2. La protection des investisseurs : Notation
financière et Agences
de notation
Les investisseurs en parts de FCC ne doivent pas supporter le
risque de défaillance des débiteurs. Il importe donc de rehausser
la qualité de crédit du portefeuille. La réussite d'une
opération de titrisation en dépend et exige qu'un accent
particulier soit mis sur certains aspects importants du processus comme
l'évaluation des titres projetés, la notation financière
et le rehaussement du crédit. La notation est une phase très
importante du processus de titrisation. Elle donne à l'opération
sa « note» qui sert de boussole aux marchés, aux
investisseurs et aux autorités de surveillance engagées dans une
régulation prudentielle exigeante pour éviter, afin de maintenir
la stabilité financière, la sous-évaluation des risques
parmi les intermédiaires financiers, investisseurs et autres
intervenants (AGLIETTA 2 (2001)).
FENDER et MITCHELL (2005) précise que,
du fait de sa complexité, le financement structuré est
très dépendant de la notation sur laquelle il s'appuie. Le
marché de la titrisation, rapporte BRI et Praet
(2005), est largement soumis à la notation financière
car les cédants veulent le rapprocher du marché des obligations
pour intéresser les investisseurs dont les mandats d'investissement
comportent des restrictions basées sur la notation financière.
L'expérience acquise dans la notation des instruments traditionnels de
dette facilite la notation des opérations de titrisation. Dans les deux
cas, les agences de notation ont pour objectif de fournir une opinion
indépendante sur le risque de crédit inhérent à
l'instrument de dette évalué. La notation financière ou
notation de la dette consiste à apprécier le
risque de solvabilité financière d'une entreprise, d'un Etat,
d'une opération (emprunt, emprunt obligataire, opération de
financement structuré, titrisation,...) et à attribuer une note
correspondant aux perspectives de remboursement de ses engagements envers ses
créanciers, fournisseurs, banques, détenteurs d'obligations ou de
titres de créances. Elle a pour objectif
de fournir ainsi une opinion indépendante sur le risque de
crédit inhérent à l'instrument de dette
évalué.
La notation financière est une activité
particulièrement utile sur les marchés de titrisation où
les investisseurs ne peuvent manifestement faire face aux coûts
prohibitifs pour cerner individuellement la structure et le profil de risque et
de rendement d'un instrument donné, compte tenu de la complexité
même de ces instruments. Selon les termes de l'Organisation
Internationale des Commissions des valeurs (OICV), une agence de notation de
crédit est une entité dont l'activité
est la publication des notations de crédit à des
fins d'évaluation du risque de crédit d'émetteurs ou de
titres de créances ou assimilés. Le risque de
crédit correspond au risque qu'un émetteur ne soit pas
en mesure d'assurer le paiement des intérêts et ou du capital
d'une créance.
La notation concerne à la fois les émetteurs
(entreprises, établissements de crédit, sociétés
financières, collectivités locales, établissements
publics, compagnies d'assurance et Etats souverains), les véhicules de
titrisation (FCC) et tous les titres de dette financière (certificats de
dépôts, billets de trésorerie, obligations...). La notation
ne constitue pas une recommandation d'acheter, de conserver ou
de vendre un titre de dette. Les agences de notation ne portent pas non plus
d'opinion sur l'évolution du cours des titres notés.
La notation se base sur la collecte et l'analyse des
informations recueillies notamment auprès de l'émetteur
et tirés des entretiens avec celui-ci, la présentation par
l'analyste en charge du dossier à un
comité de notation interne à l'agence auquel il
appartiendra de décider de la note. La composition dudit comité
varie selon le secteur d'activité de l'émetteur, la zone
géographique, les compétences requises. L'émetteur n'est
pas membre de ce comité. Toutefois, en cas d'insatisfaction ou
de désaccord de l'émetteur sur l'opinion formulée
par le comité sur sa situation de crédit, l'émetteur qui a
en sa possession des informations nouvelles et pertinentes pour
améliorer sa note bénéficie d'une procédure
d'appel. La note finale attribuée à l'issue du processus
est alors publiée par un communiqué de presse.
