Chapitre 2 - Ailleurs, les chemins de fer
touristiques.
1 - Une question d'intérêt ?
En matière de chemins de fer touristiques, la France
occupe une place intermédiaire en Europe et dans le
monde. Nous la situons loin derrière le Royaume-Uni ou
l'Allemagne, mais devant l'Italie ou l'Espagne. Quelles explications en donner
? Il nous semble que cela a trait à la culture et à l'histoire.
Les pays anglo-saxons284 offrent une base plus solide au
développement des chemins de fer touristiques : amateurs ferroviaires
nombreux, collaboration bienveillante ou même soutien des grands
opérateurs commerciaux. Par contre, les pays de culture latine,
malgré des initiatives prometteuses285, apparaissent
globalement en retrait.
Stefano Maggi286 y voit l'effet de «
l'intérêt prédominant » d'un pays. Selon lui, cet
intérêt se trouve dans l'Antiquité et au Moyen-Âge
pour l'Italie, à l'époque de
Louis XIV et au 1 8ème siècle pour la
France, pendant la Révolution Industrielle pour la Grande-Bretagne.
284 En sus des deux pays mentionnés : la Belgique, la
Suisse, l'Autriche, les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, la
Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud
285 Par exemple le « Train Nature » en Toscane, l'ARMF
en Catalogne
286 Maggi (1999), p 283.
D'autres facteurs ont pu également intervenir pour
faciliter ou entraver le développement des chemins de fer touristiques
:
-règlementations plus ou moins bienveillantes (par exemple
autorisant ou n'autorisant pas le cumul trafic voyageurs, marchandises et
touristique)
-diversité ferroviaire où de nombreuses compagnies
privées (ou d'économie mixte) cohabitent avec un opérateur
national (Allemagne) ou bien au contraire tradition ferroviaire monolithique,
pour ne pas dire monopolistique (France).
2- Un paradis aux accents « british
»
Jetons un rapide coup d'oeil vers le Royaume-Uni : 8
millions de voyageurs en 1999 (contre 3 en France), 1.000 locomotives à
vapeur préservées, plus de 30 musées.
« Les Anglais sont amoureux de leurs trains [...] Cette
relation privilégiée se traduit par le très grand
intérêt du public pour eux et son implication dans les loisirs
ferroviaires, la recherche historique amateur et professionnelle,
l'exploitation de chemins de fer touristiques, par l'attention remarquable et
unique portée par la législation en vigueur aux chemins de fer
historiques» 287. Cette passion pour la chose
ferroviaire ne date pas d'hier. Dans l'histoire des « petits
trains », les Britanniques cumulent les premières fois :
déjà, en 1927, des particuliers préservent une locomotive
historique. En 1949, une association sauve un réseau : le Talyllyn
Railway au Pays de Galles. 1959 voit l'ouverture d'une ligne à voie
normale par des bénévoles. Les chemins de fer historiques
sont « désormais un composant majeur de l'économie
touristique »288.
Révélateur du décalage existant (et
persistant) entre la France et le Royaume-Uni, cet extrait de
l'éditorial de David Blondin, dans Voie Etroite, n°217
(décembre 2006 - janvier 2007) : « Noël approchant, on se
prendrait vite au jeu [...] de croire que ce qui se fait ailleurs peut se faire
chez nous... Ailleurs, c'est au Pays de Galles. Une sorte de monde merveilleux
où la concentration de lignes touristico-historiques à vapeur
dépasse ce que nous pouvons raisonnablement supporter [...] L'exemple le
plus frappant [...] est bien sûr la résurrection du Welsh Highland
Railway, modeste ligne à voie de 60 de 40 Km de longueur, fermée
depuis 70 ans, dont les travaux de construction avancent à grands coups
de subventions (un peu plus de sept millions d'Euros pour la tranche
déjà en service !) et des dizaines de milliers d'heures de
bénévolat. Il a suffi de cinq ans pour ouvrir la première
section de 8 Km [...] et de seulement trois années
supplémentaires pour la section suivante de 11 Km ! [...] la
dernière phase avance à pas de géant et les 21 Km restants
seront inaugurés en
287 Scott (1999), p 348-353.
288 Idem, p 352. C'est nous qui soulignons.
1 30
2009 [...]. Et pendant ce temps en France, certains attendent
depuis des années de pouvoir poser leur premier rail... ».
Dans cet « autre monde », les amateurs abondent, les
chemins de fer touristiques sont considérés comme un atout au
service du développement économique local. Bref, les
« petits trains » sont pris au
sérieux.
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