activités
bancaires dites hors-bilan est le signe le plus évident de cette
transformation.
Deux phénomènes lui sont liés : d'une
part, les financements par émission de titres s'accroissent au
détriment des financements bancaires traditionnels ; d'autre part, ces
derniers sont de plus en plus affectés par les conditions des
marchés financiers.
L'un des phénomènes les plus marquants des 15
dernières années, c'est la marchéisation de
l'intermédiation financière, qui couvre deux
éléments très interdépendants :
1) l'ampleur croissante de l'intermédiation
financière assurée par les banques à des conditions qui
sont presque entièrement déterminées par le jeu des
mécanismes du marché ;
2) l'ampleur croissante de l'intermédiation
financière qui s'opère sur les « marchés » des
capitaux, sans apparaître dans les bilans des banques et des institutions
financières.
|
|