La note résulte de l'analyse d'éléments quantitatifs et
qualitatifs relatifs en particulier à la position relative, actuelle et
prévisible de l'émetteur dans son environnement et à sa
situation financière. La note attribuée est suivie,
réajustée et publiée systématiquement.
Les agences pratiquent deux types de notation. Une
notation de long terme pour l'endettement dont la
maturité initiale est supérieure à un an, et une
notation de court terme si la maturité est
inférieure à un an. Les agences classent également leurs
notes en deux catégories
« investissement » moins risqué et
« spéculatif » plus
risqué.
HALL, STUART, COUSSERAND, KOEPPEN-MERTE et NAKATA
(2004) complète que les agences de notation fournissent aux
investisseurs des informations précieuses sur leurs chances de
récupérer le principal investi et les intérêts.
C'est déjà un important défi dans le cas où les
titres dépendent de la performance d'un seul débiteur
transféré. Cela est davantage compliqué en cas de
multiples débiteurs cédés et si les titres sont
émis par tranches pour fournir aux investisseurs une
variété de combinaisons de risques et rendements. En formulant
une opinion sur un financement structuré, une agence de notation doit
d'une part tenir compte des risques de crédit attachés au
portefeuille sous-jacent, y compris la corrélation de ceux-ci. Mais les
agences doivent mesurer aussi un nombre significatif de risques autres que des
risques de crédit. Les agences de notation doivent cerner la
totalité des risques avant d'assigner une note à un titre,
processus incluant une analyse détaillée des cash-flows.
La capacité des agences à prédire
l'événement de défaut reste un des indicateurs essentiels
de leur efficacité.
La notation des véhicules de titrisation (FCC) est
intrinsèquement liée à la structuration de
l'opération et a pour objectif central un rehaussement du niveau de la
notation et un abaissement correspondant du coût de financement par
rapport au coût de financement global du cédant sur la base de son
bilan. Bien que l'expérience acquise dans la notation des instruments
traditionnels de dette facilite la notation des opérations de
titrisation, des différences caractérisent les deux processus de
notation. BRI et PRAET (2005) expose que la principale
différence est l'implication précoce des agences de notation dans
le montage et la structuration de l'opération de titrisation. Car cette
notation reflète certes une opinion sur le risque et la qualité
du crédit du panier sous-jacent mais elle mesure aussi le niveau de
rehaussement de crédit requis pour que la tranche reçoive la note
projetée par les arrangeurs. Contrairement à la notation
traditionnelle ex-post, en raison de la capacité limitée des
émetteurs à ajuster les caractéristiques de leurs titres
en fonction de la note visée et du retour d'information sur la
pré notation, la notation des instruments structurés est
essentiellement ex-ante, la note visée et le feedback de la pré
notation (réaction suscitée) permettant aux arrangeurs d'affiner
le profil de chaque tranche. BRI et PRAET (2005)
complète que la notation financière est une opinion sur
la probabilité que les cash-flows en provenance du panier d'actifs
permettront de régler régulièrement les droits des
investisseurs. La notation apprécie la solidité des
prévisions de cash-flows.
L'agence de notation joue un rôle
incontournable en appréciant pour les
investisseurs la qualité des parts à émettre.
Elle étudie tous les aspects de la transaction :
- la qualité des créances titrisées (les
flux engendrés par le portefeuille, les probabilités de
connaître des impayés ou des remboursements anticipés,
etc.)
- la solidité du cédant (gestion commerciale des
prêts, capacité de recouvrement, etc.), du gestionnaire et de
l'arrangeur
- la sécurité juridique du montage
(validité des contrats, valeur des garanties, etc.)
- les risques techniques
BRI et PRAET (2005) considère que les
agences de notation jouent un rôle clé sur les marchés de
financement structuré. Comme sur d'autres marchés financiers,
elles agissent comme fournisseurs d'opinions de tierce partie sur le niveau de
risque des instruments de dette, aidant ainsi à corriger
l'asymétrie d'information entre participants et améliorant
l'efficience et la transparence de ces marchés.
