Chapitre 2 - « Petits trains » et patrimoine
industriel263
« Conserver le patrimoine ne consiste pas à faire
circuler d'antiques engins essoufflés sur un petit Kilomètre de
rails milieu d'herbes folles »264. Certes, mais au
début, par la force des choses, ce type de fonctionnement domine. Il
faut dire que les associations d'amateurs interviennent en ordre
dispersé, sans coordination. En effet, l'urgence prime : sauver les
matériels de la démolition. Seulement ensuite, les amateurs
découvrent les coûts importants de la conservation du
matériel
ferroviaire : une maintenance lourde, souvent
complexe, la difficulté des choix de conservation devant l'abondance des
matériels récupérés, la nécessité
impérieuse d'abriter les collections265.
261 Cette combustion dégage notamment du CO2
(dioxyde de carbone -gaz carbonique) et du CO (monoxyde de carbone) qui sont
des gaz générateurs d'effet de serre ; également du SO2
(dioxyde de soufre) qui provoque les pluies acides.
262 Voir notamment le site du bureau d'études
suisse DLM : http://www.dlm-ag.ch/. Réservé aux amateurs
(très) fortunés.
263 Ce chapitre concerne au premier chef les chemins
de fer touristiques du type «Musées vivants », et au second
chef les chemins de fer touristiques d'animation touristique locale.
264 Ragon, Renaudet (1999), p 303.
265 Deux grandes raisons poussent à abriter
les collections : d'une part l'exposition aux caprices du climat
détériore les matériels (rouille, pourrissement), d'autre
part le vandalisme (un problème qui existe même en rase
campagne).
L'élément décisif qui oeuvre en faveur de la
préservation de matériels en état de marche est la
reconnaissance par le Ministère de la Culture de la notion de patrimoine
industriel. Cette reconnaissance se concrétise par le
classement
« monument historique » de nombreux
matériels ferroviaires anciens. Ce qui garantit leur
pérennité sur le territoire français et l'octroi de
subventions permettant de procéder à des travaux importants. En
effet, quand un matériel obtient son classement en « Monument
historique », les frais de restauration sont pris en charge à
hauteur de 50 % par la Direction Régionale des Affaires Culturelles
(DRAC). Les Conseils Régionaux peuvent ajouter leur contribution
à cette aide. Ainsi, dans les régions les plus
généreuses, la prise en charge s'élève
jusqu'à 95%. Pour les chemins de fer touristiques qui possèdent
des musées, les aides du FEDER266 et des Conseils
Généraux peuvent se monter à 70 % des sommes
engagées.
La collecte des aides constitue en conséquence un
enjeu majeur pour la pérennité de certains chemins de fer
touristiques. Notamment les « musées vivants » dont
les chiffres nous semblent révéler une certaine fragilité.
Ces réseaux affichent en effet le ratio le plus défavorable en
matière de nombre de voyageurs par exploitation et par an : 9.800 contre
25.200 pour les « petits trains » à caractère ludique,
avec pourtant des types de voie et des longueurs de voies assez
comparables267.
Le revers de la médaille ? Evidemment
l'épaisseur des dossiers à présenter aux
différentes administrations. Mais aussi quelques effets presque pervers.
Comme nous l'a confié le responsable d'une exploitation touristique :
pour recevoir des subventions, il faut monter de gros projets.
Les petits n'intéressent plus personne268.
Dans le domaine ferroviaire, les classements
débutent en 1983 : il s'agit de matériels moteurs, tous
écartements et tous moyens de traction confondus, mais avec une
prédominance, assez logique, de locomotives à
vapeur269. A partir de 1987, les classements s'étendent aux
voitures et aux wagons270. Un recensement réalisé en
1998 nous donne une idée de l'ampleur des efforts accomplis. Il fait
état des classements suivants271 : 5 locomotives à
vapeur agrées par la SNCF,
266 Fonds Européen de Développement
Régional.
267 Voir supra, Cinquième Partie, Chapitre 6.
268 Infos D. Blondin. Voir également Ragon,
Renaudet (1999), p 311, qui notent à propos de Vienne
Vézère Vapeur : « Le poids politique et la
crédibilité acquises l'autorisent à déposer
d'importants dossiers de financements éligibles y compris au niveau
européen ».
269 La première locomotive à vapeur
classée est une machine des Tramways de la Sarthe exposée au MTVS
(Musée des Tramways à Vapeur et des chemins de fer Secondaires
français). Selon Dahlstrôm (1989), p 3, préface de C.
Wagner.
270 Bouchaud, Cheveau (1999), p 270-271.
271 Idem, p 270.
52 locomotives à vapeur à écartement
métrique ou submétrique, 6 locomotives électriques, 6
autorails, 10 tramways, 230 voitures voyageurs. Des engins moteurs de
différents types ont pu être classés (exceptionnellement 2
ou 3 de chaque type) ainsi que des rames entières de voitures (par
exemple 17 « Palavas »). Certaines exploitations ont puissamment
bénéficié des classements : ainsi le Chemin de Fer du
Vivarais a vu la plupart des pièces remorquées classées en
1992 : 23 voitures, une voiture-salon, 3 fourgons, 9 wagons divers.
Toutefois, le patrimoine ferroviaire ne s'arrête
pas aux matériels roulants, notamment dans la perspective
englobante des chemins de fer touristiques d'animation locale: les ponts, les
viaducs, les gares, les rotondes, les châteaux d'eau témoignent du
passé. Un certain nombre d'entre eux sont désormais
classés272. Peut-être faut-il aller plus loin. Ainsi
Etienne Auphan voudrait « en arriver au classement au titre des monuments
historiques de tronçons entiers d'anciennes voies ferrées et non
plus seulement d'ouvrages d'art »273
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