Chapitre II : DYSFONCTIONNEMENT DE L'ADMINISTRATION
FONCIERE COMME ENTRAVE AU DEVELOPPEMENT
Dans ce chapitre, nous allons voir principalement le
développement rural sur tous ses aspects qui permettront de faire
avancer la commune en question. Nous allons dès lors parler de l'impact
de la sécurité/l'insécurité foncière sur la
productivité agricole, des rapports entre productivité et
irrigation des terres et de la mode de participation à la gestion des
infrastructures d'irrigation.
I- Impact de la sécurité foncière
sur la productivité agricole
A Madagascar, où la pauvreté frappe surtout le
milieu rural, la protection de la propriété foncière est
cruciale pour le bien être des plus pauvres, dans la mesure où
elle conditionne, l'amélioration de la productivité agricole
à travers plusieurs démarches, d'abord comme motif d'incitation
à la valorisation de la terre mais aussi comme clé d'accès
au crédit et, enfin, comme moyen de stimuler la mobilité des
facteurs.
Pour la grande majorité des agriculteurs malgaches, le
fait de ne pas détenir des titres fonciers est une barrière
insurmontable à l'accès au crédit. La protection du droit
de propriété est une condition préalable à
l'accès au crédit bancaire, dans la mesure où les biens
immobiliers sont les principales formes de garanties exigées par les
institutions financières.
D'une autre manière, sans titre foncier, les terrains
n'ont pas de valeurs marchandes, par conséquent, l'insuffisance de
l'immatriculation foncière empêche le développement du
marché de la terre. La non fluidité du marché de la terre,
avec comme corollaire le verrouillage des modes d'acquisition réduit en
particulier les possibilités de transfert vers des utilisateurs plus
efficaces.
La sécurité foncière ne stimule la
productivité que si la protection du droit de propriété
est intégrale, en d'autres termes matérialisée par des
titres fonciers irrévocable et garanti par des structures juridiques
adéquates. La sous administration foncière est le principal
obstacle à la promotion de la sécurité foncière. La
vulgarisation de titres de propriété, se heurte en particulier
à l'insuffisance des services fonciers. Actuellement, la seule
alternative à l'insécurité foncière due à
l'absence de titre foncier reste la décentralisation de la gestion
foncière et la restructuration des services fonciers.
Lors de notre enquête, 83% des personnes qui ne
possèdent pas de titre foncier sont inquiètes sur leur sort et
n'exploitent pas suffisamment son terrain de peur de ne pas avoir la
récolte à leur profit. De plus, elles vivent en permanence dans
la crainte en attendant toujours un problème provenant des litiges
fonciers. Ces derniers ne se règlent pas au niveau communal mais finit
devant un tribunal qui engendre des dépenses exorbitantes pour les 2
parties.
II- Productivité et irrigation des
terres
La situation des petits exploitants agricoles est
aggravée par la faiblesse de leur productivité ; non
seulement, ils disposent de surfaces plus réduites, ils ont aussi une
productivité plus faible. La faiblesse de leur productivité vient
d'abord de ce qu'ils ne disposent pas suffisamment de terres
irriguées.
Comme les Malgaches cultivent essentiellement du riz sur des
grandes surfaces, le fait de disposer des terres irriguées est un
facteur essentiel dans leur situation, dans la mesure où les
rizières irriguées assurent une productivité plus
élevée. Une estimation effectuée par les chercheurs de
CORNELL UNIVERSITY montre que la culture de riz sur des terres irriguées
est effectivement l'un des principaux déterminants du niveau de
consommation à Madagascar. Plus précisément, 1 HA
supplémentaire de rizière irriguée, par rapport à
la surface moyenne exploitée, correspond à 40 000 AR de
dépenses de consommation supplémentaire pour l'exploitant
agricole, c'est-à-dire 120% de consommation en plus par rapport au
niveau de consommation minimum.
La production moyenne de paddy est environ 1 tonne à
l'HA sur des terres non irriguées alors qu'elle est de 3 tonnes à
l'HA sur des terres irriguées. Ce niveau de productivité plus
élevé sur des terres irriguées, se traduit par le fait
que, mes agriculteurs propriétaires de terres irriguées ont un
niveau de consommation 1,5 fois plus élevé que ceux qui
possèdent des terres non irriguées.