Leur activité est particulièrement utile sur ces
marchés de titrisation où les investisseurs ne peuvent
manifestement faire face aux coûts prohibitifs pour cerner
individuellement la structure et le profil de risque d'un instrument
donné. La complexité même de ces instruments
structurés explique le rôle crucial joué par les agences de
notation. Elles mesurent le risque de crédit des paniers sous-jacents
mais s'investissent aussi dans la conception initiale des instruments. Cette
implication leur a permis de contribuer au développent des normes sur
ces marchés.
La complexité des instruments structurés incite
les investisseurs à se fier davantage à la notation que dans le
cas des autres titres notés. Elle a vraisemblablement accru le
rôle des agences de notation, associées étroitement au
processus de structuration, le montage de la transaction imposant implicitement
que l'arrangeur obtienne leur opinion. Le rôle traditionnel des agences
de notation de « surveillant délégué »
du risque associé aux titres de dettes s'est amplifié par la
titrisation avec transformation.
L'agence détermine les couvertures ou garanties
requises pour atteindre la notation recherchée par le
cédant et son arrangeur. La notation consiste
à évaluer le risque attaché à un
titre de créance. L'analyse qui en est faite
est synthétisée dans une note pour
refléter la capacité de l'émetteur à
honorer ses engagements. Il s'agit de déterminer le niveau de
risque final des parts à émettre par le fonds, d'apprécier
si sa structure est à même de respecter ses engagements de
paiement en fonction de son calendrier contractuel et d'identifier le
montant de garanties à faire correspondre au risque de défaut.
Les investisseurs ne voulant pas endosser la totalité des
risques de crédit inhérents au portefeuille dont la cession est
envisagée, celui-ci bénéficie habituellement d'un
rehaussement de crédit fourni par un tiers (banque ou compagnie
d'assurance) et parfois par le cédant lui-même. Le rehaussement du
crédit consiste à mettre en place des garanties
ou à donner des garanties financières
aux émetteurs leur permettant ainsi de profiter d'une meilleure
notation et donc d'un coût de refinancement plus faible. Les techniques
de rehaussement de crédit avaient d'abord été
développées dans le cadre des opérations de
restructuration des crédits souverains. Les banques américaines
avaient souhaité céder leurs portefeuilles de prêts aux
pays en voie de développement. Dans le cadre de la titrisation, la
formule de rehaussement de crédit de plus en plus
utilisée prend la forme d'une hiérarchisation des tranches :
émettre deux catégories de titres. L'une étant
privilégiée (parts seniors ou ordinaires) avec un droit
préférentiel sur les flux financiers générés
par le lot d'actifs sous-jacents de sorte que les pertes affecteront d'abord
les titres de rang inférieur (parts juniors ou spécifiques)
à concurrence de leur volume. Les parts « seniors »
dites prioritaires bénéficient des mécanismes de
protection par l'existence d'une couverture du risque de défaillance sur
laquelle s'imputent les pertes. Les parts juniors ne bénéficient
pas d'un mécanisme de protection et supportent le risque de
défaillance du Débiteur Cédé. Si par exemple une
émission est constituée à 90% d'une tranche
privilégiée et à 10% d'une tranche de rang
inférieur, les détenteurs de celle-ci subiront la totalité
des pertes jusqu'à 10% du total des actifs. Comité de
Bâle (1992) précise qu'on peut recourir en plus à
d'autres formules de rehaussement du crédit :
- la lettre de crédit
irrévocable émise par une banque tierce pour couvrir une
partie des créances correspondant normalement au profil de pertes
estimées.
- l'assurance ou caution bancaire : des
compagnies d'assurance, institutions non bancaires sans lien avec les parties
au montage, jouent un rôle important, au Royaume-Uni par exemple, en
fournissant une assurance couvrant la première part du risque de
défaillance. Une banque, externe à celle qui cède le
portefeuille de prêts, peut aussi fournir la même garantie par
caution bancaire.
