IV-1.4. Les fonds locaux de formation
Provenant d'une ligne budgétaire de l'appui suisse au
RESOF, un fonds de formation local va bientôt être mis en place au
niveau de chaque pool pour (nous citons) « construire une approche
novatrice d'appui-conseil ». En fait, ces fonds de formation «
à usage local » sont le prolongement logique des plans minimaux de
formation des producteurs (trices), semblant parachever une évolution
naturelle du Résof vers une intégration verticale des
activités du secteur formation, nous aurons du reste l'occasion d'y
revenir dans notre analyse globale un peu plus loin.
Adama FAYE, le responsable du Bureau d'Appui à la
coopération sénégalo-suisse, parle de ces nouveaux fonds
de formation comme d'une expérience destinée à tester un
nouveau mécanisme de régulation participative ; dans le cas
présent, la régulation peut être prise en charge par des
partenaires qui réunissent les conditions de base, c'est à dire
:
· Des OP mobilisées autour de la formation,
· Des collectivités territoriales, qui pourraient
à travers ce dispositif s'impliquer davantage dans la formation pour le
développement de leurs territoires,
· L'existence de services agricoles de conseil, de
recherche et de formation, capables d'accompagner le processus.
Pour ce responsable, l'expérience du fonds de
formation a une valeur pédagogique : à travers le cadre
d'apprentissage que nécessite sa gestion, les acteurs en présence
sont formellement associés pour conduire une activité
concrète et très précise, et dont la dimension
économique est omniprésente ; dans ce contexte, de nouveaux types
de rapports pourraient s'établir entre eux, pour concourir à une
meilleure articulation entre les demandes et l'offre de formation
régionale.
Ce dispositif, qui va également être
testé en Casamance et avec le pole de services de Tambacounda et Kolda,
bénéficie au démarrage d'une dotation initiale provenant
uniquement du bailleur de fonds ; par la suite, les organisations
professionnelles et les collectivités locales
bénéficiaires tenteront de diversifier les sources de
financement, et devront elles mêmes contribuer à abonder le
fonds.
Sur le principe, les choses sont relativement simples :
à partir de la subvention allouée par la coopération
suisse au Résof, une ligne bien identifiée va alimenter un budget
« fonds-formation » individualisé pour chacun des trois pools,
à charge pour eux de contractualiser avec les communautés rurales
une convention de mise en place d'un fonds formation dans celles qui sont
intéressées, sous réserve que le Conseil rural de cette
collectivité s'engage à participer à la dotation du fonds
pour un montant égal au moins à 25 % de la contribution
financière du RESOF.
Nous ne pouvons que saluer la volonté des initiateurs
de prendre à bras le corps la problématique du financement de la
formation agricole et rurale, dans le contexte qui nous préoccupe. Le
nerf de la guerre est la plupart du temps une contrainte forte, car la demande
est souvent peu solvable, quand elle n'est pas le fait de populations
particulièrement vulnérables.
D'autre part, il n'est pas toujours aisé de
séparer ce qui relève de missions de service public et de
formations d'intérêt public, de classiques intérêts
économiques privés ; aussi, l'élaboration des
critères d'accès aux fonds formation est une étape
cruciale si l'on souhaite éviter les dérives et des
négociations sans fin ; nous verrons à la suite toute
l'importance qu'il conviendrait d'accorder à quelques précautions
à prendre avant que ces fonds ne soient en place (avant que la
fièvre ne monte ?) si l'on se donne pour objectif un financement
pérenne de la FAR au niveau local.
Quels sont les schémas d'organisation prévus?
(Source : note du bureau d'appui « Conception et test
d'un mécanisme de régulation participative de la FAR : le fonds
de formation »)
Formulation de la base » (par des OP
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demande « à la ou des individus)
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La demande doit déjà être
argumentée à ce stade (justification, pertinence, impact
économique attendu). Un modèle de fiche doit permettre une saisie
uniforme pour la base de données
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Soumission au Fonds
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Formation
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Une commission régionale (ou ses démembrements
à d'autres échelles territoriales) où siègent des
représentants des org. Professionnelles et des coll. Territoriales, qui
en constituent le noyau. Y siègent aussi quelques techniciens,
formateurs ou conseillers agricoles, choisis au sein des services techniques
publics pour leurs compétences (par exemple ARD ou ANCAR).
