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La Formation agricole et rurale dans la vallée du fleuve Sénégal : appui à la mise en place d'un cadre de pilotage régional

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par Xavier MALON
Université de Toulouse 1 Sciences sociales - Master 2 Pro Ingénierie de formation et des systèmes d'emploi 2007
  

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I.2. 1.2- La formation professionnelle des producteurs

Nous aborderons successivement ces deux pendants, que sont l'offre de formation initiale, et l'offre de formation continue.

I.2.1.2.1- L'offre de formation initiale (non diplômante, en totalité)

A quelques rares exceptions près11, celle-ci est l'apanage (relatif) d'un dispositif de formation public, dont les premiers centres ont été créés à la suite de l'école d'horticulture de Cambérène déjà citée, au tout début des années 60.

10 On remarquera que cette appellation renvoie à un grade de la Fonction Publique, plus qu'à un diplôme.

11 Voir panorama de l'offre de formation agricole et rurale (page suivante)

Il s'agit d'un dispositif (national) de modeste ampleur, qui compte six Centres d'Initiation Horticole (CIH) aux configurations très proches (3 formateurs en moyenne), répartis dans la moitié des onze régions administratives que compte aujourd'hui le Sénégal. (Dakar, Thiès, Saint- Louis, Diourbel, Kaolack et Ziguinchor).

La nouvelle école d'horticulture de Cambérène, et ses premiers produits formés, ont constitué une opportunité pour doter en personnels formateurs les CIH, qui furent imaginés par la tutelle de l'époque (Ministère de la Promotion Humaine) comme une réponse à la difficulté d'insertion des jeunes ruraux quittant précocement le système scolaire (écueil du concours d'accès en 6ème). Il s'agissait donc de leur proposer d'acquérir une capacité technique en maraîchage, aviculture, petit élevage et en apiculture, dix mois durant.

Cette formation devait théoriquement permettre à ces jeunes ruraux (de 16 à 24 ans) de retourner dans l'exploitation familiale, pour y mettre en pratique les techniques « modernes » apprises au centre et ainsi contribuer à la modernisation progressive de ces exploitations, en améliorant la productivité (jugée trop faible) et les techniques de production (jugées archaïques) d'un paysannat généreusement qualifié de traditionnel par les techniciens de l'Etat.

De 1965 à la fin des années 90, moins de 20 jeunes (âgés de 14 à 24 ans) ont été formés annuellement dans chaque CIH, dont un cinquième environ a pu poursuivre une formation diplômante (CAP) au Centre de Formation Professionnelle de Cambérène.

Depuis qu'il a été mis fin au système d'aides scolaires, au bénéfice des apprenants, les centres peinent de plus en plus à recruter : certains ont mis un terme à ce cycle standardisé, d'une durée de 9 mois et non diplômant, depuis 1999, faute de candidats tandis que d'autres ont abandonné les tests de sélection à l'entrée et malgré cela doivent se contenter de promotions aux effectifs réduits (de l'ordre de la douzaine). Une réflexion est en cours avec la profession agricole, à l'initiative de la tutelle, pour adapter le dispositif en place à la demande réelle, et lui permettre de recouvrer une utilité sociale qu'il semble bien avoir perdu.

En parallèle du dispositif ci-dessus, peu attractif, des initiatives éparses, localisées et non reliées entre elles existent ou ont existé ; citons rapidement :

L'ONG CARITAS, dont l'installation fait suite à la sécheresse des années 70. Elle a construit plusieurs Centres de Formation Agricole, destinés à faciliter l'insertion des jeunes ruraux en leur délivrant une formation à temps plein (non diplômante mais gratuite) durant deux années, en alternant théorie et pratique sur l'exploitation agricole pédagogique du centre. Actuellement, seuls deux CFA perpétuent cette formation, après avoir connu récemment plusieurs années blanches en raison d'un désintérêt croissant des jeunes ciblés12.

Un dispositif Maisons Familiales Rurales, construit sur le modèle et avec l'aide de son homologue français : une trentaine de MFR, certaines âgées de près de 30 ans. A l'heure actuelle, la plupart sont en état de léthargie, et toutes ont cessé depuis plusieurs années d'offrir une formation de longue durée spécifiquement destinée aux jeunes, leurs actions relevant davantage de l'accompagnement des ruraux en activité.

