B - Le statut des aires protégées
Comme les différentes lois de protection de
l'environnement, le statut des aires protégées a
évolué, il requière qu'on se place dans une perspective
chronologique pour le comprendre.
Il est toutefois utile de savoir qu'à
l'indépendance, « il existait quatre aires protégées
au Gabon : la Lopé, Wonga-Wongue, Petit Loango et Ngové-Ndogo, et
l'ensemble Ndendé, Mont Fouari et Nyanga (réserve de faune de
Nyanga nord). Deux ans après l'indépendance, le 17 novembre 1962,
sont créés : l'aire d'exploitation rationnelle de faune de la
Moukalaba-
Dougoua, et, sous le nom d'aire d'exploitation rationnelle de
faune de Setté-Cama, les secteurs d'Iguéla, de Setté-Cama
et de la plaine Ouanga (...). Le 13 septembre 1967, est créé le
domaine de chasse du Mont Kouri, et le 02 octobre 1971, la réserve
naturelle intégrale d'Ipassa », (P. Christy et al. 2003, pp.
160-161). Une distinction pouvait cependant être faite, en effet «
les réserves pourront être soit des aires dans lesquelles les
espèces seront protégées pendant un certain nombre
d'année, soit des aires dans lesquelles ne seront autorisées
à chasser que les détenteurs de permis nettement définis.
L'article 17 de la loi du 08 juin 1960 règlementant l'exercice de la
chasse précise que : « sont maintenus les parcs nationaux, les
réserves de faune et domaines de chasse existant à la date de
promulgation de la présente loi seront groupés en aire
d'exploitation rationnelle de faune et feront l'objet de règlements
d'exploitation. »
La réserve de faune n'assure que la protection des
animaux, et non celle de l'écosystème. C'est donc
légalement que les concessions forestières et les concessions
minières ont été attribuées dans les
réserves de faunes avant 1982.
La loi 1/82 dispose dans son article 38 que : « la
réserve de faune est un périmètre dans lequel la flore et
la faune bénéficient d'une protection absolue ». Cet article
est complété par l'article 46 qui interdit toutes formes
d'exploitations susceptibles de modifier l'environnement et ses ressources. Les
concessions forestières s'avèrent dès à
présent illégales dans ces zones, sauf si on procède
préalablement, au déclassement de la zone
protégée.
Les aires protégées de l'époque au Gabon
sont soumises à de fortes pressions économiques. Jusqu'alors, la
pression économique la plus forte qui s'est exercée sur les aires
protégées est celle de l'exploitation forestière.
Toutefois, l'exploitation forestière ne devrait pas
s'accompagner comme l'enregistre la pratique de l'exercice de la chasse. Bien
que l'attribution de permis forestiers dans les réserves de faune ait
conduit l'administration à prendre des dispositions relatives à
l'exercice de la chasse et de la protection de la faune, il n'en demeure pas
moins qu'on a cependant plus souvent laissé faire que restreint les
droits d'exploitation de la faune. Après avoir brossé globalement
le statut de ces aires protégées nous verrons successivement les
premières aires protégées qui sont au nombre de quatre.
La Lopé
Dans un premier temps, le parc national de l'Okanda et la
réserve naturelle intégrale de l'Offoué qui sont des zones
adjacentes sont créés le 27 septembre 1946. Les statuts
pré-cités auraient dû assurer une protection
intégrale de ces zones contre la chasse et l'exploitation
forestière. Ce ne fut pas le cas. La loi du 08 juin 1960 transforme
l'ensemble en aire d'exploitation rationnelle de faune. Toutefois, «
l'arrêté n°3494/MEFPTE du 02 mai 1996 modifie les
appellations, les limites et les superficies en créant un noyau central,
d'une superficie de 167.018 ha classé en réserve naturelle
intégrale, et en constituant les superficies périphériques
du noyau central (369.000 ha) en zone-tampon ou périphérique ou
les activités économiques et cynégétiques peuvent
être autorisées par décret et où les
activités forestières conservent leur droit tout en étant
soumise à un cahier de charge particulier. La superficie du noyau
central est agrandie par l'arrêté du 23 mai 1996. La principale
activité dans la réserve fut l'exploitation forestière.