- le compte de marge quant à lui est
alimenté par la différence entre les intérêts
reçus sur le lot de créances cédées et ceux plus
faibles payés sur les titres émis. L'organe de gestion remet
cette différence au dépositaire jusqu'au niveau de rehaussement
requis. Au delà, la différence est laissée à
l'initiateur. En prévision des pertes initiales, l'initiateur
approvisionne le compte de marge à l'avance. Ce compte est
destiné à couvrir toute perte liée au portefeuille, et son
éventuel solde au moment de l'amortissement des titres revient à
l'initiateur.
- le compte de garanties espèces
consiste en un dépôt constitué par l'initiateur au
bénéfice des investisseurs et égal au rehaussement de
crédit jugé nécessaire. Des tirages sont effectués
en cas de pertes.
- le surdimensionnement : les
créances du portefeuille cédées ont une valeur
supérieure à celle des titres émis. Un boni de liquidation
apparaît. Cet écart doit être maintenu à un niveau
suffisant pour assurer le degré convenu de rehaussement et supporter
ainsi le risque de défaillance lié au portefeuille
titrisé.
La notation est un enjeu très important pour le
cédant. Car d'une part le ratio de
solvabilité des banques pondère les engagements prudentiels en
fonds propres par la qualité des créances cédées.
D'autre part, cette même notation détermine le
niveau de la prime de risque qu'exigeront les investisseurs. Selon sa
qualité, la banque pourra abaisser significativement le coût des
ressources mobilisées par la titrisation. Les agences de
notation les plus reconnues en la matière sont Moody's,
Standard and Poor's et Fitch.
Toutefois, l'unanimité est loin d'être
établie sur l'intervention et la prestation des agences de notation. Les
débats sur le sujet tournent même à l'aigre. Malgré
la valeur ajoutée par les agences de notation, les participants en
utilisant la notation financière doivent être conscients de ses
limites. Le risque de pertes inattendues et la croissance
continue de l'activité de financement structuré constituent une
préoccupation pour les banques centrales. L'une des principales limites
de la notation financière est le risque de modèle qu'elle
sous-entend. BRI et PRAET (2005) précise que,
généralement, le risque de modèle est relatif aux
potentielles erreurs commises dans la valorisation des risques des transactions
financières. Il s'amplifie avec l'absence de données historiques
sur les défauts de paiement et sur les corrélations de
défaut. La complexité de la titrisation est telle qu'il est
possible que les agences de notation sous-estiment les risques, que les
investisseurs peuvent malgré tout prendre des positions plus
risquées qu'ils pensent. En effet, la mesure du risque de crédit
d'un panier d'actifs, avec la modélisation de la corrélation des
défauts et des primes de risque demeure un défi ouvert et
permanent et n'est pas sans implications systémiques. Les banques
centrales doivent alors suivre attentivement l'évolution de ce
marché.
FENDER et KIFF (2004) prolonge que
l'utilisation de différentes approches de modélisation, surtout
en cas de différences dans les hypothèses de corrélation
d'une agence de notation à l'autre, conduit inexorablement à des
résultats divergents dans la valorisation des tranches. Les
résultats de l'analyse soulignent l'influence des hypothèses de
corrélation sur les prévisions de pertes attendues en particulier
pour la notation des tranches. Aboutir à des hypothèses justes
constitue l'un des principaux défis à relever par les agences
afin de délivrer des notes fiables. Des différences dans les
hypothèses de corrélation et dans les modèles et approches
méthodologiques conduisent potentiellement à des divergences
significatives dans la notation des tranches par plusieurs agences, à
moins d'être compensées par d'autres différences dans les
processus de notation comme par exemple le taux de recouvrement estimé
par chacune des agences
Le risque de modèle, qui en
résulte, doit être bien compris par les investisseurs, et interdit
de se fier uniquement à la notation financière pour prendre des
décisions d'investissement. Dans la mesure où les investisseurs
ne comprennent pas entièrement ces insuffisances dans la notation des
tranches, ils prennent en acquérant les titres un risque de
modèle dont ils n'ont pas souvent conscience. En tout
état de cause, le recours simultané à plusieurs agences de
