Gestion foncière et développement rural Cas de la commune rurale Ambinaniroa Andonaka( Télécharger le fichier original )par Narindra Ny Tiavina Troïanie JEAN PAUL Université d'Antanarivo - Maîtrise en sociologie 2008 |
PARTIE 1 : GENERALITESChapitre I : L'INTERDEPENDANCE ENTRE LE FONCIER ET LE RURALCe chapitre examine l'interrelation entre le problème foncier et celui du développement rural. I- Etat du secteur foncier et du développement rural à Madagascar 1- Le secteur foncier
Actuellement Madagascar est en transition foncière. La gestion foncière traditionnelle semble reculer face à l'individualisation et à la marchandisation de la terre. La terre devient de plus en plus un bien marchand qui s'exploite et d'échange avec ou sans le consentement des autorités traditionnelles. Ainsi, les citoyens malgaches se tournent vers l'Etat et ses services fonciers pour faire valoir leurs droits sur le sol. Pour l'année 2005, le Ministère des domaines a recensé un demi-million de demandes d'acquisition de terrains domaniaux qui sont déposés auprès des services fonciers. Encore plus nombreux sont les ménages qui souhaiteraient obtenir une reconnaissance écrite de leurs droits fonciers. Cependant, face à cette demande considérable, les services fonciers présentent une très faible capacité à délivrer des titres fonciers. Seuls 330 000 titres ont été établis depuis un siècle et actuellement, le rythme de délivrance d'actes stagne autour de 1 000 titres par an. Dès lors, les demandes d'acquisition déposées depuis un demi-siècle demeurent sans suite tandis que la superficie des propriétés titrées ne dépasse pas un quinzième du territoire. A cet effet, la lourdeur administrative est la principale cause de la faible capacité de délivrance des titres. En outre, les services domaniaux déconcentrés ne sont que de 30 pour 101 Districts et n'arrivent pas à satisfaire les demandes de titre au niveau de ces services. Aussi le service public rendu par les circonscriptions déconcentrées de l'administration foncière est- il jugé très insatisfaisant par les usagers, au regard, notamment, des longs délais pour l'obtention des documents fonciers tels les certificats juridiques. Les conditions de travail des agents sont difficiles : les bâtiments sont dans des états qui ne garantissent plus la conservation des documents ; les détériorations ont atteint un niveau difficilement réversible. Aujourd'hui, on peut constater que les usagers accordent peu d'intérêt aux procédures de mutation qui leur semblent complexes et onéreuses. Au fur et à mesure des ventes et des divisions, les énonciations des titres tombent de facto en désuétude dans la mesure où elles reflètent plus la réalité des droits sur le sol. Ainsi, avec le temps, l'information foncière gérée par les services fonciers, concerne non seulement une faible proportion des biens mais s'avère en complet décalage avec la réalité. De plus, l'immatriculation foncière et les opérations cadastrales ont des coûts très élevés au-delà des moyens et des possibilités des petits paysans.
Cette crise foncière qui se prolifère en ce moment génère une insécurité foncière généralisée. Certes, faute de régulation foncière communautaire et en raison de la faible capacité des services fonciers, un sentiment d'insécurité foncière s'est propagé sur l'ensemble du territoire. Peu de citoyens sont assurés de leurs droits sur la terre et nombreux sont ceux qui craignent une tentative de spoliation capable d'activer l'aboutissement d'un dossier d'immatriculation foncière. Ce contexte d'incertitude généralisée favorise le développement des conflits pour la maîtrise du sol, surtout quand la survie d'un groupe familial tient à l'exploitation d'une parcelle. L'immatriculation ne peut plus fonctionner sans apport financier du requérant et le volume considérable des demandes face à la très faible capacité d'établissement de titres fonciers entraîne également une situation favorable au monnayage des actes administratifs. C'est pour y remédier à cette crise foncière que le Président de la République Malgache a promulgué la loi N° 2006 - 031 du 24 novembre 2006 fixant le régime juridique de la propriété foncière privée non titrée. L'article premier stipule que « le régime juridique de la propriété foncière privée non titrée est celui qui s'applique aux terrains qui ne sont ni immatriculés, ni cadastrés, et dont l'occupation est constatée par une procédure définie par la présente loi ». Et l'article 2 en détermine le champ d'application à savoir que « le régime juridique de la propriété foncière privée non titrée est applicable à l'ensemble des terrains, urbains comme ruraux : · faisant l'objet d'une occupation mais qui ne sont pas encore immatriculés au registre foncier ; · ne faisant partie ni du domaine public ni du domaine privé de l'Etat ou d'une collectivité décentralisée ; · non situés sur une zone soumise à un statut particulier ; · appropriées selon les coutumes et les usages du moment et du lieu ». 2- Le développement rural
En fait, Madagascar jouit de hautes potentialités géographiques exceptionnelles permettant une grande diversité de productions végétales, tropicales et tempérées. Le pays compte une superficie totale de 58 704 000 ha dont près de 8 millions d'ha de terres cultivables. La superficie physique des exploitations agricoles, estimées à 2 083 590 ha, a connu une légère augmentation de 0,9 % en 20 ans. La surface agricole potentielle pouvant se prêter aux grandes cultures, zones de pâturages ou autres grandes productions est estimée à plus de 35 millions d'ha. La place de l'agriculture dans l'économie nationale est donc prépondérante. In REPUBLIQUE DE MADAGASCAR, 2008 - Gouvernance responsable et développement durable, Volume 1. Toutefois, l'agriculture pratiquée est traditionnelle et peu intensive, d'où le faible rendement. Les cultures vivrières qui sont dominantes, sont en majorité autoconsommées, à l'exception du riz pour les moyens et grands exploitants qui disposent d'un surplus de production. Les cultures de rente et d'exportation, destinées à la commercialisation sont en faible proportion. Entre autre, les exploitations sont de petites tailles (0,87 ha en moyenne) et se morcellent au gré des héritages. Certaines zones rurales connaissent une saturation foncière et font envisager des mouvements de migration. Madagascar fait partie des 88 pays classés dans la catégorie des pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV). C'est pourquoi une réelle priorité est conférée au développement du secteur agricole pour en faire un véritable moteur de la croissance économique. Le pays compte 75 % de population agricole (2005). C'est une population jeune dont 57% de moins de 20 ans en 2004 et croissante qui pourrait atteindre 27 millions d'habitants en 2020. La densité de population est encore faible, mais avec une répartition inégale sur le territoire, certaines zones étant pratiquement vides et d'autres au contraire connaissant des phénomènes de saturations foncières.
Ils concernent d'une part l'insécurité foncière due aux textes et réglementations obsolètes et inadaptés avec les nouvelles orientations. Ainsi, le droit foncier est imprécis favorisant le développement des conflits fonciers. Ces imprécisions sont les conséquences : · sur le plan social, de l'occupation des terres soumises à des règles coutumières complexes ; · sur le plan administratif, de l'acquisition légale des terres assujetties à une démarche administrative longue et coûteuse à coté d'une structure administrative peu développée ; · sur le plan culturel, d'un attachement excessif2(*) des Malgaches à la terre au point d'une rétention foncière rigide. D'autre part, on constate une faible augmentation de la production et amélioration de la productivité. Les acquis issus des programmes et/ou des projets de développement sont insuffisamment internalisés. Malgré le développement local de certaines techniques adaptées au contexte, l'application en reste limitée. Des défaillances dans les systèmes d'informations, des difficultés dans la maîtrise de la santé végétale et animale, des carences dans le dispositif de vulgarisation limitent l'accès aux services et la réalisation d'une meilleure performance. Par ailleurs, l'impact de la dégradation des couvertures végétales contribuent à une diminution de la fertilité du sol, entraînant une baisse constante des récoltes ou des revenus engendrés et accentuant encore plus la paupérisation. Le niveau technique des producteurs malgaches est généralement faible. Le caractère non durable de certaines techniques de production aggrave encore la situation. D'où une large majorité de paysans vivant en autosubsistance, ne mettant sur le marché que de petites quantités de produits, de qualité inadaptée au marché. D'où également un grand nombre d'éleveurs ancrés dans un système extensif. Le système de formation rurale, surtout post scolaire, constitue un maillon faible de la chaîne des filières. Les dispositifs sont inadaptés, inégalement répartis et souffre d'une insuffisance de ressource. Les nouvelles initiatives sont encore peu connues et soutenues. Un manque de formation des techniciens pour répondre aux besoins du développement rural se ressent visiblement. Les organisations professionnelles agricoles sont faibles et manquent de moyens et de personnels qualifiés. Les agriculteurs pratiquent surtout les cultures vivrières destinées à l'autoconsommation. Les produits ne donnent lieu à aucune transformation, ni même conservation par rapport à l'abandon en période de récolte. Dans les zones enclavées, ils sont peu disposés à l'augmentation de leur production faute de routes les connectant aux pôles consommateurs. Certaines régions productrices sont éloignées des grands centres de consommation ou des points d'exportation, ports ou aéroports. Par ailleurs, le milieu rural ne bénéficie pas assez d'adduction d'eau potable et d'infrastructure d'irrigation appropriées. L'extension des exploitations se trouve ainsi inopportun car n'apportant aucun surplus. II- Pertinence du problème au plan local L'un des principaux déterminants de la pauvreté à Madagascar est essentiellement l'accès à la terre. En effet, le « degré » de pauvreté diminue avec la taille de l'exploitation. Alors la situation des petits agriculteurs tient avant tout à l'exiguïté des surfaces qu'ils exploitent. Le contraste entre l'étroitesse des exploitations et l'existence de vaste étendue non cultivée oblige à explorer dans quelle mesure la gouvernance foncière peut - elle affecter l'accès à la terre. Ceci indique que la gestion foncière rencontre encore des problèmes en ce moment à Madagascar. Certes, l'acuité avec laquelle se pose le problème foncier à Madagascar, tient pour une large part, à l'imprécision des législations en la matière. L'ambiguïté du droit foncier malgache née de l'ambivalence entre régime traditionnel et régime moderne entrave l'accès à la terre de diverses manières. Aussi, si les pauvres ont d'énormes difficultés à s'approprier les terres vacantes, c'est que les procédures administratives ne leurs sont pas favorable. Officiellement, 70% du terrain relève du domaine public et la loi prévoit d'attribuer la propriété de la terre à celui qui la met en valeur, In REPUBLIQUE DE MADAGASCAR, 2005 - Lettre de politique foncière. Pour les paysans, une manière de conquérir de nouveaux espaces consiste à défricher une partie du domaine public. Cependant, rares sont les pauvres qui réussissent à s'accaparer légalement d'une parcelle du domaine public, en raison du coût élevé de la démarche et les longues démarches administratives. L'insécurité provoquée par la faiblesse des capacités de l'administration foncière pousse les populations à raffermir les règles coutumières, ce qui intensifie la rétention foncière. En effet, actuellement la complexité des procédures de cadastrage, d'immatriculation ou de titrage, à laquelle s'ajoute l'insuffisance de l'information en raison du caractère centralisé de l'administration foncière, conduisent à une situation où « l'acquisition légale des terres est le fait de quelques initiés au courant des formalités juridico - administratives ». Par ailleurs, le souci de faire développer le milieu rural de Madagascar est devenu une priorité pour l'Etat malgache. Tous les Président qui se sont succédé ont tous essayé de faire développer le milieu rural par le biais de diverses stratégies et programmes. Toutefois, il n'a pas toujours été facile de réaliser ce développement. En ce moment, on parle de la vision « Madagascar, naturellement » de par la vocation agricole du pays pour parvenir à une image de développement humain, économique et social poursuivie à terme. La concertation entre dirigeants et acteurs du développement rural est donc continuellement de mise. Sur le plan international, Madagascar bénéficie d'opportunités offertes par l'ouverture totale du marché européen, par l'accès privilégié au marché américain, par sa participation à la zone de libre échange du COMESA et à celle de la SADC et par les accords de l'APE et de l'OMC. Dès lors, entant que pays moins avancé, Madagascar pourrait bénéficier d'un accès privilégié aux marchés de nombreux pays développés ou en transition. Or afin de pouvoir accéder à tous cela, il faut une productivité importante et être très compétitif. Pour augmenter la productivité, il faut commencer d'abord par développer le milieu rural qui est sans doute l'ouverture pour arriver à ces buts. Dans ce sens, vu que Madagascar est un pays à vocation agricole, la croissance économique escomptée doit provenir en majeure partie du secteur agricole pour que les effets puissent effectivement se ressentir auprès de la population rurale. Etant aussi la plus grande île de l'Océan Indien et la plus à proximité du continent Africain, elle se doit de constituer un véritable grenier de produits agricoles pour tous les pays voisins qui importent encore d'Europe ou d'Asie leurs principales denrées alimentaires. Par conséquent, la gestion foncière occupe une place importante dans le développement rural à Madagascar. C'est la raison pour laquelle nous avons choisi ce thème pour en apprendre davantage. III- Objet d'étude La gestion foncière au niveau du développement rural a pour objet d'étude de : · favoriser la production agricole ; · renforcer la cohésion sociale au niveau local et communal, · assurer l'investissement privé, national et étranger ; · favoriser le développement des collectivités territoriales décentralisées. L'objectif principal est de répondre à la demande massive en sécurisation foncière dans des brefs délais et à des coûts ajustés au contexte économique et la mise en place d'infrastructure d'irrigation qui est un facteur essentiel pour assurer une productivité plus élevée. IV- Problématique Elle permet de soumettre à une interrogation systématique des aspects de la réalité en termes de gestion foncière et de développement rural mis en relation par une question qui leur est posée. Les obstacles majeurs empêchant le décollage d'un processus de gestion foncière sont les suivants : · panne du dispositif actuel ; · paralysie du service public ; · coûts élevés des opérations cadastrales ; · faible capacité de délivrance des titres ; · insuffisance d'infrastructure d'irrigation. La problématique du secteur agricole réside dans l'incapacité du secteur à mettre sur le marché des produits en quantité et de qualité. Les efforts de l'Etat reposent sur une augmentation substantielle de la production. Or, certains facteurs sont réellement bloquants ou néanmoins limitants à cet égard sont :
C'est pourquoi nous avons posé la question suivante « dans quelle mesure la gestion foncière favorise - t - elle le développement rural » ? V- Hypothèses Toute recherche sociologique commence par la formulation d'une question que nous avons énoncée dans la problématique et qui se poursuit par la construction d'hypothèse que nous allons voir dans cette section. C'est en relation avec la précarité des situations foncières et l'insuffisance d'infrastructure d'irrigation qu'un débat approfondi sur l'implication de la gestion foncière dans le développement rural est nécessaire et utile. En conséquence, nous avons avancé les hypothèses suivantes : · responsabilisation des communautés locales à la gestion foncière; · précision du droit foncier et la structure de l'administration foncière; · sécurisation foncière pour inciter les paysans à valoriser leurs terres ; · participation des villageois à la gestion des infrastructures d'irrigation.
* 2 BALANDIER, G. (1971), op cit p.123, ne disait - il pas que : « Les sociétés fortement attachées aux représentations et aux pratiques traditionnelles (notamment celles de l'Afrique noire) ont maintenu le rapport foncier au centre d'un système complexe de relations symboliques et rituelles, juridiques et techniques, sociales et politiques. Des droits, des Usages multiples et contradictoires interfèrent, et leurs interférences affectent l'expansion des cultures nouvelles destinées au marché extérieur. Cette situation contraire et retonde la mutation de la société paysanne. Le mode coutumier de transmissions des terres peut avoir des incidences de même nature... » |
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