Au sein de cette réserve, il a été
installé en 1983, la station d'études des gorilles et
chimpanzés de Franceville. « Cette station de recherche a
mené de nombreux projets de recherches et les résultats ont
été publiés dans des revues scientifiques, des livres, des
thèses de doctorat et des journaux à plus large audience
».(P. Christy et al. 2003, pp. 164-165).
Setté Cama
Le domaine de chasse de Ngové-Ndogo est
créé par l'arrêté du 08 février 1956, il
couvre 250.000 ha dans l'Ogooué-Maritime. Le décret du 20
février 1956 crée le parc national de Petit Loango, d'environ
50.000 ha.
Cette aire est agrandie, elle passe à 700.000 ha et
recouvre l'Ogooué Maritime et la Nyanga, elle change aussi de
dénomination, pour devenir l'aire d'exploitation rationnelle de faune de
Setté-Cama. L'aire protégée de Setté Cama
présente la plus grande variété
d'écosystèmes parmi les aires protégées du Gabon :
cordons littoraux, mangroves, forêts marécageuses, forêt de
terre ferme, savanes herbeuses, marécages ouverts.
Comme dans l'aire protégée de la Lopé,
l'exploitation forestière s'y est déroulée très
tôt, elle s'est limitée aux secteurs côtiers du fait de sa
situation.
« La découverte du gisement on shore de
Rabi-Kounga remonte à 1985. (...) La déforestation pour
l'activité d'exploitation a été évaluée
à 6 km2/an » (P. Christy et al. 2003, p. 165). On voit
bien que cette aire protégée a connu une très forte
pression du fait de la découverte en son sein du plus grand gisement
pétrolier du Gabon. Cette découverte a ainsi mis en veilleuse la
vocation de protection d'une très grande partie de l'aire
protégée.
Moukalaba
L'aire d'exploitation rationnelle de faune de
Moukalaba-Dougoua fut créée le 17 novembre 1962, elle comprend la
réserve de faune de Moukalaba-Dougoua (80.000 ha) et le domaine de
chasse de Moukalaba (20.000 ha). Cette aire protégée recouvre le
versant oriental des monts Doudou secteur forestier, et à l'est la
plaine de Moukalaba, couverte de savane. C'est la seule aire
protégée ou soient représentées les savanes
arbustives à herbes hautes caractéristiques des deux couloirs de
la Nyanga et de la Ngounié. Tout comme les précédentes
aires protégées, Moukalaba a fait l'objet de l'exploitation
forestière.
Monts Doudou
L'aire d'exploitation rationnelle du massif forestier des
monts Doudou est classée par décret du 23 janvier 1998. D'une
superficie de 332.000 ha, elle s'insère entre l'aire d'exploitation
rationnelle de faune de Setté-Cama à l'Ouest, et celle de
Moukalaba, à l'Est : elle permet la création de ce qui est
aujourd'hui appelée complexe de aires protégées de Gamba.
La protection d'un élément du massif du Mayombe et la richesse
botanique de cette région, ou deux espèces endémiques
venaient d'être décrites ont été les principales
motivations scientifiques ayant joué pour l'érection de cette
zone en aire protégée.
En somme, avant 2002, le statut des aires
protégées au Gabon était de trois types (réserve de
faune, domaine de chasse et aire d'exploitation rationnelle). Ce statut ne
permettait pas l'exploitation des ressources naturelles à des fins
touristiques. Ces réserves de faune n'assurait que la protection des
animaux et non de l'écosystème c'est-à-dire, des habitats
et de l'ensemble des espèces végétales.
Ainsi, c'est légalement que des concessions
forestières et des concessions minières purent y être
attribuées (loi du 08 juin 1960).
La modification de cette loi par la loi d'orientation en
matière des eaux et forêts du 22 juillet 1982 dit que : « la
réserve de faune est un périmètre dans lequel la flore et
la faune bénéficient d'une protection absolue » et interdit
toute forme d'exploitation susceptibles de modifier l'environnement et ses
ressources.
Comme nous venons de le voir, les parcs nationaux avaient
déjà été créés dans notre pays,
toutefois, ils n'existaient que dans les textes, sans être dotés
d'une administration et sans gestion appropriée. Ils furent à
terme transformés ou rétablis en réserves de faune.
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