notation pour obtenir de multiples notations des tranches et la vigilance
accrue des investisseurs permettront d'éviter des surprises
désagréables. FENDER ET MITCHELL (2005) confirme
la réalité du « risque de
modèle » en affirmant que les notes, (estimations du
risque et du rendement par tranche à partir des principaux
déterminants de la distribution des pertes : PD
estimation de la probabilité de défaut de chaque tranche,
PA les taux de recouvrement et les pertes attendues et
CD la corrélation des moments de défaut entre
les différents débiteurs du panier), sont très sensibles
aux hypothèses de corrélation du risque de défaut des
signatures sous-jacentes, que par conséquent les notes peuvent varier
d'une agence à l'autre en raison de méthodologies et/ou
d'hypothèses différentes et qu'il en résulte un
« risque de modèle », risque qu'un
modèle particulier utilisé pour calibrer le rehaussement du
crédit pour une tranche et une note données, ne reflète
pas avec exactitude le « véritable » risque de la
tranche. FENDER et KIFF (2004) puis AMATO et
GYNTELBERG (2005) dénonçaient déjà le
rôle clé de la corrélation de défaut dans la
formation et la compréhension du « risque de
modèle » pour inviter les investisseurs à
prendre conscience du risque de modèle afin d'exiger des rendements
adéquats. MELI et RAPPOPORT (2003), GIBSON
(2004) et CSFM (2005) mettent l'accent sur
« l'incertitude ex ante des pertes » ou
« pertes inattendues » (PI) qui
caractérisent les produits structurés :
· plus la tranche est étroite, plus la
distribution de ses pertes va s'écarter de celle de l'ensemble du
portefeuille : elle tendra à être bimodale, donc plus
risquée.
· le découpage en tranches peut conduire à
des profils de risque sensiblement différents, à note
égale, de ceux des portefeuilles d'obligations, les tranches
inférieures ont un risque plus élevé que les obligations
de note identique
· et que la notation des instruments structurés
pourrait ne fournir qu'une description incomplète de leur degré
de risque par rapport aux obligations traditionnelles.
De même, des études empiriques indiquent que
même si en moyenne la note des instruments structurés est plus
stable donc moins volatile que celle des obligations (probabilité de
changement de note plus faible), l'ampleur du changement lorsqu'il survient est
supérieure. En outre, selon BRI et PRAET
(2005), des conflits d'intérêts potentiels existent dans
le secteur de la notation financière. D'abord parce que les honoraires
de notation financière sont versés par les cédants et non
les investisseurs et représentent une part importante du revenu des
agences de notation. Ensuite la notation financière dépend au
moins partiellement des informations fournies par le cédant. Cela, avec
l'implication des agences dans la structuration de l'opération de
titrisation et le fait qu'elles expriment une opinion ex-ante, peut montrer
qu'elles ne sont pas totalement indépendantes des instruments pour
lesquels elles émettront en définitive une notation
financière et les pousser à servir les intérêts des
cédants plutôt que ceux des investisseurs : notation initiale
plus favorable ou sa dépréciation tardive. FENDER et
MITCHELL (2005) confirme que la notation du financement
structuré est devenue pour les agences de notation l'un des segments
d'activité à la croissance la plus rapide et une source majeure
de revenu, ce qui suscite naturellement un certain nombre d'interrogations
portant notamment sur les éventuels conflits d'intérêts,
les émetteurs étant les payeurs. Même si
les agences rétorquent qu'elles sont plutôt sensibles
à leur réputation et aux sanctions du marché et indiquent
que leurs analystes ne sont pas rémunérés en fonction des
notations produites, qu'en interne les analyses de notations sont
séparées des unités de marketing et de vente et qu'elles
fournissent des efforts pour diversifier suffisamment la base de leur revenu et
éviter de dépendre de quelques clients. BRI et PRAET
(2005) complète son argumentation en dénonçant
un risque d'immobilisme et de biais conservateur de la part
des agences de notation. Leur structure oligopolistique est ici
incriminée comme un frein à la concurrence et à
l'innovation, ce qui fait que les agences conserveraient de rigides standards
pour éviter à tout prix les dépréciations de notes.