12 Voir à ce sujet notre dossier réalisé dans le cadre du module Systémique : « étude comparée de deux centres de formation agricole de la région de Kaolack » :

http://www.senswiss-far.org/part/bfpa/ter/Travaux_Boisseval_Faye_Malon.pdf

(*) : présent dans la vallée du fleuve Sénégal

Des initiatives relevant du secteur confessionnel (catholique), toutes isolées et sans formalisation ; il s'agit d'apprendre à quelques jeunes les rudiments pratiques de l'agriculture et de l'élevage, quelques mois durant ; il est très difficile de trouver des données précises sur l'encadrement en place, les effectifs ou les programmes éventuels

On le constate donc, le tableau d'ensemble est sombre et il n'est pas exagéré d'affirmer que, si la formation initiale des jeunes futurs agriculteurs s'est de tout temps cantonnée dans la marginalité, elle a quasiment disparu du paysage aujourd'hui.

Dans un pays majoritairement rural, dont la moyenne d'âge est de 15 ans et où la majorité des ruraux vivent principalement ou accessoirement des activités agricoles et d'élevage, force est de reconnaître que l'offre plurielle de formation professionnelle agricole initiale n'attire pas les jeunes, ni aujourd'hui, ni même hier !

Selon les données du Recensement National Agricole de 1999, il existait 450 000 exploitations agricoles au Sénégal ; or, sur la base d'un renouvellement générationnel tous les 30 ans, nous en déduisons approximativement que ce sont environ 15 000 exploitations familiales qui changent de main annuellement.

Il est donc périlleux d'affirmer dans ces conditions que la demande de formation (au moins potentielle) est inexistante ; vraisemblablement, il semble s'agir plutôt d'un problème de pertinence et/ou d'attractivité de l'offre de formation proposée.

Ainsi, de ce postulat découle l'idée simplificatrice qu'il suffirait de former des jeunes, plus réceptifs, à l'utilisation de techniques importées et performantes, pour progressivement doter le secteur agricole au sens large de ressources humaines de qualité.

Avec le recul, on le sait désormais, c'était aller un peu vite en besogne, en faisant totalement abstraction de l'environnement global du secteur productif en milieu rural, et de ses nombreuses contraintes qui rendent pour le moins hypothétique le bénéfice attendu d'un simple transfert de technologie. Cependant, cette logique correspondait à tout point de vue à celle des tutelles successives du dispositif CIH ( Education nationale, puis Formation Professionnelle, en enfin Agriculture depuis 1998 jusqu'en 2003), mais aussi des autres acteurs (Maisons Familiales exceptées, nous y reviendrons).

Dans les programmes de ces formations, le focus est mis systématiquement sur la création d'un nouveau profil de professionnel : le paysan moderne ! A aucun moment, l'enseignement mis en place n'essaie de comprendre comment les paysans environnants pratiquent, ni quelles sont les raisons qui les poussent à pratiquer de la sorte.

C'est en quelque sorte sur une négation délibérée de la réalité quotidienne environnante que se sont implantés dans le paysage rural ces centres de formation professionnelle, avec pour principale conséquence que les produits formés se sont retrouvés dans l'impossibilité technique, financière mais aussi sociale de reproduire à leur retour dans leur famille ce qu'ils avaient appris durant leur formation.

La distance certaine entre l'institution Education Nationale et les problématiques de développement rural explique sans doute en partie ce parti pris d'isolement, fondé sur la croyance que rien d'intéressant ne pouvait être emprunté aux pratiques multi séculaires d'un paysannat massivement analphabète.

Si elle l'explique en partie, elle n'explique cependant pas tout ; en effet, la plupart des centres de formation agricoles (et leurs programmes) a été largement inspirée par le modèle de l'enseignement agricole français (LEGTA, CFPPA), qui a participé directement à les façonner,

soit par des partenariats directs avec des lycées agricoles, soit par le détachement d'enseignants français en position de coopérants techniques.

