Probablement en raison de difficultés persistantes
à trouver ses marques dans le domaine de la régulation de la
formation agricole et rurale, le RESOF a vu ses interventions et ses postures
dans la vallée du fleuve Sénégal osciller et
évoluer au fil du temps ; il est passé à plusieurs
reprises d'un club de réflexion à un terrain
d'expérimentation, jusqu'au moment où il est venu buter sur les
questions de financement de la FAR, ou plus exactement sur des questions de
sécurisation des financements, et donc de pérennisation des
activités de formation (activités « d'amont et d'aval »
incluses).
Dès lors, des changements importants s'opèrent.
Vers la fin de la période au cours de laquelle la coopération
suisse avait appuyé directement les écoles nationales de
formation des techniciens du développement rural, elle avait
tenté de résoudre ce problème du financement en
créant des fonds de formation continue, directement
contrôlés par ces mêmes écoles : autant dire que
l'expérience s'était avérée peu concluante, la
« partie offreuse » n'ayant pas véritablement besoin de l'avis
de « la partie demandeuse » pour émarger sur ces fonds de
formation.
Aujourd'hui, de nouveaux fonds locaux sont mis en place,
à titre expérimental et via le RESOF. Les actions de
formation éligibles à ces fonds font l'objet d'une
sélection, in fine avalisée par les représentants des
collectivités locales et des organisations professionnelles ; c'est le
moyen qui a été trouvé pour que la demande de formation
« pilote » l'offre de formation, et donc en principe une garantie de
plus pour que l'offre de services s'attache à mieux satisfaire les
demandeurs.
Le Résof a d'abord ressemblé à un
aimable club d'échanges de pratiques entre professionnels de la
formation qui, à l'occasion, était capable de mobiliser quelques
ressources pour l'organisation d'un atelier de partage ou pour une session de
formation au bénéfice des animateurs et/ou responsables de ses
organisations membres.
Il a ensuite connu, de notre point de vue, quelques
dérives en se faisant mécène, et en finançant la
participation de certaines de ses organisations membres à des foires et
salons, pour tenter de freiner la démotivation de ses membres.
Aujourd'hui, avec les plans minimaux de formation des
producteurs, et les fonds locaux de formation, le réseau devient
bailleur de fonds et, qui plus est, une sorte de chef d'orchestre des
collectivités locales de base (les conseils ruraux), devant lesquelles
il agite des subventions alors que dans le cadre de leurs plans locaux de
développement, la quasi totalité de ces communautés
rurales n'arrive pas à réaliser le tiers de leurs plans locaux de
formation, faute de capacité suffisante de prise en charge.
Nous y voyons là deux travers importants, porteurs de
risques sérieux pour l'avenir :
· le rôle de bailleur de fonds (même si
la coopération suisse s'en défend) du Résof n'a pas
d'avenir ; il n'est qu'un intermédiaire dans le cheminement des
subventions de la coopération suisse, un peu à la manière
d'un projet de développement : aucune pérennité du
financement et de sa source ne peut donc être espérée sur
ce plan.
· le glissement du Réseau vers la
maîtrise d'oeuvre directe d'actions de formation au
bénéfice des producteurs, et vers la réunion de la
fonction opérationnelle de régulation et de celle de pilotage,
via les fonds de formation et leurs mécanismes.
Dans notre premier Mémoire de recherche, nous lancions
un avertissement en écrivant ceci :
« Le RESOF ne poursuit pas de but lucratif, ce n'est
ni un acteur économique, ni une association de défense
d'intérêts catégoriels. Les évolutions
récentes de cette structure transversale que nous avons jugé
utile de relever portent à croire qu'il s'oriente désormais vers
une intégration verticale rassemblant les rôles de maîtrise
d'ouvrage (décision et financement), de maîtrise d'oeuvre
(coordination, validation et choix des solutions) et d'opérateur via ses
membres (réalisation des sessions de formation).
