Première partie :
Les parcs nationaux du Gabon à l'épreuve
de la
législation nationale et les menaces à
leur survie
Chapitre I : Evolution de la législation sur la
protection des aires protégées
Il est important de souligner que bien avant le 30 août
2002, date de création des 13 parcs nationaux du Gabon, il existait bel
et bien des aires protégées dans notre pays. Le but de la
première section de ce premier chapitre est de revisiter la protection
environnementale telle qu'elle se faisait, notamment à travers les
différentes lois de protection de l'environnement, et de définir
qu'elle fut le statut de ces aires protégées. La seconde section
du premier chapitre quant à elle, s'intéresse
spécifiquement à l'après 30 août 2002 en ce qui
concerne les lois régissant la protection des parcs nationaux et
présente de manière sommaire et non exhaustive les parcs
nationaux et les potentialités de ces derniers.
Section 1 : La protection environnementale avant le 30
août 2002
Un certain nombre de lois caractérisent cette
période, il s'agit de la loi n°1/82 du 22 juillet 1982 dite loi
d'orientation en matière des eaux et forêts, de la loi
n°16/93 du 26 août 1993 relative à la protection et à
l'amélioration de l'environnement. Enfin, la loi n°16/2001 portant
code forestier en République Gabonaise.
A - Les lois de protection de l'environnement et leurs
insuffisances juridiques
Il convient de rappeler que lorsque survient la loi
n°1/82, les préoccupations de protection de la nature et de
l'environnement étaient, depuis une décennie, devenues plus
fortes. « D'autre part, c'est la première loi applicable au Gabon
qui fait référence en même temps à la forêt et
à la faune (auparavant, les textes sur la forêt et sur la faune
étaient distincts, la gestion de la faune relevant de la loi du 08 juin
1960 règlementant l'exercice de la chasse). » (P. Christy et al.
2003, p. 157). Cette loi concerne non seulement l'exploitation des ressources,
mais aussi leur protection.
La première faiblesse de la 1/82 réside dans son
intitulé. Elle montre qu'il s'agit d'une loi sur la forêt et non
sur l'environnement dans sa complexité. « De même, il est
quasiment difficile de faire le lien entre l'exploitation forestière et
la conservation de la biodiversité. Tout porte à croire que ce
lien n'est jamais fait comme si, par exemple, il existait aucune autre
espèce, que les arbres dans les zones concédées aux
exploitants forestiers » (Lomba Moussoutou Nathalie Clarence, 2007, p.
65). De plus, dans cette loi on relève des catégories juridiques
dont le statut de protection est fortement différent même
opposé, il s'agit du domaine classé. A tel point qu'on ne
distingue pas clairement les domaines qui font l'objet de la protection et ceux
qui font l'objet de la production. Ainsi, on distingue deux grandes
catégories : les forêts domaniales classées qui
appartiennent au domaine public de l'Etat qui constituent le domaine à
vocation forestière permanente et déterminée et les
forêts domaniales protégées qui constituent le domaine
à vocation forestière non déterminée,
c'est-à-dire, des terres qui peuvent avoir une autre vocation que la
production du bois.
Par ailleurs, en tant que code d'exploitation des ressources
naturelles, cette loi est révélatrice d'une option
essentiellement répressive qui fait peu de place à une gestion
concertée de la diversité biologique et qui ignore quasiment les
modes de gestion populaires et traditionnels
de la biodiversité . On constate aussi que : « les
modalités de gestion de la faune établies par cette loi outre
qu'ils ne sont pas toujours d'une clarté certaine, accordent un peu trop
d'intérêt à la chasse et à la réglementation
plutôt qu'à la conservation de la diversité biologique. A
cet égard, les définitions ne sont pas toujours claires. Il en va
ainsi en matière de faune où l'on a quelques peines à
saisir la notion de faune cynégétique » (Lomba Moussoutou
N.C, 2007, p. 65).
La loi 16/93 du 26 août 1993 est celle relative à
la protection et à l'amélioration de l'environnement. Elle fait
suite à la conférence de Rio de 1992 dénommée aussi
« Sommet de la terre », qui reflète l'apogée d'une
prise de conscience qui se matérialise par la signature lors de ce
sommet de l'Agenda 21, de la déclaration de Rio, ainsi que trois (3)
textes majeures (convention- cadre sur le changement climatique, convention sur
la protection de la biodiversité, principes relatifs à la
protection des forêts). Il s'agit d'une prise de conscience
consécutive aux évènements dramatiques (catastrophes
naturelles et industrielles qui sensibilisent les médias et les
décideurs aux questions environnementales).
La loi 16/93 a le mérite de porter correction à
certains points de la loi 1/82. Toutefois, elle n'apporte pas de réponse
précise à la question de la biodiversité, elle reste
générale. Mais la loi 16/93 est unique en son genre, car elle
traite de la protection et de la préservation de l'environnement prise
globalement. L'article 2 de ladite loi définit l'environnement ainsi
qu'il suit : « l'environnement au sens de la présente loi est
l'ensemble des éléments naturels et artificiels ainsi que des
facteurs sociaux, économiques et culturels, dont les interactions
influent sur le milieu ambiant, sur les organismes vivants, sur les
activités humaines et conditionnent le bien être de l'homme
».
La loi 16/93 va encore plus loin que la loi 1/82, car elle
intègre les ressources naturelles qui comprennent les
éléments suivants, selon l'article 6 : « les mers et les
océans, les eaux continentales, le sol et le sous-sol, l'air, la faune
et la flore, les aires protégées ». De plus, elle
intègre dans son titre III les pollutions et les nuisances qui sont des
résultantes de l'activité humaine. Aussi, l'article 63 de la
présente loi prévoit la mise en oeuvre des études d'impact
et des plans d'urgence. Elle stipule en plus que tous les contrevenants
s'exposent à des sanctions pénales. Après avoir
décelé quelques insuffisances spécifiques à chacune
de ces lois, il ressort que la politique gabonaise en matière de gestion
de l'environnement tel qu'exposé par ces deux lois présente des
carences communes qui découlent d'autres facteurs.
L'applicabilité des textes en matière de
protection de l'environnement connaît quelques soucis. En effet, l'effort
de protection de l'environnement est très insuffisant eu égard
à l'ampleur de la tâche et à l'importance de l'enjeu si
bien que les lois pré-citées et les déclarations
d'intention des responsables politiques n'ont guère suffit pour y
remédier. Cette situation déplorable découle d'une part,
de la faiblesse du corpus législatif et d'autre part, de la relative
inapplication du peu de réglementation existante.
S'agissant de l'inapplicabilité de la
réglementation en vigueur cela découle du fait qu'il s'agit d'une
tendance générale de l'ordre politico-juridique gabonais (Lomba
Moussoutou N.C, 2007, p. 66). Au demeurant, « il est fréquent de
constater qu'une loi plus ou moins bien faite au Gabon, reste toujours lettre
morte et finisse même par tomber en désuétude. Il s'agit
d'un état d'esprit particulier qui révèle le rapport au
droit des gouvernants et des gouvernés. Ainsi, autant tout le monde est
d'accord pour l'édiction d'une réglementation, autant chacun, une
fois la loi
adoptée s'efforce de ne pas l'appliquer, tout au moins
à soi-même. (...). Chacun s'efforce de la contourner sinon de la
violer » (Idem p.66). Il en résulte que des lois n'ayant jamais
été abrogées ne s'appliquent pas dans la vie courante.
On relève également des retards quant à
la prise des textes d'application des différentes lois, d'où la
non applicabilité de plusieurs lois du fait de leur caractère
général. Les premiers textes d'application de la loi 1/82 par
exemple ne sont intervenus qu'en 1987, trois autres ont suivi plus de 10 ans
plus tard 1994.
Un autre problème qui n'est pas moins important, est
celui de la non intégration véritable des engagements
internationaux de l'Etat dans l'ordre juridique interne. Si bien que : «
tout cela donne l'impression que ces engagements n'ont qu'un but
«esthétique» visant à servir l'image extérieure
de l'Etat auprès des bailleurs de fonds. C'est le cas entre autres de la
convention de la biodiversité, de la convention africaine pour la
conservation de la nature et des ressources naturelles » (idem p. 67).
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