La situation des pauvres et la structure de la pauvreté
en milieu rural s'expliqueraient, donc entre autre, par l'insuffisance et la
mauvaise distribution des rizières irriguées. Chaque agriculteur
ne dispose, en moyenne que 60 ares de rizières irriguées mais,
les plus pauvres sont les moins lotis.
Dans la Commune Rurale Ambinaniroa Andonaka, la
population se plaint de l'insuffisance d'infrastructure d'irrigation
malgré la présence de deux grandes rivières qui pourraient
irriguées suffisamment toutes les rizières de la commune. En
effet, il n'existe que 6 barrages pour les 10 fokontany
présents dans la commune. De ce fait, l'eau est devenue un
élément rare et source de conflit entre la population car les
terres des autres sont irriguées et pour d'autres non. La
productivité dans la commune dépend essentiellement de la pluie
et avec le réchauffement de la terre et les feux de brousses incessantes
la pluie est devenue elle aussi rare. L'absence d'infrastructure d'irrigation
devient donc un très grand inconvénient pour la
productivité et limite la périodicité de production, au
lieu de faire 2 récoltes par an la population se contente d'une seule. A
part la non vulgarisation des techniques agricoles modernes, l'insuffisance
d'infrastructure d'irrigation est un des plus grand facteur qui freine la
productivité. Certes, toute la population estime qu'elle pourrait
produire 2 fois plus et devenir le concurrent potentiel de la région
Alaotra Mangoro, le grenier du riz à Madagascar si elle
possédait une infrastructure d'irrigation adéquate et
opérationnelle. Des demandes d'implantation de ces infrastructures ont
été déposées par la commune auprès des
autorités compétentes mais en vain jusqu'à présent.
Sauf pour l'ONN sollicité par la coopérative des paysans de la
fokontany de Bokony qui a fait le déplacement pour
aider la population en envisageant d'implanter un barrage qui pourrait irriguer
toutes les rizières situées dans ce fokontany.
Heureusement pour remédier à ce problème d'irrigation, une
association a formé des paysans dans cette commune des techniques de
culture moderne qui ne nécessitent pas l'utilisation d'une grande
quantité d'eau, les cultures concernées sont le riz, le manioc et
la pomme de terre. Cette nouvelle technique ne vient d'être
appliquée que pour cette saison, son efficacité n'est pas encore
prouvée mais les paysans restent très optimistes.
III- Mode de participation à la gestion
d'infrastructure d'irrigation
1- La participation outil de base du développement
Le développement suppose la création des
conditions qui améliorent et renforcent les aptitudes des individus et
l'épanouissement de leur personnalité, par l'élargissement
des choix offerts à toutes les personnes qui constituent la
société.
La participation peut être définie comme la
contribution d'un individu ou d'un groupe d'individus à la
définition d'un objectif et à la mise en oeuvre des moyens
permettant de l'atteindre. Elle est le reflet du rôle que les
différents acteurs devraient jouer dans tous les domaines de la vie en
tant qu'individus et / ou en tant que groupes.
La participation est à placer, pour ce qui est de ses
résultats, sur un itinéraire de responsabilisation et
d'interdépendance ; c'est donc un processus qui est
constitué par plusieurs paliers. Les deux premiers paliers
(amélioration de l'efficience et partage des coûts avec la
population desservie) font référence à une certaine forme
de participation, conçue comme une mobilisation de la main - d'oeuvre
locale. Mais participer c'est prendre part aux efforts, mais aussi aux
décisions et aux fruits procurés par ces efforts. Ce qui implique
un processus d'écoute et d'accompagnement de formation et d'information.
Ces conditions permettent d'atteindre progressivement trois autres
paliers : l'amélioration de l'efficacité (obtenir des
résultats les mieux adaptés aux objectifs visés), puis la
construction des capacités des bénéficiaires sur les plans
technique, managérial et stratégique et finalement la
capacité à s'auto - organiser, à prendre des
décisions concertées, à donner une marge de manoeuvre et
renforcer son pouvoir de négociation face aux autres organisations,
à l'administration et au marché.
En milieu rural, la participation se traduit par le
fokonolona qui détient un certain pouvoir en tant que
collectivité de base et les groupements ou groupes
d'intérêt qui sont des organisations démocratiques ;
ces dernières représentent les intérêts de leurs
membres et sont responsables devant eux. Ces groupes constituent de plus en
plus, des forces de proposition vis - à - vis de l'administration et des
autorités de l'Etat, en matière de prise de décisions, de
gestion de contrôle et de suivi de leurs activités et la vie des
populations en général.