Dans ces conditions, il n'est pas interdit de
penser que cette nouvelle configuration du Résof, dont le penchant
à l'autarcie transparaît de prime abord, rende plus
aléatoire la perspective de création d'une instance
régionale légitime de pilotage de la FAR ; de plus, le
caractère conflictuel de leur future cohabitation, sur des missions qui
se chevauchent, ne doit pas être écarté ».
Dans un tout autre registre, et à niveau constant de
ressources humaines et financières, l'attention nécessaire que le
RESOF devra consacrer aux activités relevant « de
l'opérationnel » risque de faire passer au second plan l'importance
des enjeux stratégiques originels ; or, sans enjeux stratégiques,
et en l'absence d'enjeux économiques à forte visibilité,
l'hypothèse d'un retrait des membres les plus influents au plan
politique et économique ne peut pas être écartée.
La manque de visibilité du Réseau nous a
été rapporté par plusieurs interlocuteurs de la
Vallée ; les vice-présidents de ses plus grosses organisations
membres le confondent avec le CIFA, le centre de formation qui
l'héberge.
Il oscille aussi en permanence entre les aspirations et les
pressions des deux principales catégories de membres qui le composent :
les formateurs et prestataires de formation d'un côté, les
organisations professionnelles agricoles, demandeuses de formation, de
l'autre.
Les fonds locaux de formation apportent aussi leur lot de
complexification : d'un fonds régional, au service d'une politique
régionale de FAR, on semble glisser, sans doute pour davantage de
visibilité `sur le terrain) justement, vers des fonds locaux au niveau
de la communauté rurale : soit, mais au service de quelle politique ?
pour quel impact sur le cours des pratiques que l'on se proposait au
départ de faire évoluer vers davantage de qualité, de
probité et de professionnalisme ?
Dans le même temps, tous les échelons des
collectivités territoriales ainsi que toutes les agences
régionales de développement, qui en sont le bras technique, sont
tournées vers le démarrage du programme national de
développement local (PNDL) dont nous avons déjà
parlé, censé injecter sur l'ensemble du territoire les
financements qui faisaient défaut jusqu'ici.
Bien sûr, même s'ils sont importants puisque se
chiffrant à plus de cent milliards de Francs Cfa, ces sommes ne
suffiront pas à régler toutes les difficultés
rencontrées à l'intérieur du pays, ni à rendre
suffisamment attractif le milieu rural pour stopper l'exode en cours.
Mais il nous semble malgré tout que le RESOF est en
train de passer à côté d'une belle opportunité ;
s'il s'était réellement investi dans le lobbying
nécessaire auprès des élus du Conseil régional
(notamment), alors même que les élus des Communautés
rurales65 ont déjà compris tout l'intérêt
d'un pilotage stratégique, il aurait pu se positionner comme un
interlocuteur privilégié et reconnu des organes
opérationnels du PNDL, dans le champ de la régulation ; ensuite,
son invitation à s'intéresser au pilotage aurait peut être
été mieux entendue, ou prise davantage au sérieux.
65 Qui « pèsent » lourd,
démographiquement et économiquement, face aux conseils
régionaux.
A contrario, en se dispersant pour contenter le plus grand
nombre, les insatisfaits sont au final les plus nombreux, et les objectifs bien
vastes, ou flous si l'on préfère, pour des ruraux qui ont besoin
de temps à autre de résultats bien identifiables.
Ne sachant trop comment s'y prendre pour mobiliser, « sur
du concret », toutes les catégories d'acteurs destinées
à se partager le pilotage de la FAR dans la Vallée, le
Résof hésite, traîne, donne l'impression de ne pas savoir
jusqu'où il veut aller, et vers où il veut entraîner les
autres dans cette « histoire » : il ne rencontre dès lors que
méfiance et évitements polis.
Comment rompre avec cette dynamique d'enlisement, qui a
montré toutes ses limites depuis ce fameux atelier de décembre
2004, où toutes les parties prenantes « déclaraient leur
flamme » pour participer ensemble au pilotage de la formation agricole et
rurale ?