Les premières expériences de colonisation
agraire par des français de la métropole remontent à 1816,
quelques mois après que se soit échouée la frégate
La Méduse au sud de la côte mauritanienne, dont le radeau sera
immortalisé par Théodore Géricault en 1819.
La volonté de mettre en oeuvre cette colonisation
agricole reposait sur une représentation idyllique du potentiel
démographique et des potentialités des zones riveraines du fleuve
sur plusieurs centaines de kilomètres, jusqu'à Bakel. L'objectif
était double pour le colonisateur : approvisionner la métropole
en produits exotiques appréciés (café, indigo, coton), et
assurer une dépendance croissante et irréversible des populations
indigènes.
Il n'est pas superflu de rappeler que le Pacte Colonial
consistait d'abord en l'obligation faite aux colonies de commercer
exclusivement avec la puissance colonisatrice. (accessoirement, il leur
interdisait également de transformer sur place leurs produits
agricoles).
Cependant, les ambitions seront très vite revues
à la baisse : en effet, les troubles interethniques, les
négociants qui s'opposent au système de monopole, et
l'adversité Maure et Bambara auront finalement raison de l'implantation
des colons ;
Entre temps, l'épisode du baron Roger, sorte de
gentleman farmer nommé gouverneur de Saint-Louis en 1822, se terminera
par un fiasco agricole et économique : malgré un coûteux
système incitatif de primes à la plantation (indigo et coton),
les recettes d'exportation de ces produits ne couvriront qu'un huitième
des dépenses consenties par la métropole, déclenchant des
inspections qui concluront que les conditions particulières du «
Sénégal » (sols, climat, facteur humain) sont peu
compatibles avec sa mise en valeur agricole, et qu'il convient de favoriser
à nouveau et au plus tôt le commerce, moins risqué.
Comme le remarque très justement P. DEBOUVRY, cette
longue litanie d'erreurs, seulement esquissée ici, n'empêchera pas
le modèle de se reproduire pendant les cent cinquante
6 Source : Rapport d'achèvement de la
première phase du programme PSAOP
7 Ce chapitre s'inspire d'une série de
recueil de fiches de lecture de P. Debouvry, dont notamment : « Du
commerce illicite au commerce licite : abolition de l'esclavage et de la traite
négrière », et « La saga des Bordelais, ou
l'émergence de l'arachide sénégalaise ». (disponible
chez leur auteur)
années suivantes. « il annonçait, contre
toute logique, la série des futurs projets de mise en valeur
fondés sur l'imposition autoritaire de structures et de formes
d'exploitation de l'espace, en s'appuyant sur l'injection massive de capitaux
et d'expertise, sans soucis des us et coutumes des populations locales
».
Dès 1850 pourtant, une approche plus inductive,
à l'initiative du gouverneur PROTET allait assurer l'essor fulgurant de
l'arachide, sans intervention directe sur la production mais en
sécurisant son environnement et son écoulement ; la pistache de
terre, originaire du Brésil correspondait à une nouvelle demande
européenne (huile de table, savon) et sa production
(expérimentale au départ, par des maisons de négoce
bordelaises) allait passer de 1000 à 20 000 tonnes entre 1840 et 1870,
pour atteindre un million de tonnes en 1970. Ainsi naîtra le bassin
arachidier, caractérisé par sa monoculture, au centre du
pays...bien loin de la Vallée du Fleuve Sénégal qui
restera à l'écart de cette dynamique.