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La Formation agricole et rurale dans la vallée du fleuve Sénégal : appui à la mise en place d'un cadre de pilotage régional

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par Xavier MALON
Université de Toulouse 1 Sciences sociales - Master 2 Pro Ingénierie de formation et des systèmes d'emploi 2007
  

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I-1.2.2 La mise en valeur du Fleuve Sénégal

La bande la plus septentrionale du Sénégal est caractérisée par un écosystème sahélien, à la frontière du Sahara dont seul le fleuve Sénégal la sépare par endroit. Les conditions de survie y sont naturellement rudes pour l'homme, les plantes et les animaux, et le milieu se prête peu au développement d'une agriculture pluviale intensive et performante.

La pluviométrie se situe de nos jours aux environs de 250 mm par an, avec de fortes variations inter-annuelles, et la carte ci dessus indique un glissement marqué des isohyètes vers le sud. Dans un tel environnement, le fleuve proche est synonyme de vie, et d'un développement potentiel ...pour peu que son cours soit maîtrisé.

Depuis sa source située dans le massif du Fouta-Djalon en Guinée, le fleuve Sénégal coule vers le nord sur 1700 km, et traverse des contrées de plus en plus arides. De tout temps, la crue du fleuve a été essentielle à la mise en culture des deux rives, d'autant plus que les pluies se raréfiaient. Cette crue annuelle apparaît en fin de saison des pluies et permet l'exploitation de la moyenne vallée, plaine alluviale cultivée en saison sèche après le retrait des eaux. Un système de production millénaire s'est ainsi construit dans le temps, jouant de la complémentarité des

cultures et parcours de décrue dans le Walo (basses terres), qui succédaient aux cultures et pâturages sous pluie du Diéri, non inondables (hautes terres).

Selon une étude de l'IRD pour l'Organisation de Mise en valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) en 1999, sur la période 1946-1971, 65 000 hectares étaient cultivés côté Sénégal, alors que les surfaces inondées étaient estimées à 312 000 ha des deux côtés du fleuve (pour 108 000 ha cultivés). L'OMVS, organisation sous-régionale, est née par la volonté de ses trois Etats membres : le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, à la suite des sécheresses de 1972 et 1984 ; cette coopération devait permettre à l'avenir, en gérant mieux le débit du fleuve, de développer une irrigation maîtrisée et de produire de l'électricité.

Photos satellite (source : Google Earth)

(Bassin versant du fleuve Sénégal)

C'est ainsi que deux barrages ont été construits dans la seconde partie des années 80 :

- en aval, près de l'embouchure et de Saint-Louis, pour empêcher l'eau de mer de remonter vers le fleuve en saison sèche ;

- en amont, le barrage de Manantali au Mali, qui sert de réservoir pour réguler le niveau du fleuve et produire l'électricité.

Pour Adrian Adams, « .../...Les projets de mise en valeur du fleuve, fondés depuis l'époque coloniale sur la riziculture irriguée, n'ont jamais tenu compte de ce système de production millénaire. A partir des années 1960,

les pluies et la crue ont fortement diminué, disparu même certaines années. Pour l'élevage comme pour l'agriculture, la sécheresse allait simplifier les choses, en permettant aux « développeurs » de faire comme si les systèmes de production traditionnels de la Vallée appartenaient désormais au passé ; l'avenir, c'était l'agriculture irriguée. Avec l'adhésion du Sénégal au programme de l'OMVS, la politique de la table rase devenait irrévocable ; les barrages projetés ne supprimeraient pas la pluie, mais ils permettraient de supprimer en grande partie la crue » 8.

Déjà dans les années 1960, l'ambition de l'Etat de faire de cette région un grenier à riz (après le coton et l'indigo) s'était traduite par d'importants investissements consentis pour l'aménagement de périmètres irrigués, par le truchement de la société d'aménagement et d'exploitation des terres du delta (SAED) ; ces périmètres sont gérés sous une forme collective, par des unions hydrauliques qui négocient chacune des centaines de millions de FCFA de prêts annuels avec la Caisse National de Crédit Agricole

Source : « diagnostic agro-économique de la communauté rurale de Ronkh, delta du fleuve Sénégal » - Mémoire (réalisé en 2004) de cycle ESAT / CNEARC Montpellier, par DIARRA Ibrahima Fanan et HAMIDOU Nouhou

L'installation d'agro-industries pour rentabiliser en partie les investissements hydro-agricoles est une autre spécificité de la région : la plus ancienne est la Compagnie Sucrière du Sénégal (canne à sucre), qui exploite 12 000 hectares et emploie 8000 salarié-e-s. On y trouve également la Société de Conserverie Alimentaire du Sénégal (SOCAS), qui produit du concentré de tomate à partir de cultures de plein champ conduites par les paysans, sous forme contractuelle ; la tomate est cultivée à la suite du riz, sur les mêmes périmètres, ce qui rend très interdépendantes ces deux spéculations.

8 Source : http://www.iied.org/pubs/pdf/full/X170IIED.pdf. L'auteur, Adrian Adams vit depuis vingt ans au Sénégal et travaille avec une association paysanne de la Vallée. Dans son dernier livre «A claim to land by the river : a household in Senegal 1720-1994» elle décrit comment les organisations paysannes ont lutté pendant 20 ans pour défendre leur vision du développement, centré sur les populations locales, en contraste avec les objectifs de développement des organisations gouvernementales responsables des projets d'irrigation dans la Vallée

Tout dernièrement, les Grands Domaines du Sénégal (Fruitière de Marseille) se sont installés dans le delta, pour y développer des cultures maraîchères d'exportation ; exploitant déjà près de 300 hectares, dont plus de 70 sous serres, cette entreprise verse chaque mois une masse salariale importante (les GDS emploient jusqu'à 3500 saisonniers, et ce n'est qu'un début).

Malgré tout, les résultats n'ont jamais été à la hauteur des investissements colossaux consentis ; alors qu'il était prévu de mettre en valeur rien de moins que 400 000 hectares de cultures irriguées (blé et riz), soit quatorze fois plus qu'avant, les surfaces cultivées sont aujourd'hui de l'ordre du dixième de cet objectif. Actuellement, la situation se présente comme suit :

Potentiel irrigable : 240 000 hectares

(le bassin du fleuve Sénégal couvre 289 000 km2)

Superficies aménagées : 94 000 hectares

Superficies exploitables : 64 000 hectares ( où la maîtrise de l'eau est encore possible)

Surfaces cultivées : 35 à 40 000 hectares (tous systèmes confondus)

Production de riz : 85 000 tonnes (début 60), jusqu'à 200 000 T (2002-2004)

On notera pour l'anecdote que l'objectif fixé l'an passé est de doubler cette production d'ici à trois ans (seulement) pour satisfaire la demande nationale, qui a obligé le pays à importer chaque année (en moyenne sur la période 2000 - 2003) 630 000 tonnes de riz, et 240 000 tonnes de blé...

En définitive, le delta a bénéficié de l'implantation des périmètres irrigués, mais l'irrigation par motopompes grève les prix de revient et hypothèque la rentabilité du riz sénégalais, tandis qu'en la privant des crues du fleuve, la vallée a perdu le double intérêt des cultures de décrue, minimisant les risques9, et plus rentables et productives à surfaces égales. Cette réduction des risques n'est pas un mince avantage, car, du fait de nombreux aléas y compris climatiques, et de l'importance des charges d'exploitation, la zone du delta connaît une situation récurrente de cumul d'arriérés de remboursement auprès du Crédit Agricole.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote