PREMIERE
PARTIE : PROBLEMATIQUE.
I. LE
CHOIX DU SUJET.
Traiter un thème sur
l'Histoire des Comores, tel était notre but en nous inscrivant dans ce
DEA. Cependant le choix n'a pas été facile. Après
mûre réflexion et différentes concertations avec des
enseignants et étudiants comoriens, et après vérification
des travaux publiés sur les Comores, nous nous sommes rendus compte que
la résistance anticoloniale ne fait pas l'objet d'une étude
historique. Ainsi nous avons décidé de mener notre recherche sur
cette question.
L'Archipel des Comores a
connu une histoire qui lie les quatre îles entre elles. Dissocier
l'histoire de ces îles revient à vouloir séparer le destin
des île de cet archipel. Néanmoins, dans le cadre de notre sujet,
traiter la résistance anticoloniale dans l'ensemble des îles nous
paraît un projet ambitieux dans la mesure où les réactions
d'hostilité à la colonisation sont différentes selon le
lieu et le contexte. Chaque île connaît des
spécificités dans son organisation sociale et politique qui
différencie les enjeux de cette opposition. En plus les contestations
qui ont lieu dans chaque île n'ont pas forcement de répercussions
sur les îles voisines. Cela revient à dire que l'ampleur de cette
opposition se limite au niveau insulaire et les réactions respectives
n'influencent pas forcement les îles soeurs. Cet état de fait
s'explique probablement par les divisions naturelles et géographiques du
pays. L'insularité et les difficultés de communication ne permet
pas de coordonner les mouvements de résistance.
L'installation de
résidents français dans chaque île en est un parfait
exemple de cette diversité entre les îles. En effet Anjouan
s'oppose catégoriquement à l'arrivée d'un résident,
alors qu'en Grande Comore, le sultan Said Ali l'accueille à bras
ouvertes. Les différentes insurrections qui éclatent au tout
début du XXème siècle dans l'Archipel
illustrent également ces diversités. A Ngazidja des
émeutes contre l'impôt, éclatent en 1915 alors qu'il a
fallu attendre un quart de siècle pour voir l'île d'Anjouan
devenir le théâtre d'événements similaires mais de
faible envergure si l'on se réfère à MARTIN J2(*). L'ampleur de résistance,
varie d'une île à l'autre en fonction des enjeux et des forces en
présence.
L'Histoire coloniale de la
Grande Comore est marquée par la question foncière qui se trouve
au coeur de la plupart des mécontentements indigènes. Elle
persiste même après la décolonisation et entraîne des
conflits entre différentes localités de l'Archipel.3(*) Cela montre le degré
d'importance du problème foncière et le rôle qu'il a
joué dans la résistance anticoloniale aux Comores. Autant de
raison parmi d'autres, pour nous de limiter notre étude de la
résistance anticoloniale à la Grande Comore. Nous nous proposons
donc de traiter la résistance primaire dans une période allant de
1880 jusqu'en 1940.
Cette date ne marque pas la
fin de la résistance anticoloniale aux Comores, elle ouvre la voie
à d'autres formes de contestations au nouveau régime. La terre et
le travail demeurent des sources de mécontentement avec cette fois des
prétentions d'ordre politiques. Changement donc de stratégie,
l'hostilité des Comoriens connaissent des modifications des moyens
d'expression. Les interventions militaires matent les soulèvements
populaires, les déportations et les condamnations se multiplient sans
pour autant calmer les esprits aiguisés par la haine des blancs.
« La résistance va changer de forme, elle se
réfère à des valeurs nouvelles, introduites par la
colonisation elle-même, à savoir la démocratie, le droit
des peuples à disposer d'eux mêmes, la liberté....4(*) » la
résistance primaire disparaît donc progressivement avec
l'arrivée des mouvements politiques.
II.
L'INTÉRÊT DU SUJET.
Les chercheurs qui ont
travaillé sur les Comores se sont intéressés
fréquemment à l'histoire politique contemporaine. Ils se sont
beaucoup moins intéressés au thème de la résistance
à la conquête et à la domination coloniale. Le but de cette
recherche consiste donc à essayer de faire la lumière sur un
épisode moins connu de l'histoire comorienne. En effet la
résistance anticoloniale aux Comores demeure un sujet très peu
abordé. On se contente de mentionner souvent le caractère
belliqueux des sultans de cet Archipel en faisant allusion aux
« sultans batailleurs », l'apathie des habitants et
à leur indifférence à l'égard des étrangers,
surtout les blancs. Néanmoins l'accueil que ces
« guerriers », ont réservé comme
réponse à la domination coloniale est passé sous silence.
Notre travail ne consiste pas à reprendre ce qui est fait, nous nous
proposons d' interpréter les faits historiques sous l'angle d'une
opposition, de contestation et de résistance anticoloniales.
Ce travail est une
contribution à la connaissance et à la compréhension de
l'Histoire de la Nation comorienne. Une Histoire très mouvementée
dans un cadre géographiquement éparpillé. Il vient
s'ajouter aux travaux de chercheurs qui ont travaillé sur l'histoire de
la résistance aux Comores4(*). Il se veut être un apport complémentaire
à la compréhension de l'Histoire de l'Archipel des Comores.
C'est dans l'optique
d'approfondir cet aspect de l'histoire comorienne que nous allons
étudier l'histoire de la résistance anticoloniale tout en
espérant y apporter le maximum de témoignages des Comoriens. A
notre connaissance, la plupart des travaux publiés sur l'Histoire des
Comores se base sur les archives et les documents écrits sans exploiter
les sources orales. Nous entendons donc apporter des témoignages d'un
grand nombre de Comoriens lors pour la réalisation de notre
thèse. En sollicitant leurs témoignages et leur version de leur
propre Histoire.
Ce travail constitue
également une réponse aux appels de chercheurs ayant entrepris
des travaux de recherches sur les Comores qui souhaitent voir ce sujet faire
l'objet d'une recherche historique. Aïnouddine Sidi5(*) est l'un des chercheurs
comoriens à avoir exprimé explicitement ce souhait. Ces derniers,
n'ayant pas abordé suffisamment cet aspect, reconnaissent
néanmoins l'importance de cette réflexion dans l'Histoire
comorienne. Elle permettra peut être à d'autres chercheurs de
s'intéresser à la question.
* 2 MARTIN J, « Grande
Comore 1915 et Anjouan 1940 : étude comparative de deux
soulèvements populaires aux Comores », in Etudes
Océan Indien, vol 111, INALCO, Paris 1984.
* 3 Au sujet des conflits
fonciers, voir l'ouvrage de AINOUDDINE S, Anjouan, l'histoire d'une crise
foncière, l'Harmattan, Paris/Montréal, 1998.
* 4AÏNOUDDINE S. op.
cit.
* 5 op. cit.
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