2- La participation à la gestion d'infrastructure
d'irrigation
Comme les petits agriculteurs cultivent en priorité le
riz à des fins de consommation, pour assurer leur subsistance,
l'irrigation des terres est un facteur essentiel de leur bien être. En
effet, la technique la plus couramment utilisée par les paysans
malgaches consiste à repiquer et immerger les plants de paddy dans des
carrés de rizières ; mais cette technique nécessite
une bonne maîtrise de l'eau d'où l'importance de la gestion des
systèmes d'irrigation. La technique basée sur l'immersion des
plants de paddy et le repiquage est souvent mise en cause, car jugée
trop coûteuse ; coûteuse en temps, car le repiquage est
souvent fait à la main, du fait que les paysans n'ont pas d'outils de
repiquage mécanique, mais aussi coûteuse en eau car la
maîtrise de l'eau, indispensable à l'immersion nécessite
des infrastructures d'irrigation parfois très lourde. L'attachement des
paysans malgaches à cette technique peut cependant s'expliquer par la
taille de leur exploitation.
La longévité des infrastructures d'irrigation
est donc un intérêt capital pour les petits exploitants agricoles.
Dans ce cas précis, il faut un partenariat entre l'Etat et les
communautés d'usagers pour une meilleure gestion des barrages et canaux
d'irrigation ; cela suppose aussi bien la capacité des groupements
d'usagers de manière à inclure les paysans dans la conception, la
construction et la maintenance des ouvrages d'irrigation. Il s'agit de donner
plus de pouvoir dans la gestion des périmètres
irrigués.
L'idéal du partenariat serait donc de permettre aux
groupements de paysans de gérer eux-mêmes les structures
d'irrigation, auquel cas le rôle de l'Etat serait de coordonner, orienter
et règlementer les actions des groupes d'usagers.
La pérennité des ouvrages d'irrigation repose
sur l'entente entre les usagers. L'explication tient au comportement
opportuniste de ces derniers et à l'existence d'une asymétrie
dans la distribution de l'eau. Les exploitants en amont, c'est-à-dire
plus près des canaux principaux, sont souvent plus
avantagés ; l'opportunisme de ces derniers peut empêcher les
avalains de bénéficier des installations, ce qui
découragerait ces derniers à participer aux travaux d'entretien
et de maintenance. La gestion des infrastructures d'irrigation, par l'Etat tout
seul, ne peut donc qu'exacerber la tension entre les usagers. En d'autres
termes, l'entente dépend du degré d'implication des usagers dans
la gestion, plus l'entente se consolide et plus la gestion des
périmètres irrigués est efficace.
L'autonomisation de la gestion des infrastructures
d'irrigation contribue à faire reculer la pauvreté à
plusieurs titres. La prise de responsabilité à plusieurs niveaux
dans la gestion communautaire des périmètres irrigués
offre aux paysans l'opportunité d'intensifier leur participation, donc
de renforcer chez eux le sentiment de prendre leur destinée en main et
la conscience de contribuer au développement. La recherche quasi -
permanente de l'entente, qui est indispensable dans la pérennisation des
systèmes d'irrigation, renforce la capacité des
communautés paysanne à se prendre en charge, d'être
solidaire et de mener une action collective.
Dans le cas d'Ambinaniroa Andonaka, l'autorité
locale ne sensibilise pas assez la population pour participer à la
construction et à la pérennisation des infrastructures
d'irrigation. La population a appris à vivre avec cette insuffisance
d'eau et même si la construction d'un barrage facilite leur travail sans
la sensibilisation et l'aide de l'autorité locale ceci demeure un
rêve inachevé. Par ailleurs, dans quelques fokontany de
la commune, des coopératives paysannes se sont créées et
les paysans s'entraident et participent à la réalisation de leurs
futurs barrages et canaux d'irrigation qui leurs sont rentables. La
coopération et la responsabilité les permettront sans doute de
devancer les autres fokontany en termes de productivité. Mais
il ne suffit pas tout simplement de l'entretenir. La question qui se pose sera
donc dans quelle mesure les paysans seront - ils aptes à assurer la
pérennisation de ces infrastructures afin de pouvoir les utiliser
à long terme.
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