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par la
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Les techniciens n'ont qu'un rôle de conseil, alors que
les OP et les représentants des collectivités locales ont un
pouvoir de décision
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Elaboration du cahier pour l'appel d'offres
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des charges
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Par la commission, qui s'appuie sur les services techniques de
la région
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Réception des offres
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de formation
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idem
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des offres de
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Exécution des prestataires sélectionnés
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formations par les
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Et enregistrement des informations dans la base de
données
(*)
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Evaluation par les bénéficiaires
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REM : l'intervention du fonds est plafonnée à 90%
de la requête financière
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(*) Cette base de données de suivi des formations
financées et dispensées est destinée à mieux
rationnaliser et à instaurer plus d'équité dans
l'accès à la formation, en limitant les duplications et
l'accaparement par toujours les mêmes des places offertes durant les
sessions. Mieux, en croisant ces informations avec d'autres, relatives aux
systèmes d'exploitation et aux revenus de celles dont les membres ont
bénéficié de formations, les initiateurs des fonds de
formation locaux du Résof espèrent que l'on
pourra mieux évaluer les impacts de la FAR sur les revenus des
bénéficiaires.
Cette idée est louable, mais est-elle réaliste
? elle paraît certes séduisante sur le papier, mais les obstacles
sont nombreux : absence de transparence des revenus, vision trop partielle,
limitée aux seules formations financées à travers ce
fonds, pour ne citer que les plus importants.
En juin 2006, nous avions produit une note de quelques pages
sur le financement de la FAR, à l'intention de nos collègues du
bureau de la formation professionnelle agricole ; nous souhaitions par ce biais
attirer l'attention du BFPA sur les difficultés qui se présentent
dès que l'on souhaite mettre en place un fonds formation, et nous nous
étions appuyé alors sur notre expérience du Tchad,
où nous avions contribué en 2000 à la définition
d'un pro décembre jet de coopération dans lequel un fonds de
formation, géré paritairement, devait couvrir une grande partie
de la zone méridionale de ce pays60.
Pour ne pas trop nous étendre, nous nous bornerons
à rappeler quels sont les gros écueils à éviter
:
· L'absence d'orientations, de priorités claires,
légitimes et largement partagées ;
· Le mélange des genres : entre les fonctions
plus « politiques », les fonctions financières et comptables,
les fonctions techniques d'instruction des dossiers de demande et aussi d'appui
à la construction des demandes, les fonctions d'audit ;
· Une transparence insuffisante dans le traitement des
demandes et dans l'attribution des marchés aux opérateurs de
formation, ce qui implique un manuel de procédures exempt de reproches
;
· La surcharge, pourtant prévisible, de la
cellule chargée d'instruire « techniquement » les demandes
d'appui, en termes de pertinence (sauf à se contenter d'un traitement de
type uniquement administratif).
Si nous donnons l'impression d'insister lourdement sur ce
point, c'est parce qu'il nous semble que le bât blesse : sur chacun des
écueils rappelés ci dessus, le montage prévu par les
membres du RESOF et par le Bureau d'appui sénégalo-suisse n'est
pas exempt de critiques !
Le manuel de procédures en notre possession expose des
principes sur quelques pages, mais ne mentionne rien du détail des
procédures et de leur emboîtement, c'est à
l'évidence une source d'ennuis à court terme. Le
bénéficiaire est la communauté rurale, et le fonds vient
en appui dans le cadre du Plan Local de développement déjà
élaboré par cette collectivité locale. Il prévoit
à ce niveau trois nouvelles instances61., toutes
composées de bénévoles et dont on ne voit pas bien comment
elles pourront s'y prendre pour instruire sérieusement les dossiers qui
leur parviennent.
Selon nous, tout ceci semble confirmer le glissement du
Réseau vers la maîtrise d'oeuvre directe d'actions de formation au
bénéfice des producteurs, et vers la réunion de la
fonction opérationnelle de régulation et de celle de pilotage,
via les fonds de formation du Résof : quelle place restera t-il alors au
futur cadre de pilotage régional de la FAR dans un tel schéma
?
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