Prenant conscience de ce risque, les agences ont commencé à
communiquer gratuitement au marché leurs modèles de notation, en
invitant praticiens et théoriciens à critiquer leurs
méthodologies et en tenant compte des modèles appliqués
par les arrangeurs ainsi que des doléances émanant des
investisseurs : elles améliorent la transparence, renforcent
l'objectivité du processus de notation et adaptent leurs approches. En
outre, la compétition entre les agences de notation et les arrangeurs
expérimentés améliore les méthodologies.
AMATO et FURFINE (2003) critique, dans les
notations financières, la prise en compte excessive des conditions
macro-économiques au détriment des facteurs mesurant
l'activité et les risques des entreprises. Cité par AMATO et
FURFINE (2003), BERNANKE et AL (1999), pour qui cette critique
s'adresse plutôt au système financier, l'explique par un
modèle
« accélérateur » selon
lequel des taux de croissance économique élevés conduisent
à une appréciation des garanties, assouplissant les conditions du
crédit et facilitant le financement par endettement. LOWN et AL
(2000), cité par AMATO et FURFINE (2003), partage cet avis et
complète que les banques rationnent moins le crédit durant les
booms économiques. SYRON (1991), cité par AMATO
et FURFINE (2003), indiquait déjà que même
les autorités chargées de la supervision bancaire sont
historiquement plus vigilantes durant les récessions. Empiriquement,
ALTMAN et AL (2002), cité par AMATO et FURFINE
(2003), affirme que les modèles de notation, qui
prétendent une indépendance entre les probabilités de
défaut et les pertes, ont tendance à sous-estimer la
probabilité de pertes sèches et sévères lors des
récessions économiques. BANGUIA et AL (2002),
cité par AMATO et FURFINE (2003), montre
qu'effectivement l'estimation des pertes de crédit est nettement plus
élevée en période de stagnation qu'en période
d'expansion. Les agences de notation répondent qu'elles notent
« à travers le cycle » c'est-à-dire
que la notation serait indépendante de l'état du cycle
économique. Ainsi, Standard & Poor's (S&P) (2002),
cité par AMATO et FURFINE (2003), affirme que
l'idéal est de noter à travers le cycle et qu'il ne sert à
rien d'améliorer le rating si la performance est tout juste
exceptionnelle et temporaire. De même qu'il n'est pas nécessaire
de le dégrader tant que la contre-performance ne compromet guère
la bonne performance prévue et imminente. Selon S&P
(2002), S&P prend en compte à la fois les risques
d'entreprise, les risques financiers et les conditions macro-économiques
pour déterminer la notation des crédits. D'autres études
critiquent l'aspect préjudiciable de l'évolution de la notation
financière. Par exemple, ALTMAN et KAO (1992),
cité par AMATO et FURFINE (2003), trouve que
la dépréciation de la note d'un émetteur est fort
probablement suivie par une nouvelle dépréciation que par une
appréciation. Ce résultat selon lequel les variations des notes
d'un émetteur ne sont pas indépendantes a été
soigneusement modélisé par LANDO et SKODEBERG (2002),
cité par AMATO et FURFINE (2003). LUCAS et LONSKI
(1992), cité par AMATO et FURFINE (2003), a
étudié les notes de MOODY'S et montré aussi que le nombre
d'entreprises dont les notes sont dépréciées
dépassent largement le nombre de celles dont les notes sont
améliorées. De même, BLUME, LIM et MACKINLAY (BLM)
(1998), cité par AMATO et FURFINE (2003),
argumente que les notes de l'émetteur s'empirent en moyenne avec le
temps. BRI et PRAET (2005) recommande que les agences doivent
continuer à fournir des informations sur leurs approches
méthodologiques et sur les changements de notes pour permettre aux
investisseurs de bien comprendre l'évolution des notes. Elles doivent
exposer clairement comment les conflits d'intérêts ont
été neutralisés et préciser elles-mêmes les
limites de leurs analyses.
La conclusion objective de ce chapitre est que la titrisation
n'est pas une technique financière simple. Elle implique de nombreux
acteurs et fait l'objet d'importantes innovations. Elle nécessite en
conséquence des compétences avérées, une bonne
préparation et une franche collaboration entre les acteurs et surtout
une extrême vigilance de la part des autorités de contrôle.
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