Là encore, le mirage du transfert de savoirs et de technologies, comme réponse unique et irrécusable aux problèmes rencontrés par les agricultures du sud, n'a pas facilité l'ancrage et l'adaptation de ces centres de formation dans leur terroir.

La tentative d'implantation à l'identique du système des Maisons Familiales Rurales Françaises s'avérera également trompeuse : bien que s'attelant cette fois à construire à partir de l'existant, pour l'améliorer, la formation initiale en alternance sur le modèle français atteindra vite ses limites (en raison principalement de son coût, mais pas uniquement) avant d'être purement et simplement abandonnée.)

Ce dispositif se cherche actuellement un second souffle ; c'est d'ailleurs en ce sens qu'il a demandé en 2006 l'appui du dispositif MFR français, qui l'a répercuté au Comité mixte Franco- Sénégalais pour le développement du secteur agricole, qui s'est réuni en septembre 2006 à Gorée, sous la présidence de l'ancien directeur général de l'Enseignement et de la Recherche du Ministère français de l'agriculture, Monsieur Henri-hervé BICHAT.

I.2.1.2.2- L'offre de formation professionnelle continue (professionnels en activité)

Cette offre est éminemment plurielle, mais au final très peu diversifiée. Le secteur public est moins présent que dans le domaine de la formation initiale : seuls subsistent aujourd'hui deux Centres de Promotion Agricole, en quasi cessation d'activité.

Mis en place durant la période du Programme Agricole, caractérisée par un fort interventionnisme de l'Etat dans les années 70 (intrants, commercialisation, équipements et subventions, encadrement) grâce à l'appui technique et financier du Bureau International du Travail (BIT), ce dispositif qui comprenait également des centres de formation d'artisans ruraux a vécu sous perfusion, de façon relativement artificielle : les adultes en formation étaient obligatoirement de jeunes couples, et la bourse accordée, à laquelle s'ajoutait le fruit de leur travail pratique sur l'exploitation « moderne » du centre de formation durant toute une année, étaient censés leur permettre de s'installer ensuite à leur compte, avec un capital de départ.

Mis à part ce cas anecdotique et peu reproductible en l'absence de bailleurs de fonds, l'ensemble de la formation continue proposée aux producteurs en activité est le fait d'ONG, de consultants individuels et bureaux d'études, et de quelques (mais rares) fédérations d'Organisations Professionnelles. Elle est de très courte durée (un jour à une semaine) et revêt un caractère très ponctuel, du fait de l'incertitude liée aux canaux de financement, largement exogènes au milieu rural.

Autrement dit, l'élaboration rationnelle d'un plan de formation se heurte en général (pour sa mise en oeuvre) à la rareté ou l'imprévisibilité des bailleurs de fonds intéressés. (les possibilités de contribution pécuniaire des bénéficiaires directs permettant rarement de dépasser 10 à 20 % du budget nécessaire).

Enfin, et bien que ce secteur de la formation fasse l'objet d'une forte marchandisation, en raison de la forte compétition des acteurs en présence sur l'offre, la qualité ne semble pas au rendez-vous tant l'impact global apparaît manquer de visibilité.

En conclusion, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer que la plupart de ces établissements de formation professionnelle s'adressent principalement voire exclusivement, au

marché du travail... salarié (pour la formation initiale), ou à un public considéré comme captif car peu solvable par lui-même (formation continue).

Or, le secteur agricole, et plus largement rural, se situe très majoritairement dans le secteur informel, lequel valorise plutôt mal le diplôme acquis. Pire, l'emploi dans le secteur agricole est en réalité de l'auto emploi, dans plus de 90% des cas, et la prise en compte du profil de chef d'entreprise (ou chef d'exploitation) est totalement absente des référentiels et programmes de formation en vigueur.

Il y a là matière à réflexion, au niveau de la définition des politiques éducatives nationales, d'autant plus que les singularités évoquées ci dessus pour caractériser le secteur rural se trouvent être les mêmes dans les secteurs secondaires et tertiaires (rappelons à nouveau les données issues de l'étude de Pierre Debouvry d'octobre 2004, basée sur les données officielles au plan macroéconomique, qui font état d'un secteur formel national ne représentant que 8% de l'emploi et auto-emploi, secteurs public et privé confondus).

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon