2) Un marché qui se construit
L'analyse des données sur le marché de
l'automédication a permis de dégager des dates importantes. Je
vais désormais les confronter avec une centaine d'articles de presse de
tous types et en ressortir les principaux événements qui peuvent
expliquer l'accroissement de ce marché.
Les articles de presse sont triés en deux
catégories : Presse Grand public et Presse pharmaceutique. Bien
sûr, on trouve plus de précision sur la presse
spécialisée santé que celle du Grand public concernant les
déremboursements et autres mesures centrées sur le domaine de la
santé. La presse Grand Public permet de voir l'évènement
peut servir d'élément de comparaison à une même date
donnée. Par exemple, en 2001, le premier déremboursement est
très suivi dans la presse, qu'elle soit spécialisée ou
non, tantôt avec des données très précis,
tantôt avec les critiques de scientifiques ou d'experts. Autant
d'information qui permet de mieux cerner les résultats de mes
statistiques. L'élaboration d'une grille avec d'une part les dates et
d'autres parts les articles de presse permet de voir les
évènements importants qui ont pu influencer l'évolution du
marché de l'automédication.
a) Une croissance issue de facteurs décisifs
Le principal évènement est le
déremboursement des médicaments. En effet, il y
a eu deux phases de déremboursements qui coïncident avec les dates
clés repérées : 2001 et 2003. Dans un article de l'APM
(Agence de la Presse Médicale), on retrouve ces citations : «
Le poids de l'automédication lors des achats est passé de 12
% à 44 % en 2007».
La vente des médicaments d'automédications a
progressé de manière importante après 2006. Le
déremboursement a favorisé l'accroissement des ventes de produits
PMF. En effet, en déremboursant des PMF « remboursés »,
la classe des PMF « non remboursés » ne fait qu'augmenter. La
hausse s'explique par le fait que les patients continuent à acheter
leurs médicaments « PMF remboursé » même s'ils
sont devenus des PMF « non remboursé » après les
déremboursements. De plus, le PMF déremboursé peut
être acheté directement sans ordonnance. Cet achat participe
directement à l'essor du marché des PMF « non
remboursés ».
Le deuxième facteur de croissance est la
dynamique du marché due en grande partie aux
stratégies de marque des médicaments PMF « non
remboursés ». « Cette progression a été due pour
un tiers au phénomène des déremboursements et pour deux
tiers à la dynamique du marché » écrit Dominique
Perrot (Directeur du conseil et des services du cabinet d'étude
IMS Health France) dans le journal « Les Echos » et
« l'APM ».
Ce qu'on entend par « dynamique de marché »
c'est la continuité de son évolution positive. La
courbe d'évolution étant croissante, on parle de la
dynamique d'un marché.
Une dynamique soutenue également par des
médicaments à forte notoriété, en particulier des
antigrippaux ou des antalgiques. Ces médicaments connaissent une
très grande notoriété telle que l'« Efferalgan
Vitamine C » des laboratoires d'UPSA, telle que le « Doliprane »
des laboratoires Sanofi-Aventis ou encore comme le médicament «
Nicorette » des laboratoires Johnson&Johnson. Ces médicaments
dominent grâce au travail des laboratoires sur le packaging et sur la
publicité et bientôt sur les stands de présentation
(grâce au passage d'OTC).
À ce niveau d'utilisation, il est vrai que la
publicité, le « bouche-à-oreille » et l'habitude de
consommation du patient entrent en jeu et favorise l'achat d'un
médicament PMF. Sans compter que le patient suit le médicament
PMF qu'il a l'habitude d'acheter et participe ainsi à son essor.
Un troisième argument se présente concernant
l'évolution de l'automédication, c'est le nouveau comportement
des acteurs. En observant le succès des médicaments PMF non
remboursés, on peut remarquer que le patient continue de pratiquer
l'automédication. Le consommateur achète de plus en plus de
médicaments non remboursés. Une nouvelle attitude tend à
se développer, celle de ne plus hésiter à soigner des maux
bénins en allant directement à la pharmacie.
Les patients ne sont pas les seuls à suivre, un article
du journal « Pharmaceutiques » explique selon une étude IMS
Health qu'une majorité de médecins continuaient à
prescrire les médicaments PMF qui ont été
déremboursés. Ainsi, « 8,5 % de la PMF non
remboursables » est prescrite et participe au marché de l'OTC.
Leur motivation est simple, selon cet article : En prescrivant des PMF non
remboursable, on fait comprendre aux patients que ce sont des
médicaments de « confort » et qu'il faut revoir l'ensemble des
médicaments consommés lors d'un traitement : « sur 4
médicaments prescrits, seul un ou deux sont vraiment nécessaires.
Les autres sont plutôt des médicaments pour se soulager le temps
de la guérison. » selon l'avis d'un médecin
généraliste. Ils veulent ainsi, éduquer le patient aux
différentes propriétés des médicaments
malgré leurs réticences à cette pratique.
L'automédication est en hausse constante, les chiffres
issus des statistiques le démontrent, cependant certains facteurs
peuvent influencer l'évolution. Quels sont ces facteurs et à quel
degrés peuvent-ils intervenir dans l'évolution ?
b) Les autres facteurs pouvant être liés à
l'évolution
Le prix d'un médicament d'automédication a
été mis en avant pour permettre à certains acteurs de
profiter et d'exploiter le marché. Par exemple : « Les prix des
médicaments déremboursés,
devenus libres, ont augmenté de 36 % en moyenne
entre février et décembre 2006, dans d'inégales
proportions selon les classes thérapeutiques. » mentionne le
dossier de presse de Leclerc qui expose ainsi son principal argument pour
commercialiser les PMF non remboursés devant les comptoirs de leurs
parapharmacies.
Dans un article du journal « Le Monde » d'Avril
2008, le journaliste Yves Mamou précise qu'il y a effectivement eu des
hausses de prix consécutive au déremboursement de Janvier 2008.
Parmi les hausses, on cite le veinotonique Daflon (le prix a augmenté de
33%), le Difrarel, utilisé pour traiter les jambes lourdes et la
fragilité capillaire, (le prix a augmenté de 70%), et puis le
laboratoire Servier a même augmenté le prix du médicament
de 200 à 300% pour compenser la baisse de son chiffre d'affaires
à la suite du déremboursement.
L'UPSO : L'Union des Syndicats de Pharmaciens d'Officine
assure dans un article de presse du journal « Le Figaro » que le prix
des cent premiers médicaments de médication officinale n'ont
augmenté que de 1%.
En ce qui concerne le prix, le ministre de la santé
rappelle que depuis le 30 Mars 2008, un accord des bonnes pratiques
commerciales a été signé par les syndicats officinaux et
les laboratoires pharmaceutiques. Nous en parlerons en détails dans la
suite de cette partie.
En effet, la plupart des médicaments ont vu leur prix
augmenter après les déremboursements à cause, entre
autres, du changement de TVA et des marges
financières fixées par les pharmaciens.
En France, il existe deux TVA pour les médicaments, la
première est fixée à 5,5% et est destiné à
l'ensemble des médicaments non remboursable (PMF) et la seconde est
à 2,1% et est réservé aux médicaments remboursables
(PMO).
Le changement de TVA implique une certaine hausse de prix lors
du passage d'un médicament PMO à un médicament PMF. Mis
à part le changement de TVA, le pharmacien fixe le prix final du
médicament, c'est pourquoi il peut varier d'une officine à une
autre. Certains laboratoires ont volontairement baissé le prix de leur
médicament « libre » pour s'adapter au changement et conserver
leur part du marché mais ce n'est pas le cas de tous.
Ainsi, certains médicaments d'automédication ont
des prix qui restent élevés et qui ne sont pas adaptés au
marché de l'OTC. Les prix qui n'ont pas bénéficié
d'une réduction lors de la transition des « déremboursements
» resteront difficilement accessibles pour les patients et surtout pour
les plus démunis. L'accès est pénible pour ceux qui ne
sont pas couverts par une mutuelle ou ceux qui ne prennent plus de
médicaments « non remboursés ».
Ce problème de prix est peut-être résolu
cette année avec l'entrée en vigueur d'un accord sur les
« Bonnes Pratiques Commerciales relatives à la transparence
des prix des médicaments de médication officinale non
remboursables » auquel Roselyne Bachelot, le ministre de la
santé,
faisait échos dans le journal « Le Figaro ». Cet
accord a été signé par les deux acteurs de santé
qui fixent les prix des PMF : les pharmaciens et les laboratoires
pharmaceutiques.
Il est important de souligner les points
clés de cet accord :
· Les pharmaciens d'officine se doivent de fixer les prix
avec tact et mesure.
· Les laboratoires pharmaceutiques s'engagent à
pratiquer, pour les médicaments de médication officinale non
remboursables, une politique tarifaire mieux adaptée aux nouvelles
réalités du marché répondant aux besoins des
patients.
Cet accord ayant été mis en place très
récemment, nous n'avons pas encore les résultats et les
témoignages des patients à ce sujet.
Un autre point qui peut limiter l'autoprescription c'est la
crainte d'utiliser ces médicaments libres. Dans le journal «
Panorama du médecin », dans un article qui mentionne les effets
néfastes que peut engendrer l'automédication, j'ai pu lire qu'au
Royaume-Uni, le paracétamol était la première cause
d'intoxication par médicament, devant l'ibuprofène et
l'aspirine.
On dénombre aussi, cette fois aux Etats-Unis, 100
décès et 13 000 visites aux urgences chaque année pour des
surdosages de paracétamol. Le but de cet article était de montrer
qu'il faut absolument passer par une éducation thérapeutique pour
éviter les mauvaises utilisations et les problèmes de «
iatrogénie ».
Le développement de la Sécurité Sociale,
depuis plus de cinquante ans, a habitué les patients au remboursement
quasi total de leurs soins médicaux. Habitué à être
remboursés, les Français ne perçoivent plus la notion du
prix des médicaments. Au-delà de ce système de soin, la
culture est également un frein.
Dans le journal « Les Enjeux » des Echos de 2007,
on peut lire : « En France, comme dans toute l'Europe du Sud, la
coutume est de se tourner systématiquement vers un professionnel en cas
de problème. Aujourd'hui cette exception française est remise en
question par les contraintes budgétaires imposées par le
vieillissement de la population. ».
Avec des habitudes de médicaments ancrées et
les réformes de la Sécurité Sociale, il faut beaucoup de
temps pour que le patient évolue et adopte une nouvelle façon de
se soigner seul. Cette culture peut expliquer la dernière position de la
France en matière d'automédication en Europe.
spectaculaire. Les articles de presse mentionnant
l'autoprescription reviennent sur les mêmes arguments quant aux facteurs
qui ont joué sur son évolution : déremboursements, culture
du médicament, changement de comportement des acteurs... Finalement, il
n'y a pas d'évènements plus marquants que d'autres pour expliquer
les chiffres si ce n'est que le marché commence à s'installer.
Les données statistiques montrent que
l'évolution est positivement constante, comment peut-on expliquer ces
résultats de manière générale ? Pour comprendre,
voyons en détail les nouveaux facteurs de développement ainsi que
les enjeux des acteurs de l'automédication.
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